Cheick Modibo Diarra : entre le marteau et l’enclume


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Le gouvernement de transition de Cheick Modibo Diarra est à peine formé que les critiques pleuvent. Le Premier ministre par intérim a fait appel à des technocrates, confié les postes les plus sensibles à la junte militaire et érigé en numéro 2 de son gouvernement, un homme réputé proche du médiateur de la crise malienne, le président burkinabè Blaise Compaoré. Très critique sur ce gouvernement, la classe politique malienne, qui n’y est pas représentée, semble craindre que les pleins pouvoirs de Cheick Modibo ne soient aussi ceux de la junte et de la médiation burkinabè, voire de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest.

L’accord-cadre, signé le 6 avril dernier sous les auspices de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao), concède les pleins pouvoirs au Premier ministre malien de transition. Dans les critiques faites au nouveau gouvernement de Cheick Modibo Diarra, la classe politique malienne sous-entend que ce pouvoir pourrait s’exercer sous influence. Trois représentants de la junte malienne à des ministères-clé – Défense, Sécurité intérieure et Administration territoriale – et un ministre d’Etat, ancien conseiller du président burkinabè et médiateur de la crise malienne, sont les identités remarquables de son gouvernement. Composé de technocrates, souvent inconnus de leurs compatriotes, aucun ministre n’est officiellement lié à une formation politique

Entre « l’œil de Ouagadougou » et les putschistes

La principale critique des pourfendeurs du nouveau gouvernement est liée à cette absence des partis : Cheick Modibo Diarra n’aurait pas formé un gouvernement d’union nationale. Pour le Front uni pour la sauvegarde de la démocratie et de la République (FDR), qui regroupe des partis politiques et des organisations de la société civile opposés au coup de force du 22 mars dernier, c’est une violation de l’accord-cadre. « Le Front, depuis la nomination du Premier ministre, n’a pas été consulté par le Premier ministre Cheik Modibo Diarra, aucun parti du front n’a été associé à la mise en place de ce gouvernement, ce que nous regrettons aujourd’hui, parce que nous pensons qu’avec la crise institutionnelle, la crise du Nord, il faut la conjugaison, sinon l’effort de toutes les forces vives de la Nation », indique un communiqué du mouvement. L’Adema-PASJ (formation du président par intérim Dioncounda Traoré), majoritaire à l’Assemblée nationale, n’aurait pas non plus été consultée.

Autre critique, la présence de Sadio Lamine Sow, seul ministre d’Etat et donc numéro 2 du gouvernement de transition à qui les Affaires étrangères et la Coopération internationale ont été confiées. Jusqu’à sa nomination, le responsable malien était l’un des conseillers spéciaux du président Compaoré à Ouagadougou, la capitale burkinabè. Le Mouvement populaire du 22 mars 2012 (MP 22) « constate que ce gouvernement fait de larges places à des Maliens certes, mais des hommes plus engagés auprès de chefs d’Etat étrangers et des institutions régionales et internationales que dans la vie publique malienne du côté des forces patriotiques et de progrès ». L’organisation dirigée par Oumar Mariko, le président de Solidarité africaine pour la démocratie et l’indépendance (Sadi), auparavant pro-putschistes, a également annoncé qu’elle prenait ses distances avec la junte. Une junte dont « les velléités de comportement autocratique » ont été dénoncées par la Cedeao. L’organisation sous-régionale a de nouveau consacré ce jeudi un sommet au Mali et à la Guinée-Bissau, deux pays déstabilisés par de récents coups d’Etat.

Les multiples adversaires du Nord-Mali

La Cedeao est d’ailleurs en partie à l’origine de l’impopularité du nouveau gouvernement. Boubakar Touré, le secrétaire à la communication du Rassemblement pour le Mali (RPM) – le parti d’Ibrahim Boubacar Keita (IBK), l’un des principaux candidats à la présidentielle avortée -, dénonce ainsi « la mainmise de la CEDEAO à travers un conseiller de Blaise Compaoré, le médiateur ; la mise sous tutelle (du Mali)». « A regarder ce gouvernement, poursuit Boubakar Touré qui dit s’exprimer à titre personnel dans les colonnes du journal malien Le Républicain, on sent le médiateur et les militaires satisfaits ». Le colonel Moussa Sinko Coulibaly, le nouveau ministre de l’Administration territoriale, est l’ancien chef de cabinet du leader de la junte, le capitaine Amadou Haya Sanogo. Celui qui a participé à toutes les négociations, qui ont conduit notamment à l’accord-cadre, côtoie désormais Sadio Lamine Sow au sein du gouvernement.

Si les critiques sont virulentes, l’ensemble des leaders politiques maliens paraît décidée à accorder le bénéfice du doute aux ministres de la transition et à leur chef. D’autant que la situation devient de plus en plus complexe dans le Nord du pays où la rébellion touareg a proclamé l’indépendance. Après le Mouvement national pour la libération de l’Azawad (MNLA) et les islamistes d’Ançar Dine, Tombouctou serait ce jeudi aux mains du Front national de libération de l’Azawad (FNLA). Selon l’AFP, le mouvement serait constitué d’Arabes qui se disent ni rebelles ni islamistes.

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