King Mensah : « notre force réside dans nos racines »


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King Mensah
King Mensah

La figure de proue de la musique togolaise, King Mensah, reste ancrée dans la tradition et regrette que son pays n’ait pas encore trouvé son propre courant musical. L’artiste, qui vient de sortir son quatrième album, vit depuis peu aux Etats-Unis mais rêve de rentrer au Togo pour y installer un village artistique.

King Mensah porte bien son nom. Car à 32 ans, l’artiste est bel est bien l’actuel roi de la musique togolaise. Kora 2000 du meilleur artiste traditionnel, il estime que son pays n’a pas encore trouvé sa propre voie musicale. Avec Elom, il vient d’enrichir sa discographie d’un quatrième album. Actuellement aux Etats-Unis, il reste attaché à l’Afrique et au Togo où il rêve de revenir pour y construire un village artistique. Rencontre avec une star simple et passionnée.

Afrik : Vous restez centré autour de la musique traditionnelle, pourquoi ?

King Mensah : Il y a beaucoup d’artistes africains qui oublient que notre force réside dans nos racines et notre musique traditionnelle. Il suffit d’arroser la racine. Je mêle seulement des influences contemporaines mais je chante dans ma langue maternelle : le mina (prononcez minan, ndlr) et aussi en kabye et en ewe. Quand je vois des personnes comme Salif Keita, Youssou n’Dour ou Mory Kanté, je sais que c’est le bon chemin.

Afrik : Quel regard portez-vous sur la musique togolaise ?

King Mensah : Il y a encore beaucoup de travail à faire. C’est vrai pour tout le monde, y compris pour moi. Aujourd’hui, on ne peut pas dire qu’il y a une musique togolaise. Quand on parle de zouglou ou de zoblazo on sait que c’est de la musique ivoirienne. Quand on parle de makossa on sait d’où ça vient (du Cameroun, ndlr), quand on parle du high-life on sait que ça vient du Ghana. Mais au Togo, comme au Bénin, nous n’avons pas de style musical qui colle vraiment au pays.

Afrik : Quel(s) artiste(s) admirez-vous ?

King Mensah : Mon père (rire). Même s’il n’est pas connu. Quand j’étais petit, je l’écoutais chanter chaque matin et chaque soir assis sur une chaise devant sa chambre. J’ai commencé par l’imiter en prenant sa chaise pour chanter à mon tour pour faire rire mes frères. J’y prenais goût sans même le savoir. Sinon, Meiway est un artiste que j’aime beaucoup. Tout comme Lokua Kanza, Salif Keita ou Youssou n’Dour…

Afrik : Quel est votre rêve d’artiste ?

King Mensah : Je vis aux Etats-Unis depuis huit mois. Je vais peut être y rester encore un ou deux ans. Mais mon rêve est de rentrer chez moi, construire un village pour accueillir les artistes, de la danse, du théâtre, de la musique. J’ai déjà participé à ce genre projet en Côte d’Ivoire et j’aimerais le faire dans mon pays. Mon rêve serait de participer à construire l’Afrique. Et ce n’est pas en dehors de l’Afrique qu’on peut construire l’Afrique.

Afrik : Pourquoi êtes-vous parti aux Etats-Unis ?

King Mensah : Au départ, pour apprendre l’anglais. Un soir, nous étions dans une boîte de nuit où des personnes jouaient en live. L’ami qui m’accompagnait m’a poussé à aller chanter avec les musiciens. Les gens sont montés sur scène pour me donner de l’argent. A la fin de ma prestation improvisée, une femme est venue me demander si j’étais vraiment artiste ou si je chantais juste comme ça pour le plaisir. Une semaine plus tard, elle m’a trouvé une date pour voir ce que je savais faire. J’ai trouvé rapidement trois musiciens pour m’accompagner et c’était parti. Depuis, elle s’occupe de moi. Elle m’a trouvé des dates au Canada. Je suis même invité l’année prochaine au festival Nuits d’Afrique à Montréal et j’ai une tournée de prévue de trois mois (juin, juillet, août) aux Etats-Unis, l’année prochaine.

Afrik : Quelle est la vision de la musique africaine aux Etats-Unis ?

King Mensah : Il faut que les gens arrêtent de nous blaguer. La musique africaine n’a pas encore une route aux Etats-Unis. J’ai entendu des artistes africains qui se vantaient d’avoir rempli des salles aux Etats-Unis. Or il n’y a que les Africains qui viennent. C’est comme s’ils avaient fait un concert à Lomé ou ailleurs en Afrique. Pour moi, faire un concert qui marche en Amérique, ça serait de remplir une salle avec des Américains. Je suis là-bas, je vais essayer de bousculer les choses. Je n’ai rien à perdre, si je ne le fais pas, mon enfant le fera (rire).

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