L’Afrique, destination émergente des investissements directs étrangers ?


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Les investisseurs étrangers – et notamment ceux en provenance des pays émergents- voient pour l’Afrique d’énormes opportunités de croissance à long terme, comme le montre la première enquête sur l’attractivité de l’Afrique, réalisée par Ernst & Young. Cette dernière se base sur deux critères : le premier, quantitatif, mesure les investissements effectués en Afrique au cours des dix dernières années. Le second est une enquête qualitative menée auprès de plus de 562 dirigeants du monde sur leurs stratégies d’investissement et les régions qui en bénéficieront au cours des dix prochaines années.

L’analyse d’Ernst & Young sur les projets d’investissements directs étrangers (IDE) indique qu’au cours de la dernière décennie, l’Afrique est passée de 338 nouveaux projets en 2003 à 633 en 2010, soit une augmentation de près de 87 % en 7 ans. Malgré la baisse des investissements survenue en 2008, l’Afrique reste une destination attractive dans un contexte de récession mondiale, maintenant sa part relative de flux d’investissement mondiaux.

Une forte croissance des nouveaux projets sur le continent est annoncée à partir de l’année prochaine : les flux d’investissement directs devraient atteindre 150 milliards de dollars d’ici 2015. « C’est une progression significative en dépit des incertitudes liées aux changements sociaux profonds et aux instabilités politiques récentes. En Tunisie et plus récemment au Maroc, les événements ont eu un impact sur le leadership des Etats, la mise en attente de certains projets et la remise en question d’investissements établis. Cela n’empêche pas d’anticiper un futur plus ouvert à moyen terme, car les pays qui auront confirmé leur position de membre de la grande région euro méditerranéenne reprendront de l’avance sans inquiéter outre mesure leurs investisseurs et les communautés d’affaires. », précise Marc Lhermitte, Associé Ernst & Young.

En ce qui concerne les futures stratégies d’investissement, l’Afrique occupe une place de choix chez les décideurs. En effet, 42 % du panel envisage d’investir davantage dans la région et 19 % confirment qu’ils maintiendront leurs activités sur le continent. Quant aux entreprises qui ont déjà intégré l’Afrique à leur stratégie d’investissement, leur appréciation est particulièrement positive.

Joseph Pagop-Noupoué, Associé Ernst & Young Société d’Avocats, commente : « Les IDE ont un rôle particulièrement important à jouer : ils sont à la fois source de capital à long terme pour le réinvestissement dans des projets d’infrastructures et accélérateurs d’une croissance durable à travers l’Afrique. Bien que la part des IDE destinée à l’Afrique ait augmenté au cours des dix dernières années, nous sommes convaincus que cette progression ne reflète pas l’attractivité réelle de ce continent qui affiche des taux de croissance économique parmi les plus élevés et des retours sur investissement parmi les plus importants au monde. »

Les pays émergents : premiers investisseurs en Afrique

L’Afrique attire de plus en plus d’investisseurs en provenance des pays émergents. En dix ans, les IDE issus de ces pays sont passés de 100 nouveaux projets en 2003 à 240 en 2010 (soit une hausse annuelle de 13 %). Ils représentent désormais 38 % du total des investissements en Afrique, contre 30 % en 2003.

L’enquête, réalisée auprès de dirigeants de multinationales le confirme : 74 % des investisseurs originaires de pays émergents interrogés affirment que l’Afrique est devenue une destination d’investissement plus attrayante au cours des trois dernières années. Ils sont également de plus en plus positifs concernant le potentiel d’investissement de l’Afrique à long terme. Marc Lhermitte précise : « Au cours des dernières années, l’économie mondiale a opéré un changement radical : aujourd’hui, non seulement les marchés émergents dominent l’attention des investisseurs et l’arbitrage des flux de capitaux, mais ils jouent également un rôle stratégique dans la définition de l’agenda économique mondial. »

Les pays développés, notamment d’Europe et d’Amérique du Nord, sont plus prudents. Les dirigeants originaires de ces régions semblent considérer que le développement de l’Afrique a stagné ces dernières années. Toutefois, les répondants nord-américains sont plus optimistes sur le potentiel d’investissement à long terme de l’Afrique que les Européens. Même si les marchés développés envisagent les investissements en Afrique avec une certaine prudence, ils restent, en proportion, responsables de la plus grande partie des investissements en Afrique.

Des secteurs d’investissement de plus en plus variés

La grande majorité du panel considère les industries extractives comme un domaine d’investissement majeur, avec le plus grand potentiel de croissance pour les prochaines années. Toutefois, d’autres secteurs présentant des options d’investissement attrayantes commencent à émerger : les personnes interrogées considèrent en effet que le tourisme (15 %), les produits de consommation (15 %), la construction (14 %), les télécommunications (13 %) et les services financiers (9 %) offrent un potentiel de croissance élevé.

L’Europe de l’Est et l’Amérique latine : principaux challengers de l’Afrique en termes d’IDE
Même si l’Afrique est perçue de plus en plus positivement, le continent est en concurrence avec d’autres régions qui cherchent à attirer les ressources et le capital des investisseurs internationaux. L’Afrique occupe actuellement la même place que l’Amérique latine et l’Europe de l’Est en termes d’attractivité pour les investisseurs. Comme l’explique Joseph Pagop-Noupoue, « les marchés africains doivent se positionner de manière appropriée dans cet environnement en évolution afin d’accélérer la croissance et le développement et éviter d’être distancés par d’autres régions et marchés émergents ».

Des réformes profondes pour soutenir la croissance en Afrique

La croissance africaine des dix dernières années a été portée par un processus de réformes économiques et réglementaires à long terme, engagé sur une grande partie du continent depuis la fin de la guerre froide. Ce processus s’est caractérisé par la maîtrise de l’inflation, la réduction de la dette extérieure et des déficits budgétaires, la privatisation des entreprises publiques, le renforcement des systèmes réglementaires et juridiques et l’ouverture de nombreuses économies africaines au commerce international.

L’analyse des projets montre que les réussites en matière d’investissement sont réparties sur tout le continent. Dix pays africains ont attiré 70 % des nouveaux projets d’IDE en Afrique entre 2003 et 2010 (Afrique du Sud, Egypte, Maroc, Algérie, Tunisie, Nigéria, Angola, Kenya, Libye, Ghana).

On observe également une nette hausse de l’investissement de pays africains sur leur propre continent (+21 % entre 2003 et 2010), avec toutefois un montant des capitaux investis qui reste inférieur à celui d’autres émergents.

Un futur prometteur !

La majorité des répondants sont optimistes concernant l’avenir de l’Afrique, même si la plupart d’entre eux estiment que le continent n’offrira un potentiel de croissance élevé et solide que sur le long terme (au-delà de trois ans). Outre l’importance cruciale du capital, qui peut continuer à être réinvesti dans les infrastructures et d’autres programmes de développement, cette croissance créera de nombreux autres bénéfices directs et indirects, notamment en matière d’emplois. On estime que pendant la seule année 2015, plus de 350 000 emplois seront créés.

La croissance continue de l’IDE se basera en partie sur la reprise économique des pays développés et sur la forte croissance des pays émergents (Chine et Inde). La croissance du PIB de l’Afrique demeurera solide (+5 % jusqu’en 2015) et sera notamment soutenue par la forte demande et le prix élevé des matières premières.

Si les niveaux de risque liés à l’investissement en Afrique peuvent être élevés, les niveaux de rentabilité le sont tout autant. De plus, la concurrence dans certains secteurs est relativement faible. Cette opportunité d’investissement ne se maintiendra peut-être pas longtemps, mais l’Afrique semble être bien positionnée pour la saisir. Actuellement, l’Asie est la seule région émergente qui la devance dans les prévisions des investisseurs. Joseph Pagop-Noupoué conclut : « Certaines parties du continent présentent bien sûr des obstacles réels ou subjectifs à l’investissement en raison de l’instabilité politique et de la corruption. Il s’agit évidemment de difficultés importantes, mais les investisseurs en Afrique et les Africains eux-mêmes ont de quoi être positifs. Nous sommes convaincus que l’Afrique est dans une phase de développement durable et que l’IDE va enregistrer une croissance régulière. Toutefois, pour accélérer ce processus de croissance et en tirer profit, les gouvernements et les investisseurs (étrangers et nationaux) doivent agir maintenant. Les réformes économiques et réglementaires doivent s’accélérer afin de diminuer la part de risque inhérente à tout investissement. » FIN

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