Avoir 20 ans au Togo : partir un jour


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Drapeau du Togo
Drapeau du Togo

L’un a déjà son bac, l’autre en fait sa priorité. L’un envisage de partir pour les Etats-Unis, l’autre pour la France. Christian et Patoke voient leur avenir au Togo en gris. Ils rêvent d’exil. Portraits croisés.

« D’abord mon bac ». Du haut de son mètre soixante-dix, Patoke, svelte, les oreilles décollées, a l’esprit rivé sur le précieux examen. A bientôt 21 ans, il appréhende sa terminale D (sciences naturelles) avec une apparente fébrilité. Christian, lui, voit plus loin et ses petits yeux noirs sont résolument tournés vers les Etats-Unis. Son bac derrière lui, il termine, à 22 ans, une formation de programmateur en informatique mais sa jeune tête ronde est déjà dans les étoiles, celles du drapeau américain.

Coincés dans leurs cursus respectifs, Patoke et Christian ont hâte d’en finir pour passer à autre chose. Les choses sérieuses en somme, car il s’agit pour le lycéen de décrocher l’indispensable clé pour être en mesure de poursuivre ses études et pour l’informaticien de « terminer au plus vite » sa deuxième année pour s’envoler outre-Atlantique.

Pas les même chances

« Avoir 20 ans au Togo, c’est difficile surtout quand on n’a pas les moyens ». Avec ses deux frères et ses quatre soeurs, tous encore à l’école, Patoke s’estime handicapé par rapport aux jeunes plus aisés. Elève dans un établissement public, il suit les cours avec ses quelques 70 à 80 camarades de classe. « Il faudrait que mes parents arrivent à me payer des répétiteurs (soutien scolaire, ndlr), mais ils n’en ont pas les moyens. Alors je dois me débrouiller tout seul pour suivre ». Christian reconnaît qu’il n’a pas eu « cette malchance » d’avoir été dans l’école publique. Avec 20 élèves dans son ancienne classe de terminale, il est bien conscient d’avoir été un privilégié.

Ingénieur des Ponts et Chaussées : Patoke caresse l’ambition de travailler plus tard dans le génie civil. Pour l’heure, il passe son bac. Pour lui : une étape, pour ses parents : une finalité. « C’est important pour eux. Ils veulent que j’ai au moins le niveau bac », confie t-il. « Après je compte aller à l’université ».

Partir : un désir, une nécessité

Le boulot, tous deux n’y croient pas ou alors furtivement. Le « si je trouve » de Patoke, annonce clairement la couleur. Pour Christian, « ce n’est pas évident, c’est le gros problème dans le pays. Et même si tu trouves, tu n’es pas bien rémunéré ». La meilleure solution : partir.

« J’ai des amis en France, ils me disent qu’il y fait bon vivre et je me dis que si j’étais né en France ou en Allemagne je n’aurais pas de problème ». Même si Patoke avoue qu’il « ne sait pas comment ça se passe vraiment là bas », les échos de l’extérieur lui semblent bien séduisants. Le départ, études obligent, n’est pas encore à l’ordre du jour, mais il pointe assurément déjà le bout de son nez.

« Avant, les Togolais préféraient la France, aujourd’hui ils préfèrent les Etats-Unis. Mais peu importe car on sait que, de toute manière, ce sera mieux qu’ici ». Christian est animé du plus profond Togo-pessimisme. Son avenir, il le voit au loin. Il sait qu’il ne sera pas dépaysé, car il a « beaucoup d’amis » de l’autre côté de l’océan, ceux-là même qui l’encouragent à les rejoindre.

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