Noël à Bouaké


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La situation est confuse en Côte d’Ivoire où des manifestants loyalistes, appuyés par des militaires, ont tenté dimanche de forcer la zone dite « de confiance » pour marcher sur Bouaké, en zone rebelle. Repoussés par les forces armées françaises, certains ont reçu la visite de leur Président Laurent Gbagbo. D’autres ont investi la Radio-Télévision ivoirienne pour adresser un ultimatum de 48 heures à leurs chefs, les appelant à démissionner, et aux forces françaises, leur demandant de quitter le pays.

La situation aurait pu dégénérer, samedi, en Côte d’Ivoire, lorsque des soldats ivoiriens ont tenté de franchir la « zone de confiance » aux dépends des forces françaises. Tout commence vendredi lorsqu’un responsable politique local, M Djué, déclare que lui-même et une centaine de jeunes ivoiriens loyalistes révoltés de voir leur pays coupé en deux, « souhaitent passer Noël à Bouaké », explique le lieutenant colonel Georges Peillon, porte-parole des forces armées françaises en Côte d’Ivoire. Seul problème, la ville se trouve en zone rebelle. Ils doivent pour l’atteindre passer la « zone de confiance », une bande de quelques kilomètres de large établie entre les zones loyalistes, au sud, et rebelles, au nord, et défendue par les soldats français. Hors, ces derniers ont ordre de ne pas laisser passer de groupes de plus d’une centaine de personnes, « afin de garder une liberté de circulation dans cette zone ». Samedi soir, lorsqu’ils mettent leur projet à exécution, « les manifestants de M’bahiakro et d’un autre village voisin sont pacifiques. C’est-à-dire non armés », explique le lieutenant Peillon. « Mais ils sont rapidement rejoints par une centaine d’éléments des Fanci (Forces armées nationales de Côte d’Ivoire, ndlr) armés et même par des blindés ».

La foule est repoussée par les troupes françaises et l’un des blindés est détruit. « La décision d’arrêter la manifestation a été prise par les plus hautes autorités ivoiriennes, précise le porte-parole des forces françaises ». Avant d’ajouter : « il était de toute façon de notre devoir de l’arrêter. Parce que c’est notre mission, mais également parce qu’il y avait un danger à les laisser provoquer des hommes armés en zone rebelle. Des éléments des Fanci sont même intervenus pour arrêter leurs collègues ». Ecoeurés par cette connivence, certains militaires décident d’investir la Radio-Télévision ivoirienne (RTI), le lendemain, pour enjoindre aux « généraux Doué (chef d’Etat-major, ndlr), Bombet (commandant des forces terrestres, ndlr) et Touvoli (commandant de la gendarmerie, ndlr) » de démissionner et à l’armée française de quitter le pays sous 48 heures. « On ne veut plus d’eux comme chefs militaires ! Par leur faute, notre armée est humiliée », a affirmé un officier identifié comme étant le lieutenant Zadi, du bataillon des commandos parachutistes, rapporte l’AFP. Avant de préciser, pour les Français : « Nous, l’armée de Côte d’Ivoire (…), demandons au Président Laurent Gbagbo de dire à ces Blancs-là de dégager les lignes de front. Nous sommes prêts à libérer notre pays ».

Un incident minimisé

Trois jours plus tôt, Laurent Gbagbo avait tenu l’un de ses discours les plus amicaux et reconnaissants envers la France, et appelé les rebelles à saisir « la main tendue par la Nation ». Dimanche après-midi, il s’est rendu pour la première fois depuis le début de l’insurrection du 19 septembre 2002 sur la « zone de confiance » pour calmer ses soldats et ses partisans. Dès le retour du Président ivoirien à Abidjan, la RTI a diffusé des extraits de son entretien avec les soldats mutins : « Notre pays sera bientôt libéré. Tout ce que nous faisons, c’est pour reprendre la voie de notre développement. Tenez bon, tenez bon. Je reviens vous voir bientôt… avec des dates précises. Je veux obtenir une date de libération de nos amis. Je veux une date de cantonnement et une date de désarmement ».

Lundi, la situation était moins tendue à M’bahiakro et calme à Abidjan. La presse s’attachait à minimiser l’événement, de même que le conseiller militaire de Laurent Gbagbo, qui s’affirme même compréhensif envers les insurgés : « La déclaration des militaires exprime un ras-le-bol général face à une situation de ni paix ni guerre », a ainsi estimé Bertin Kadet. « Les militaires sont au front, leur pays est coupé en deux, il y a un sentiment de révolte qui les anime. En même temps, il faut comprendre qu`ils aient envie de se battre pour libérer leur pays », a-t-il ajouté. Avant d’admettre que l’ultimatum lancé à leurs supérieurs était un « acte d’insubordination ». Le porte-parole de l’Opération Licorne reconnaît lui-même que la tentative de passage de samedi est « un événement relativement minime, qu’il faut néanmoins prendre au sérieux afin que le travail effectué jusque là ne soit pas remis en cause ». En réponse à l’ultimatum qui leur a été fixé, Paris a assuré que les forces françaises resteraient en place.

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