RDC : dix ans de croissance fallacieuse


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Les performances accomplies en RDC, en termes de positivité des taux de croissance et de maîtrise du niveau d’inflation depuis début 2000, sont devenues un vrai motif de fierté pour les autorités politiques, qui sont dorénavant bons élèves des institutions de Bretton Woods. Ils ne jurent plus que par les Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD) : atteindre des taux de croissance à deux chiffres et les maintenir pendant 8 ans pour réduire la pauvreté de 50 %. Mais peut-on réellement émettre des prévisions fiables de réduction de pauvreté sur base d’une croissance du type congolais ?

Selon la Banque Centrale du Congo (BCC), entre 2001 et 2011, le PIB et l’emploi ont connu des taux réels de croissance de 5,5 et de 5,85 respectivement. Les secteurs primaire, secondaire et tertiaire ont été multipliés par 7,23 ; 5,60 et 44190,58 avec des taux de croissance de 24,58 % ; 21,09 % et 228,21 % respectivement. L’Indice de Production Industrielle qui se rapporte au secteur dit secondaire (usines, chantiers, mines et carrières) a varié de 2,61 % par an.

Ces statistiques sont apparemment impressionnantes, mais regardons-les sous un angle différent : le PIB étant la somme des Valeurs Ajoutées (VA), considérons la structure de celles-ci. La VA se répartit essentiellement entre les salaires, les cotisations sociales, les impôts, et les profits, dont l’augmentation traduit celle du PIB, et la qualité celle de la croissance. Mais il ne sera question, ici, d’analyser que l’emploi et la part revenant aux entrepreneurs, ainsi que les effets d’entraînement.

La demande du travail est fonction de la production prévue par les entreprises. Le corollaire est qu’en période prospère l’emploi augmente, les prévisions restant positives, et la masse de salaire suit le même mouvement. En RDC, de 2001 à 2011, le taux de chômage n’est passé que de 90 % à plus de 70 %. En terme réel, le PIB a été multiplié à peine par 2, le PIB/tête par 1,26 et plus de 71 % des congolais vivent avec moins d’un dollar américain par personne par jour selon le rapport mondial sur le développement humain 2011.

La lenteur dans l’augmentation de l’emploi s’explique par le fait que la croissance ait été déclenchée et soutenue par le secteur tertiaire (qui a été multiplié par 44190,58), essentiellement constitué des sociétés de télécommunication et des banques qui n’ont pas besoin d’une grosse main d’œuvre. L’évolution du secteur industriel qui engloutit un travail abondant, n’égale pas son potentiel alors que l’emploi est un déterminant fondamental de la pauvreté. Une croissance non créatrice d’emplois massifs dans une économie à taux de chômage très élevé biaise les prévisions de réduction de pauvreté.

Un aspect autre important de la création de richesses intérieures est la part revenant aux entreprises, les profits. Malheureusement ces profits ne sont presque pas réinvestis dans l’économie. Il y a donc un effet d’optique dans cette « richesse-là ».

Selon la BCC, la RDC perd chaque année, autour de 10 % du PIB suite aux transferts vers le reste du monde. Mais il est fort plausible que l’économie congolaise a été transformée en une sorte de grenier où les investisseurs puisent pour réinvestir dans leurs pays d’origine. Et les richesses réinjectées dans l’économie ne représentent pas grand-chose par rapport à celles créées. Au regard de ces faits, nous sommes convaincus que les transferts vers le reste du monde sont de loin supérieurs à 10 %.

A présent parlons des effets d’entraînement. Supposons que suite à la production des sociétés étrangères installées dans un pays, le taux de croissance atteigne deux chiffres. Ces sociétés emploient une petite quantité de main d’œuvre dont les cadres sont étrangers et bien rémunérés, et les subalternes sont nationaux avec des salaires médiocres. La grande partie de leurs consommations intermédiaires est étrangère pendant qu’elles peuvent uniquement provenir de l’intérieur du pays, et pour tout couronner, leurs comptes bancaires sont logés à l’étranger, et la grande partie de ce qu’elles gagnent est rapatrié à leurs pays.

Dans leur incapacité à canaliser l’économie vers des objectifs bien définis, les autorités congolaises se contentent de l’installation d’une nouvelle société qui augmente le PIB, parce que dans ces conditions elles restent bons élèves des institutions de Bretton Woods, alors qu’elles devraient garantir les effets d’entraînement au sein de l’économie nationale. Une croissance qui n’occasionne presque pas d’effets d’entraînement et qui ne laisse que peu de moyens pour l’économie nationale biaise les prévisions de réduction de pauvreté.

Les réformes doivent donc être d’actualité en RDC s’il faut espérer une croissance plus introvertie. Avant tout, il convient de savoir que le libéralisme n’exclut pas l’orientation de l’économie vers un objectif. La canalisation de l’économie vers l’industrialisation sera un vrai moteur de création d’emplois massifs. L’amélioration des systèmes bancaire et financier est indispensable à la minimisation de la préférence des investisseurs vers l’étranger, ce qui pourra améliorer la disponibilité des ressources nécessaires au réinvestissement dans des secteurs à forte intensité de main d’œuvre. Et la mise en place d’un environnement favorable aux effets d’entraînement favorisera la croissance dans plusieurs secteurs. L’amélioration du cadre institutionnel économique propice à l’essor des PME à intensité en main d’œuvre doit préoccuper la RDC au premier degré.

La croissance du type congolais est donc fallacieuse, elle manque de consistance. Elle est basée sur des secteurs non créateurs d’emplois massifs, qui n’occasionnent presque pas d’effet d’entraînement. Elle enrichit plus les investisseurs tout en occasionnant des rapatriements massifs des richesses vers leurs pays d’origine, et donc ne laissant que peu de moyens pour l’économie nationale. Avec une telle croissance la réalisation des OMD devient une illusion.

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