C’est la Sopecam « qui m’a tuer »


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La Sopecam a fabriqué en novembre 2004 un ouvrage intitulé Le Jeu de la Vengeance. L’œuvre a bénéficié d’un financement public du Ministère de la Culture et a été dédicacée au Centre Culturel François Villon en décembre 2004. Elle a été exécutée, en ouverture d’un festival organisé par l’Association Scènes d’Ébènes, le 15 mars 2007 au Centre Culturel précité. Le Jeu de la Vengeance se vend depuis sept ans à la Sopecam et peut être consulté, emprunté, et entièrement reprographié aux CCF François Villon à Yaoundé et Blaise Cendrars à Douala. L’œuvre originale avait été confiée à la regrettée Ntongon à Zock Edwige, membre fondateur et de la Sociladra et de la Compagnie Ngoti (organisatrice de la résidence d’écriture ci-après mise en cause).

Que dit la loi ?

1 – Accords de Bangui révisés ANNEXE VII – PROPRIETE LITTERAIRE ET ARTISTIQUE

 Art.2 viii) L’auteur est la personne physique qui a créé l’œuvre.

 xii) La communication d’une œuvre au public (y compris sa présentation, sa représentation ou exécution, ou sa radiodiffusion) est le fait de rendre l’œuvre accessible au public par des moyens autres que la distribution d’exemplaires. Tout procédé qui est nécessaire pour rendre l’œuvre accessible au public, et qui le permet, est une communication, et l’œuvre est considérée comme communiquée au public même si personne dans le public auquel l’œuvre était destinée ne la reçoit, ne la voit ni ne l’écoute effectivement.

 xv) La représentation ou exécution publique est le fait de réciter, jouer, danser, représenter ou interpréter autrement une œuvre […]

2- Loi n° 2000/011 du 19 décembre 2000 relative au droit d’auteur et aux droits voisins – Titre VI

Des infractions, des sanctions et des procédures

Art. 80. Est constitutive de contrefaçon : a) toute exploitation d’une œuvre littéraire ou artistique faite en violation de la présente loi, par représentation, reproduction, transformation ou distribution par quelque moyen que ce soit[…]

c) toute atteinte au droit moral, par violation du droit de divulgation, du droit à la paternité ou du droit au respect d’une œuvre littéraire ou artistique […]

Art.81. — 1) Est assimilé à la contrefaçon :

e) le fait de laisser reproduire ou de représenter dans son établissement de façon Irrégulière les productions protégées en vertu de la présente loi ;

En ce qui concerne la SOPECAM

Le jeu de la vengeance est une création originale (art.6. 1 de la loi du 19 décembre 2000 précitée) de votre humble serviteur, ainsi que cela est indiqué dans la table des matières de l’ouvrage querellé, qui est un recueil de sept pièces d’auteurs internationaux. Cette création a donné son nom au recueil de pièces : elle est dite éponyme. Or le titre d’une œuvre est protégé comme l’œuvre elle-même : il y a contrefaçon au sens de la l’article 80 précité. Aux termes des Art. 42 et 43. 2) L’éditeur est tenu c) de faire figurer sur chacun des exemplaires, sauf convention contraire, le nom […] du titulaire du droit d’auteur; 44. — 1) L’éditeur est également tenu de fournir au titulaire du droit d’auteur toutes justifications propres à établir l’exactitude de ses comptes.

  Il n’y a, je l’affirme avec vigueur, il n’y a jamais eu de contrat qui me lie à SOPECAM : cela est contraire aux usages de la profession d’éditeur et porte gravement atteinte à plusieurs des mes attributs exclusifs et opposables à tous (notamment le droit de divulgation, art.14 al.1 de la loi susdite).

  L’intégrité de mon œuvre a été irréversiblement atteinte par l’adjonction d’autres textes sans mon autorisation, l’adjonction donc la modification voire l’altération de sa forme originale. Le jeu de la vengeance désigne désormais dans l’esprit du public et in concreto un recueil avant de désigner une œuvre à part entière dans ce recueil ; cette confusion m’est préjudiciable d’autant que mon nom n’apparait pas sur la page de couverture de l’œuvre, ni par suite dans les catalogues de Sopecam ou de ses diffuseurs (e.g. Harmattan). Mon œuvre est régulièrement citée, pas mon nom. Il en est résulté une perte de notoriété. L’atteinte à l’intégrité de mon œuvre découle aussi de la présentation désavantageuse et erronée (nom d’auteur ignoré ou mal écrit) qui est faite de votre serviteur d’une part, et de la violation par Sopecam des diligences minimales que tout éditeur accomplit habituellement en ce cas d’autre part : la signature du BAT (bon à tirer) par l’auteur est une incontournable autorisation d’imprimer les épreuves préalablement revues ou corrigées.

  La mention sous la direction de P. Barrat est outrageusement mensongère. Monsieur Barrat est-il le titulaire du droit d’auteur sur cette œuvre ? Misère et désolation ! On ne dirige pas l’écriture d’une pièce de théâtre : c’est un fâcheux précédent qui ne saurait faire jurisprudence dans le monde des lettres et de l’édition.

  La mention de « résidence d’écriture Ngoti » est abusive parce que tous les textes du recueil n’ont pas été écrits lors de cette résidence (e.g. Le Don du propriétaire de Wakeu Fogaing, pièce créée bien avant ladite résidence d’écriture. Et tous les participants à cette résidence d’écriture n’ont pas produit de texte dans le recueil (e.g. Botomogne, résident camerounais et Dominique Douma, dramaturge gabonais).

  L’auteur a perdu toute maitrise de son œuvre. Laquelle a bénéficié d’une subvention, sans qu’il n’en soit jamais informé (abus de confiance et détournement de fonds publics ayant abouti à la contrefaçon). On s’est servi de son nom et de sa création pour obtenir un financement au sujet duquel il n’a jamais été un tant soit peu informé ; un soutien qui, comble du non-sens, n’a pas servi à une exploitation optimale de l’œuvre.

  Quel qu’ait été le mandat sur lequel Sopecam s’était éventuellement fondé, il n’en a pas vérifié l’authenticité, et pour cause. La résidence d’écriture Ngoti avait-elle acquis un véritable droit de conclusion du contrat d’édition ou un simple mandat de négociation ?

En ce qui concerne le CCF et l’Association Scènes d’ébène

Le 14 mars 2007, lors d’un festival, la pièce a été publiquement représentée sans « contrat de représentation » (défini à l’art.41 de la loi) : voilà une violation flagrante de l’article 81.e. précité.

Outre cela, mon œuvre est communiquée au public sans mon autorisation et il est possible de la reprographier entièrement au mépris du propre règlement de la médiathèque du CCF et des accords de Bangui qui n’autorisent aux bibliothèques que la reproduction d’extraits ; j’ai fait constater par un huissier de justice cette possibilité de reprographier entièrement mon œuvre.

Outre notre loi sur le droit d’auteur, les accords de Bangui révisés disposent qu’une œuvre est réputée publiée dès lors qu’il y a eu consentement de l’auteur… Le consentement doit être écrit à peine de nullité. « La preuve du contrat ne peut être faite contre l’auteur que par la production d’un écrit » (jurisprudence française). Cette preuve ne peut être valablement apportée à moins, sait-on jamais, d’aggraver la contrefaçon de mon œuvre d’une contrefaçon de ma signature.

Le CCF (« Le contrefacteur est fautif indépendamment de toute bonne foi ») exploite donc illicitement l’œuvre, puisque celle-ci est contrefaite. Espérons que l’œuvre n’a pas été déclarée à la Sociladra. Car alors celle-ci percevrait également des droits sur cette contrefaçon qu’elle reverserait à Sopecam, qui aura décidément mangé à tous les râteliers (subvention MinCult, appui CCF, ventes, royalties reversés par la Sociladra, etc.)

L’exploitation de l’œuvre dure depuis 2004, la création a été représentée depuis 2007, l’éditeur et le promoteur culturel, respectivement professionnels de l’édition et de l’organisation des spectacles, se sont enrichis aux dépens d’un auteur ; le CCF, en tant que sponsor de la publication, a successivement commis des fautes de négligence et d’imprudence.

En attendant les vraies conclusions

Dès lors le financement du MINCULT a été perçu pour une œuvre qui n’a jamais été publiée. Car, même dans l’hypothèse absolument farfelue où l’existence d’un accord pourrait être démontrée, il faudrait encore établir que l’œuvre ainsi fabriquée a été distribuée ailleurs que dans l’enceinte de la Sopecam. Ce qui, par parenthèse, n’a pas minoré les bénéfices que les contrefacteurs ont pu tirer de l’œuvre puisqu’ils ont affirmé devant huissier de justice que le stock était épuisé. Quand bien même le contrat aurait été dûment conclu avec l’auteur, la distribution et la diffusion parfaitement assurées, ma qualité d’auteur normalement reconnue dès la page de couverture, mon nom correctement écrit dans l’œuvre, il leur manquerait encore d’expliquer le non-paiement de mes droits en sept ans d’exploitation. Pas même un exemplaire ne m’avait été offert, Sopecam n’a pas daigné m’inviter à la dédicace de mon œuvre : les invraisemblances et les incohérences croulent les unes sur les autres !

Les cocontractants du contrat d’édition qui aboutit à la publication du Jeu de la vengeance ont abusé de qualités réelles à seule fin de se servir de mon œuvre comme d’un appât pour hameçonner des subventions et accaparer indûment et jusque-là impunément mes droits. Cela s’est passé au nez et à la barbe de Sopecam, pire, en coaction avec elle, étant entendu que l’éditeur et ses compères se sont coalisés en bande organisée pour me publier à mon insu. Ils se sont enrichis à mes dépens, voilà le fond de l’affaire ! Si géants qu’ils soient, je ne les crains pas, leurs agissements sont si parfaitement révoltants que je me révolte et me réserve le droit de les poursuivre devant nos tribunaux. Je les accuse d’avoir extorqué sa création à un jeune auteur de 23 ans pour en faire un trentenaire appauvri et dépouillé du résultat de ses efforts. Mes attributs pécuniaires et extrapatrimoniaux se sont trouvés lésés en même temps. En conséquence de quoi, je les accuse d’une part du double chef d’abus de confiance et d’escroquerie et d’autre part de contrefaçon (atteinte au droit exclusif de divulgation et au respect de mon nom) que je subis sans discontinuer depuis 2004. Je m’adresse au peuple camerounais, véritable police du bon sens, « afin que nul n’en ignore » : c’est en son nom que justice me sera rendue.

De toute évidence, cette super canaillerie n’aurait pas pu être montée par les seuls organisateurs de la résidence d’écriture. L’admiration dont j’ai toujours environné le travail d’Edwige Ntongon à Zock et Jean Mingele se double à présent du respect dû à leur mémoire. Cela dit, je ne les absous pas : j’ai bien été entubé, entortillé… L’on m’a circonvenu en me faisant accroire que les intérêts défendus étaient ceux des auteurs; a posteriori tout concourt à démontrer qu’il s’est agi d’une fumisterie, une machination orchestrée sous la direction de Sopecam. Les zones d’ombre que des enquêtes permettraient d’élucider diraient certainement comment cette subvention a pu être obtenue au MinCult, sans que les destinataires réels du financement ne soient jamais associés à la procédure. C’est un vrai point d’interrogation.

Pour mémoire, cette subvention provenait du compte d’affectation spécial destiné à promouvoir la production littéraire et artistique camerounaise. Est-ce le copinage qui a prévalu, la négligence ou une pure et simple corruption ? Il a bien fallu fermer les yeux à un moment. Plus loin dans la chaîne des responsabilités, l’enchevêtrement des intérêts et l’engrenage des fautes, c’est la Sopecam qui s’est le plus ouvertement compromise. L’appétence sordide de lucre leur a fait considérer comme une précaution inutile la nécessité fondamentale d’un contrat. Ils ont pris des risques inconsidérés en publiant discrétionnairement la seule pièce au monde écrite sous la direction d’un metteur en scène. C’est que, dans cette affaire « dramatique », cette histoire de théâtre, tous les ingrédients sont réunis pour faire un soap-opéra ou un remake tragicomique de la série britannique Les arnaqueurs V.I.P.

Tous les faits incriminés sont pénalement répréhensibles et aggravés par la personnalité des responsables mis en cause, qui sont des professionnels du droit d’auteur et maitrisent mieux que quiconque la loi et les usages en vigueur. Il y a matière procès : n’étant pas procédurier, je convie publiquement toutes les parties concernées à la table des négociations pour des palabres toutes africaines ; on ne peut pas pousser si loin la morgue envers les auteurs, si bas l’arrogance envers les Camerounais.

La parole est désormais au bon sens. Le procès public qui s’ouvre doit trancher sur le point de savoir si ce pays, inventeur de la SOCILADRA et siège de l’OAPI, est, paradoxalement, une zone de non-droit d’auteur.

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