Bachir Rachdi, un manager qui monte


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Jeune patron des Nouvelles Technologies de l’Information (NTI) à la tête de Transparency Maroc, Bachir Rachdi a fondé deux sociétés d’édition de logiciels et mène la lutte contre la corruption. Pour lui, l’action du gouvernement sur les dossiers de l’éthique et la promotion des NTI restent léthargiques.

Bachir Rachdi, 41 ans, est impassible. Difficile de définir ce qu’il ressent à travers ses paroles. Le patron de la société d’édition de logiciels Involys écoute bien son interlocuteur et prend tout son temps pour répondre calmement mais fermement. Aucun souvenir, aussi perturbant soit-il, ne lui fait changer d’expression. Il avait poursuivi des études à l’Ecole Mohammadia des Ingénieurs, section génie électrique et informatique industrielle. Mais son parcours estudiantin a été cassé par une injustice.

Il parle de cette période avec un petit sourire timide mais amer. Rachdi, originaire de Khouribga, a été exclu de l’école pour des raisons syndicales. Cela s’est passé en 1983. Il en était à sa dernière année d’étude et classé parmi les premiers de sa promotion. Cette année-là, l’école est passée sous la houlette d’un régime militaire. Chose que les étudiants n’ont pas appréciée. La fronde couve. La séquestration de quelques étudiants et l’interdiction du mouvement syndical ont provoqué la révolte. Des grèves ont éclaté. Le conseil militaire de l’école a proclamé l’exclusion de 4 étudiants (dont Rachdi) et la suspension de six autres.  » Personne n’est à l’abri de l’injustice, même si on est brillant dans ses études « , se désole Rachdi.

Ascension professionnelle

Le mot  » injustice  » revient souvent dans son discours. Le jeune patron des NTI veut que chacun soit estimé à sa juste valeur. Son ascension professionnelle sera justement sa revanche. Il cherchera à prouver sa compétence le restant de sa vie. L’année de son exclusion, il intègre Promo Consult, un bureau d’étude dirigé par Omar Bennani. Rachdi doit beaucoup à son patron qui a cru en ses performances sans exiger de diplôme. Il en fera son compagnon de route.  » Il m’avait plusieurs fois répété que les jeunes exprimant leur protestation iraient loin dans leur vie professionnelle  » : son ex-patron est aujourd’hui son associé.

Le bureau d’études créé le premier logiciel dédié aux métiers du bâtiment. La société avait constaté l’absence de solutions d’automatisation de la production sur le marché. Pour bien écouler son produit, elle devait soutenir la commercialisation. Mais l’investissement était trop lourd. En plus, le marché marocain ne permettait pas de réaliser une rentabilité. En 1985, Rachdi et son associé lancent la première société d’édition de logiciels en France. Baptisée Batisoft, elle réalise quelque 1,2 million de FF de chiffre d’affaires.

Batisoft Maroc devient Involys

Le pôle commercial se développe très bien en France. Une année après, le côté technique est transféré au Maroc via la création de Batisoft Maroc. C’est à partir d’ici que les logiciels de bâtiment sont conçus. Ils sont commercialisés par la suite dans l’Hexagone.

Mais face à la chute du secteur de l’immobilier durant le début des années 90, la société marocaine se trouve dans l’obligation de diversifier ses produits. Elle se lance alors dans la conception d’outils de gestion complémentaires. En 1995, elle met sur le marché la première version du  » up-manager « , un produit spécifique pour les grandes sociétés. Décliné en cinq gammes dont la gestion des achats, de la distribution et des immobilisations, ce produit sera un succès sur le marché.

Séparée de sa maison mère, Batisoft Maroc change de dénomination et devient Involys. D’après Rachdi, ce nom n’a pas une signification particulière, mais véhicule quand même une notion d’intelligence et d’évolution. La nouvelle société a élargi son activité à la conception de logiciels intégrés qui retracent d’une façon automatique toutes les étapes de la gestion d’un domaine donné.

Activités associatives

Aujourd’hui, up manager et up design (logiciel de bâtiment) sont à la pointe de ce qu’il y a sur le marché canadien et nord-américain.  » Une prospection de ces marchés nous a montré que nous avons une avance technologique de 18 mois « . Une période non négligeable dans un secteur qui évolue rapidement.

L’ambition professionnelle de Rachdi est beaucoup plus grande. A côté d’Involys, il dirige une autre société: Involia. La ressemblance entre les deux dénominations est frappante. Un nom fétiche? Involia est une société de services informatiques qui opère pour le compte d’industriels étrangers dans des domaines de pointe. Elle fait de la sous-traitance pour des produits fortement technologiques comme la navigation et l’usinage.

Comme la plupart des jeunes patrons, Rachdi reste jusqu’à des heures tardives dans son bureau. Il ne s’étale pas beaucoup sur sa vie privée et ses loisirs. Secret de Polichinelle? Apparemment non. Il n’a pas beaucoup de choses à dire sur ce sujet. Son travail lui prend tout son temps. Le peu qui lui reste, il le consacre à ses activités associatives. Secrétaire général de Transparency Maroc, Rachdi veut participer au changement du Maroc sans pour autant faire de la politique directe. Pour lui, la politique marocaine manque d’audace. Elle est entachée d’une forme d’impunité.  » La sanction du vote n’existe pas. Les politiciens ne rendent pas compte de la réussite ou de l’échec de leurs programmes. Mêmes les intègres sont laxistes. Ils ne réagissent pas pour dénoncer les fraudes ou pour rétablir ce qui ne va pas « , dit-il.

Lutte contre la corruption

Quant à  » sa lutte  » contre la corruption, Rachdi en garde une sensation d’inachevé. Cette action souffre d’un problème d’application. « Le gouvernement nous écoute. Mais rien ne se fait sur le terrain », se désole-t-il. Le patron de Transparency Maroc note même « un recul général » par rapport à 1996, date de la création de l’association.

Côté promotion des NTI, le bilan n’est pas vraiment reluisant. Les échos du gouvernement sont positifs, mais rien de concret. Pour l’équipe au pouvoir, la promotion des NTI est prioritaire. La Loi de Finances n’a inséré aucune des propositions de l’association pour dynamiser le secteur. Et le contenu du contrat-progrès risque d’être dépassé, vu l’évolution rapide des NTI au niveau mondial. Mais Rachdi reste conciliant. Tacticien, il ne veut pas insulter l’avenir et garde toujours espoir à ce que la profession obtienne la place qu’elle mérite.

Nadia Lamlili

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