Et si le « Yes, we can » d’Obama était à l’origine des bouleversements systémiques dans le monde arabe ?


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Souvenons-nous de l’immense espoir planétaire qu’a suscité l’accession au pouvoir du premier Président Noir des Etats-Unis d’Amérique. Il avait tous les ingrédients en lui pour fédérer autour de sa personne et donner de l’espérance à des millions d’individus qui se reconnaissaient en lui. Il représentait pour les populations sous dictature, la possibilité d’un changement radical de politique notamment sociale et économique plus humaine. À travers le monde, cette attente a cristallisé autour d’elle un besoin d’évolution des mentalités et des sociétés de manière révolutionnaire.

Cette élection presque « divine » d’Obama a semé les germes de la démocratie, des libertés individuelles et collectives très souvent réprimées par des pouvoirs despotiques, avec la complicité malsaine des puissances économiques et politiques occidentales. Cet afro-américain accusé d’être musulman par ces détracteurs politiques a ainsi ouvert la voie de toutes les « possibilités ». Tout devenait de fait et naturellement possible si l’Amérique de Bush qui avait tant « diabolisé » les musulmans depuis le 11 septembre 2001 se parjurait en élisant l’un d’entre eux. Comme s’il suffisait de le vouloir pour que cela devienne possible par la volonté de la masse populaire. L’impopularité mondiale de G.W. Bush, notamment dans les pays arabes et musulmans, a contribué énormément à cette « révolution planétaire ».

La révolution démocratique par les outils de communication des nouvelles technologies de l’information

Des millions d’individus à travers le monde ont ainsi créé une dynamique extraordinaire dans leur soutien à cet afro-américain auquel ils s’identifiaient. Il représentait leur désir de se sortir de leur condition sociale déplorable. La banalisation de l’ampleur du chômage et de la précarité des classes populaires ainsi que des couches sociales défavorisées ont également été un puissant moteur d’adhésion à ce slogan de campagne. Des jeunes surdiplômés, désespérés par les inégalités sociales, la corruption massive de leurs dirigeants, le manque de liberté, et surtout déprimés par un avenir incertain, attendaient beaucoup de son « Yes, we can ». Cette victoire d’Obama était un peu la leur. Elle illuminait leur triste vie misérable, sans perspective d’avenir. Ils y ont cru et attendaient les effets dans leur vie quotidienne. Au-delà de cette victoire de ce « frère » d’Amérique, c’était avant toute chose celle d’une communauté internationale de peuples qui réalisait une formidable « révolution démocratique » contre l’intolérance et les guerres pour le contrôle du pétrole dans les pays arabes.

Cette révolution démocratique qui a vu la victoire d’Obama à la maison blanche s’est faite en grande partie par l’intermédiaire des outils de communication des nouvelles technologies d’information. Obama était inconnu dans son pays et dans le monde. Il n’avait aucun réseau puissant qui pouvait contribuer à le faire élire comme c’est souvent le cas dans une élection. Son origine africaine et son passé de musulman constituaient de sérieux handicaps pour gagner les primaires et ensuite l’élection présidentielle. Il fallait donc trouver les moyens de créer une puissante dynamique autour de sa candidature afin de surmonter ces faiblesses. Sa proximité avec les jeunes en difficulté dont il avait la charge à Chicago quand il était éducateur lui a permis de rester « connecté » avec leurs modes de communication favoris. Ainsi Internet et le téléphone mobile ont été les éléments déterminants de ses différentes campagnes pour y arriver. À travers ces outils de communication des nouvelles technologies de l’information, Barack Obama a su avec habilité susciter un engouement autour de sa candidature. Ses cibles étaient essentiellement les jeunes, les populations en quête d’espérance et tous ceux qui rejetaient la politique guerrière de Bush. Consciente de cette force médiatique, aujourd’hui utilisée par les jeunesses des pays arabes dans leur « révolution démocratique », l’administration d’Obama par l’intermédiaire de Madame Hillary Clinton, vient de rajouter à ses missions stratégiques diplomatiques, les « droits de parole, d’assemblées et d’associations en ligne ». Ainsi, les réseaux sociaux Facebook, Twitter et Internet via les mobiles, viennent d’être légitimés comme des « outils acteurs » déterminants dans le combat pour l’émancipation et les libertés des peuples. Pour renforcer ces positions stratégiques américaines dans le contrôle des évènements qui bouleversent le monde arabe en ce moment, le président américain vient de rencontrer, lors d’une réunion à San Francisco en Californie le 17 février dernier, plusieurs responsables de grandes entreprises de nouvelles technologies. Dans le cadre de ce sommet, B. Obama a discuté notamment avec Steve Jobs, PDG d’Apple, Eric Schmidt, de Google et Mark Zuckerberg, cofondateur du réseau social Facebook. Il prépare également sa future réélection à travers ses consultations.

On se souvient encore de son fameux discours du Caire

On se souvient encore de son fameux discours du Caire avec cette salutation en arabe qui a mis tout le monde arabe et musulman en émoi et a fait grincer les dents des dirigeants israéliens. Ce discours du Caire a fait bouger les « curseurs » et donner une grande bouffée d’oxygène au monde arabe qui était stigmatisé par G. Bush et assimilé au « diable » depuis l’horrible attentat du 11 septembre 2001. Enfin, une forme de reconnaissance du peuple arabe par cette Amérique meurtrie par cette lâcheté, a considérablement changé la physionomie de ses rapports avec l’occident. Ce geste d’Obama amorçait avec audace et courage une forme de réconciliation avec le monde occidental, indispensable pour la stabilité dans la région, notamment vis-à-vis d’Israël. On se souvient aussi du discours de B. Obama à Accra, sa seule visite en Afrique subsaharienne. Là encore, il a su trouver des mots forts pour exprimer le besoin de démocratie et de liberté des peuples d’Afrique Noire. Il a ainsi affirmé avec détermination que « les pays d’Afrique n’ont pas besoin d’hommes forts, mais de fortes institutions ». Ces mots ont été suivis d’actes. Son administration s’est impliquée entièrement dans la crise post-électorale au Kenya ainsi que dans le processus électoral ivoirien. Après cinq années sans élection en Côte d’Ivoire, plusieurs fois reportée, l’administration d’Obama a réussi à peser dans les différents accords menés par l’ONU pour que cette élection se réalise enfin. Deux ans et demi après l’accession au pouvoir du Président Obama, le changement tant espéré par ces peuples peine à se réaliser. Bien au contraire, la situation de ces millions d’individus qui ont cru que ce «Yes, we can » de ce « frère d’Amérique» pouvait changer leurs pitoyables et déplorables conditions sociales s’est empirée. Conscients de la puissance de ces outils de communication des nouvelles technologies de l’information qui a contribué à la surmédiatisation du candidat Obama, ces jeunes s’en servent à leur tour pour leur propre « révolution démocratique » dans le monde arabe.

En se positionnant ainsi pour les « droits de parole, d’assemblée et d’association en ligne », l’administration Obama investit de fait le pré-carré français, abandonné par la France, et qu’elle contrôle désormais. Avec la fin de la « françafrique » annoncée par Sarkozy, qui donnait un poids considérable à la France dans le monde, les appétits s’ouvrent et les prédateurs accourent. Certains pour contribuer au développement économique de ces pays, selon le discours officiel. C’est le cas par exemple de la Chine, de l’Inde ou de la Russie. Pour d’autres comme les USA, cela se fait par le biais de l’instauration de la démocratie et des libertés. Cette stratégie américaine permet aussi de mieux contrôler, voire même limiter les percées des pays émergents sur le continent africain tout en renforçant ses acquis au Moyen-Orient. Cette révolution menée par le « Yes, we can » d’Obama n’a pas fini de se propager comme une onde de choc dans les Etats non démocratiques et de changer ainsi les différentes forces systémiques en place. Qui aurait pensé que des outils de communication de nouvelles technologies de l’information pouvaient venir à bout des dictatures les plus enracinées et les plus sanguinaires de la planète ? Les effets de cette « révolution démocratique » commencent déjà à inquiéter les dictateurs africains et du monde qui songeaient à rester à vie au pouvoir et assurer leur succession par leur progéniture.

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