WikiLeaks : les autorités algériennes dans l’embarras


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Surprise, étonnement… et beaucoup d’hésitation. WikiLeaks ? Les membres du gouvernement ne s’attendent pas à pareille question. Ils restent aphones sur «le phénomène» WikiLeaks et ses révélations sur l’Algérie, son économie et sa vie politique. Hier au Conseil de la nation, à l’exception du Premier ministre, Ahmed Ouyahia, la majorité des membres du gouvernement interrogés sur le sujet sont restés muets.

Il est environ 13h. Le Premier ministre vient juste de terminer sa réponse aux questions des sénateurs sur la déclaration de politique générale du gouvernement. Quittant tous l’hémicycle, nous entreprenons d’aller à leur rencontre pour tenter de recueillir leurs avis sur les révélations fracassantes du site web, notamment sur les affaires politiques algériennes. Le vice-Premier ministre Nourredine Yazid Zerhouni, est notre premier candidat. D’habitude prolixe et très bavard sur tous les sujets d’actualité nationale, l’ancien ministre de l’Intérieur déroge cette fois-ci à la règle. «Quel est votre commentaire sur les dernières révélations de WikiLeaks concernant l’Algérie ?» lui demandons-nous. «WikiLeaks !», s’étonne-t-il tout en arborant un large sourire, avant de se faufiler entre les journalistes et sénateurs présents dans le hall sans broncher. Raté. Cela démarre mal. Visiblement, les réponses ne seront pas pour aujourd’hui. Mais d’autres ministres se tiennent encore dans le hall. Nous accostons le Premier ministre.

Le premier responsable du gouvernement, lui peut-être, parlera. Et puis, la fameuse question vient au milieu d’un groupe de journalistes qui l’entourent. «WikiLeaks est un monde vaste et ses révélations ne gênent nullement l’Algérie», rétorque-t-il. Ahmed Ouyahia n’accable pas les ambassadeurs américains en Algérie qui sont à l’origine de ces révélations. En revanche, il reproche implicitement à ceux qui fréquentent les chancelleries étrangères de n’avoir pas défendu suffisamment l’image de l’Algérie. «J’ai moi-même été ambassadeur et les missions de tout ambassadeur sont connues. Il reste au pays hôte de veiller à protéger ses intérêts et assurer sa sécurité», ajoute-t-il. Mais la déclaration comporte un goût d’inachevé tant elle est, avouons-le, en deçà des attentes.
Les câbles de WikiLeaks ayant repris les interprétations des ambassadeurs US à Alger sur le manque de vision économique du pays, sur son gouvernement, sa situation politique et même sur ses rapports avec ses voisins.

«WikiLeaks n’a rien révélé», selon les sénateurs

Nous prenons pour cible, ensuite, d’autres membres du gouvernement. Nous nous rapprochons ainsi du ministre de la Communication, Nacer Mehal. «Vous savez, WikiLeaks ce n’est pas le Coran», dit-il dans un premier temps. Nous insistons quand même avec la même la question. Et lui ensuite de concéder cet aveu : «Si je vous parle, je donne l’avis du gouvernement. Eh bien non !»
El Hadi Khaldi, ministre de la Formation professionnelle, lui, semble beaucoup plus préoccupé par le bras de fer qui l’oppose au secrétaire général du FLN, Abdelaziz Belkhadem. Avant même de l’aborder, le ministre nous fait un signe de la main pour signifier qu’il ne fera aucune déclaration. Son collègue au gouvernement et son opposant au sein du FLN, Amar Tou, ne fera pas mieux. Le ministre des Transports se dit préoccupé par le métro d’Alger et le tramway. «WikiLeaks ? Qui est ce WikiLeaks ?», nous déclare-t-il d’un ton ironique. Nous insistons, mais Amar Tou reste inaccessible. En bon élève de l’école FLN, maîtrisant l’art de l’esquive, le ministre des Transports élude toutes les questions.

L’attitude de nos ministres confirme l’embarras et la situation inconfortable dans laquelle ils se retrouvent face aux révélations pas du tout flatteuses de WikiLeaks à l’égard du gouvernement dont ils sont membres. Que pensent donc les sénateurs de la question ? Certains d’entre eux ne sont pas au courant de l’existence du site. D’autres estiment que WikiLeaks n’a rien révélé. «WikiLeaks n’a pas donné quelque chose de nouveau. Personne n’a dit qu’il n’y a pas de corruption en Algérie. Elle existe et nous sommes entrain de la combattre par tous les moyens», affirme le sénateur Daoud (FLN). «La corruption s’est généralisée. Auparavant, nous comptions le nombre de corrompus qui n’était pas important ; aujourd’hui il faut chercher ceux qui ne sont pas corrompus», précise Lhadj Laïb, sénateur du tiers présidentiel. Ce dernier estime, par contre, que l’Algérie «a une vision économique» et que «les étrangers ne lui veulent pas de bien».

Madjid Makedhi pour El-Watan

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