Guerre et métissage : « Je suis né d’une mère vietnamienne et d’un père sénégalais »


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La sanglante guerre d’Indochine a fait plus de 500 000 morts dont 15 000 militaires africains. Les militaires qui ont survécu ont fui le Vietnam accompagnés de leur femmes et enfants. Il s’en est suivie une descendance brassée qui garde encore aujourd’hui, les traits d’un amour ayant traversé le temps et la guerre.

La Guerre débute dans les années 1940, suite à l’invasion des Japonais à Lang Son, ville frontalière entre le Vietnam et la Chine. C’est le début de la communément appelée, « Guerre d’Indochine », une grande péninsule qui comprenait à l’époque le Laos, le Cambodge, la Thaïlande, la Birmanie, une partie de la Malaisie et le Viêt Nam. Voyant leur souveraineté (datant du colonialisme) menacée par les attaques des Japonais, l’armée française décide de faire appel à des militaires venus d’Afrique en renfort de l’armée initiale, ce sont les « Tirailleurs Sénégalais ». Les mouvements nationalistes prenant la suite en 1945, les combats dureront jusqu’en 1954. A la fin de cette guerre, les militaires qui ont survécu quittent le Vietnam par bateau en amenant avec eux, pour certains, femmes et enfants : «Mon père nous a tous pris sous le bras et nous avons traversé l’Océan Pacifique durant des mois dans des embarcations qui menaçaient sans cesse de se renverser », raconte Jean Nguyen, fils d’une mère Vietnamienne et d’un père Sénégalais. Une fuite qui fut pour la plupart des femmes vietnamiennes, chinoises ou laotiennes qui avaient des relations avec des militaires africains, l’unique espoir d’échapper au massacre. Ainsi est apparue en Afrique une descendance brassée : de Sénégalais-Vietnamiens, d’Ivoiriens-Vietnamiens, de Marocains-Vietnamiens etc.

Depuis leur arrivée au Sénégal, très peu de femmes asiatiques sont retournées dans leur pays natal. Certaines ont tout perdu et ne voient pas de raison de rentrer, d’autres n’en ont tout simplement pas les moyens. Aujourd’hui, elles sont pour la plupart reconnues et respectées pour avoir protégé leur famille durant la Guerre et s’être adaptées à un monde et des coutumes qui leur étaient auparavant totalement inconnus. Elles maîtrisent parfaitement la langue, la cuisine et les coutumes de leur pays d’accueil. Mais l’intégration des enfants issus de ces unions n’a pas été une mince affaire. « Au début, nos rapports avec la population sénégalaise étaient quelque peu compliqués. Dans la rue, à l’école, on nous surnommait « les Chintoks! Il y a eu beaucoup de bagarres dans les cours d’école pour cette raison! » raconte Jean. Mais les sénégalo/vietnamiens qui vivent au Sénégal sont aujourd’hui considérés comme des Sénégalais à part entière.

Le Vietnam est connu pour être un pays très conservateur et il est parfois difficile pour les métis de s’y faire une place. Nicole Hoang, une jeune femme d’origine sénégalaise et vietnamienne parle couramment le Vietnamien, elle nous fait part de l’un de ses séjours au Vietnam : «C’est plus difficile pour les métis « noirs ». Lorsqu’ils me voyaient parler Vietnamien, n’ayant jamais vu de noirs, ils ne comprenaient pas. Cependant, les personnes ayant fait la guerre d’Indochine, eux étaient beaucoup plus sympathiques!». Ce métissage est pour certains une ouverture sur le monde, une richesse culturelle alors que pour d’autres, au contraire, c’est une honte. « Je suis le symbole de la haute trahison avec l’ennemi, d’une collaboration interdite » confié Kim Lefèvre, une eurasienne qui a grandit au Vietnam, lors d’une interview pour Eurasie.net.

Au fil du temps, la plupart des enfants issus de cette génération ont migré à travers le monde. Certains ont fait le choix de venir s’installer en France, où ils ont notamment créé une association de métis sénégalo-vietnamiens, « les Lai-Den » (métis en vietnamiens) à Paris. La même chose existe aux États-Unis, comme le père du célèbre golfeur Tiger Woods par exemple, qui a fait la guerre du Vietnam au cours de laquelle il a épousé une Thaïlandaise. Ce métissage qui était auparavant vu comme une chose incompréhensible est donc devenu pour les métis afro/asiatiques un point de repère mais surtout une identité à part entière.

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