Le vaccin contre la polio boycotté


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Les Etats nigérians musulmans de Kano et Zamfara (nord) refusent de laisser les autorités sanitaires vacciner les enfants contre la poliomyélite. A l’origine du boycott : la peur que les organisations partenaires de l’initiative ne leur inoculent le virus du VIH/sida ou ne les stérilisent.

Le vaccin de la polio boycotté. Les Etats nigérians musulmans de Kano et Zamfara (nord) menaçaient, depuis plusieurs mois, d’empêcher une vaste campagne de vaccination orale contre la poliomyélite[<1> Maladie infectieuse et contagieuse d’origine virale qui atteint les cornes antérieures de la moelle épinière et se manifeste essentiellement par des paralysies progressives]]. Ils ont mis leurs menaces à exécution en réitérant leur refus, lundi, de voir les autorités sanitaires immuniser les enfants contre cette maladie. Les autorités de ces deux Etats craignent que, sous couvert d’une action humanitaire, les Etats-Unis ne tentent d’inoculer aux Africains le virus du VIH/sida ou de les stériliser. Le Fonds des Nations Unies pour l’enfance ([Unicef) et l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), partenaires du ministère de la Santé dans cette opération, récusent ces accusations. Mais insistent sur la nécessité d’agir pour maîtriser le virus qui a déjà fait sa réapparition dans certains pays du continent.

Peur d’un vaccin stérilisant

La première accusation a été émises par Ibrahim Ahmed Datti, puis relayée par d’autres dignitaires religieux. Le Docteur, également à la tête du Conseil suprême pour la charia[[<2> Loi islamique]] au Nigeria (SCSN), a déclaré que les Américains avaient rendu le vaccin contre la polio dangereux pour la santé des Africains. Et plus précisément qu’« il faisait partie d’un planning familial destiné à contrôler leur fertilité », explique le porte-parole du siège de l’Unicef à New-York (Etats-Unis). Un contrôle destiné, selon certains, à les exterminer. Une allégation utilisée depuis près de six mois par les Etats de Kano et Zamfara pour boycotter la campagne de vaccination, menée dans neuf autres pays africains pour immuniser 64 millions d’enfants.

L’Etat de Kano a d’ailleurs appuyé son refus en expliquant qu’une de ses équipes de scientifiques avait trouvé des agents suspects dans les vaccins examinés l’an dernier. Pas question, donc, de laisser les enfants être vaccinés si des tests complémentaires de fiabilité n’étaient pas effectués. Pour rassurer les autorités des Etats inquiets, « des examens sont actuellement en cours. Les résultats devraient être disponibles très prochainement », assure-t-on au siège de l’Unicef. L’organisation ajoute que si les tests, comme ils en sont convaincus, révèlent la non-dangerosité du produit, Kano et Zamfara reviendront sur leur décision.

Cette vérification scientifique devrait également permettre de prouver que le vaccin n’est pas contaminé par le virus du sida, comme l’affirment certains. Il faut dire que les Nigérians ont été très échaudés par une mauvaise expérience en 1996. La société américaine Pfizer avait été administré à des enfants un médicament qui n’avait pas été testé pour combattre une épidémie de méningite dans l’Etat de Kano. Une dizaine d’enfants étaient morts suite au traitement. Quelque deux cents autres avaient souffert de graves lésions cérébrales, les laissant handicapés.

L’éradication de la polio menacée

Ceux qui combattent toute initiative américaine ou occidentale dans le pays font flèche de tout bois pour décourager les parents de faire vacciner leur progéniture. Mais ce sont autant de freins à la campagne d’immunisation. Car même si les tests scientifiques jouent en la faveur des autorités, il faudra convaincre une population dont les doutes auront été exacerbés. La phase de vaccination en cours, qui prend fin jeudi, ne concernera pas les enfants des deux Etats musulmans. Ils devront attendre la prochaine session, prévue pendant la dernière semaine du mois de mars.

La vaccination est urgente et indispensable. Alors que la polio était en voie d’éradication en Afrique, des foyers sont apparus dans le nord du Nigeria, et plus précisément à Kano-même, où, fin janvier, 89 cas ont été répertoriés sur les 327 que comptaient le Nigeria. La souche nigériane de la maladie a d’ailleurs été retrouvée dans d’autres pays, exempts pour certains de la polio depuis quelques années. L’OMS a ainsi relevé des cas en République Centrafricaine, où la présence du virus n’avait pas été rapportée depuis juillet 2000. Parmi les autres pays touchés, le Bénin, le Burkina Faso, le Cameroun, le Tchad, le Ghana ou encore le Togo, où les deux douzaines d’infections récemment constatées présentent des similitudes avec la souche nigériane.

La propagation de la maladie risque de briser les objectifs fixés par le gouvernement nigérian, fermement engagé dans la lutte contre la polio. A plus grande échelle, c’est l’éradication de la polio dans le monde qui est menacée. Les cas étaient passés de 350 000 dans le monde, en 1988, à, moins de 1 000 l’année passée. L’OMS pensait donc pouvoir rayer de son agenda le virus de la polio d’ici 2005. L’atteinte de cet objectif dépend grandement de la coopération des Etats nigérians récalcitrants.

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