Griots des champs


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Un griot
Un griot (illustration)

Les griots africains encouragent les laboureurs en chantant les exploits de leurs aïeux. Une tradition destinée à améliorer les rendements agricoles. Un savoir-faire transmis de génération en génération qui semble faire ses preuves. Exemple au Burkina.

Travaillez, prenez de la peine. Les griots africains encouragent les laboureurs par les louanges qu’ils chantent à propos de leurs ancêtres. Au Burkina Faso, comme dans bien d’autres pays du continent, cette tradition rythme l’activité des champs, motive les travailleurs et les pousse à se surpasser. Un service en échange duquel les griots-chanteurs sont nourris et reçoivent des cadeaux. Cette coutume atteste du fait que les griots sont actifs non seulement au niveau social, mais aussi au niveau économique.

Les griots sont présents dans tous les moments les plus importants de la vie d’une famille. Naissances, mariages ou décès. Ils constituent des éléments incontournables de la sphère sociale. Mais leur pouvoir ne s’arrête pas là. Ils sont aussi sollicités pour donner du cœur à l’ouvrage aux laboureurs par leurs chansons. Une tradition très répandue sur le continent et qui varie en fonction de l’ethnie à laquelle appartiennent les griots. « Les membres de l’ethnie Malinké sont de grands agriculteurs et le soutien des griots prend une place très importante lors de la culture des champs. Par contre, les Peuls sont avant tout un peuple d’éleveurs. C’est pourquoi les griots ont un rôle plutôt secondaire dans le domaine de l’agriculture », explique Aminata, originaire d’un village proche de Boromo (province de Les Balé, sud-ouest).

Des forces décuplées

Pour encourager les laboureurs, « les griots viennent avec des tam-tams ou des calebasses. En même temps qu’ils jouent de la musique, ils énumèrent ou racontent la vie des ancêtres d’un cultivateur. Ce dernier se place alors en première ligne et travaille avec beaucoup plus de vigueur qu’en temps normal. Ensuite, les griots passent à une autre personne, et le même rituel recommence », raconte Mahamoudou, un Ouagalais d’une quarantaine d’années. Une méthode qui semble faire ses preuves. « Admettons que des laboureurs aient à cultiver une surface d’un demi-hectare. Avec les chants des griots, ils travailleront sur deux ou trois hectares », estime Aminata.

Ce qui donne un regain de motivation à ces hommes et ces femmes dans les champs, ce sont leurs louanges sur les ancêtres courageux. « Les griots reviennent sur les exploits d’un grand-père qui a bien labouré son champ, fait de bonnes récoltes et a pu avoir des graines d’avance pour trois ou quatre ans, par exemple. Ils ne citent jamais les noms des ascendants fainéants ou peu travailleurs. C’est une façon de pousser les paysans à vouloir faire mieux que leurs prédécesseurs, à surpasser leurs limites », souligne la Burkinabé.

Tout travail mérite salaire

Tout un art. Même s’il arrive que les laboureurs chantent eux-mêmes pour se motiver à la tâche, cette tradition reste une affaire d’héritage familial. Transmise de père en fils, mais aussi de mère en fille. L’apprentissage commence dès le plus jeune âge. « Les enfants de griots suivent leurs parents lorsqu’ils vont chanter dans les champs. Quand ils grandissent, c’est à leur tour d’apprendre toute la lignée des familles », raconte Aminata. Un travail qui demande de grosses capacités de mémorisation. « Les griots connaissent par cœur les noms qui composent la généalogie des laboureurs. Du coup, lorsqu’ils les récitent, ils leur viennent naturellement », commente Mahamoudou.

Les « chanteurs des champs » n’attendent rien en retour de leurs précieux services. Mais les villageois tiennent à les remercier avec les moyens dont ils disposent. « Les femmes du village leur préparent à manger. Ce n’est pas considéré comme une récompense, mais plutôt comme un geste d’hospitalité. Par contre, ils peuvent recevoir des cadeaux, de l’argent ou encore du mil », énumère Aminata. C’est le fonds qui manque le moins.

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