Bédié, Ouattara et Gbagbo : un fauteuil pour trois


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En Côte d’Ivoire, le trio porte désormais le nom de « BOG » pour Bédié-Ouattara-Gbagbo. Ils sont les favoris de l’élection présidentielle dont le premier tour s’est tenu le 31 octobre 2010. Leurs alliances et leur discorde ont alimenté la vie politique ivoirienne depuis la mort de Félix Houphouët-Boigny, le père de l’indépendance.

Henri Konan Bedié : le scénario du retour

bedie.jpgD’aucuns disent qu’il est l’enfant gâté de la politique ivoirienne, que le pouvoir après la mort du « Vieux », surnom du père de la nation ivoirienne Félix Houphouët-Boigny, lui a été offert sur un plateau en 1995 et qu’il l’a perdu, pour avoir été trop léger dans la gestion des affaires de l’Etat, lors du coup de force de décembre 1999. Depuis 2005, il n’espère qu’une seule chose : retrouver un pouvoir qui lui a été, selon lui, confisqué. « On ne l’a pas laissé travailler comme il faut. Dix ans après, on se demande ce qui justifiait ce coup d’Etat, et la réponse est rien. On a perdu 10 ans et le développement a été freiné », estime Paul Koffi, chef du service politique du Nouveau Réveil, quotidien proche du Parti démocratique de Côte d’Ivoire dont Henri Konan Bédié, né le 5 mai 1934, est le candidat. C’est peut-être l’un de ses seuls points communs avec son adversaire, Laurent Gbagbo, le président sortant. Depuis le coup d’Etat de septembre 2002, le leader du Front populaire ivoirien (FPI) se sent, lui, aussi dépouillé. « Je suis un chef et les grimaces d’un homme agité ne peuvent rien contre la parole d’un sage », déclarait Henri Konan Bédié ce vendredi à Grand-Lahou, sa dernière étape de campagne. Sagesse, c’est peut-être le résultat de dix ans de réflexion pour le Sphinx de Daoukro, qui rumine aussi bien son éviction du pouvoir que son retour triomphant, espère-t-il, depuis plus de cinq ans.

Alassane Ouattara, survivant de « l’ivoirité »

ADO.jpgAprès avoir été exclu du scrutin en 2000, l’ex-Premier ministre ivoirien Alassane Dramane Ouattara, 68 ans, endosse pour la première fois le costume de candidat à une élection présidentielle. En 1995, c’est pourtant lui qui refuse de participer à la présidentielle, laissant alors le champ libre au candidat naturel du Parti Démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI), Henri Konan Bédié, jugeant le scrutin non transparent. Sa première vraie tentative pour accéder à la magistrature suprême sera un échec. En août 1999, sa candidature est rejetée, pour cause de « nationalité douteuse ». Pour la première fois, l’ivoirité a raison de lui. Cependant, il n’y aura pas d’élection non plus pour Henri Konan Bédié qui est renversé par un coup d’Etat en décembre de la même année. Victime pour ses supporters – « l’homme providentiel », selon Henriette Diabaté, la secrétaire générale du Rassemblement des Républicains (RDR) – diviseur selon ses adversaires, accusé par certains d’avoir exploité le filon des tensions raciales à des fins politiques – car il cristallise le malaise ressenti par les Ivoiriens originaires du Nord du pays-, Alassane Ouattara reste une énigme pour beaucoup d’Ivoiriens. Aujourd’hui, le leader du RDR s’est mis à l’heure du pardon. S’il y a un second tour, le PDCI d’Henri Konan Bédié et son parti feront même front commun contre le FPI, qui fut en son temps l’allié du RDR. Le candidat, plébiscité dans le Nord de la Côte d’Ivoire, est le seul à proposer la création d’un Commission Vérité et Réconciliation sur le modèle sud-africain. « Je me suis libéré de toutes les humiliations que j’ai subies », clamait-il ce samedi, lors d’une réunion à la Bourse du travail à Abidjan. Malgré les reports successifs du scrutin présidentiel et une relativement longue absence du pays, il a tout de même réussi à maintenir sa machine électorale à flot. Etre candidat à l’élection présidentielle en Côte d’Ivoire est déjà en soi une victoire pour ADO, comme on le surnomme.

Laurent Gbagbo : gagner à tout prix

gbagbo.jpgMême s’il évoque la possibilité d’un second tour, le président sortant Laurent Gbagbo ne veut absolument pas entendre parler d’échec. « Ce ne serait pas une défaite si j’allais au deuxième tour. L’important est qu’au final je remporte cette élection », a-t-il déclaré ce samedi au Journal du Dimanche. Homme politique rusé, Laurent Gagbo a réussi à se maintenir pendant 10 ans au pouvoir contre vents et marées. En 2000, c’est la rue qui lui avait donné la victoire au détriment du général Robert Gueï, auteur d’un coup d’Etat un an plus tôt contre Henri Konan Bédié, un de ses plus sérieux adversaires dans la course à la présidence. Il était alors l’unique leader de l’opposition à se présenter à l’élection qui semblait jouée d’avance. Au moment de la proclamation des résultats, il a envoyé ses partisans dans la rue pour forcer Gueï à céder le pourvoir. C’est cette habileté à rouler ses adversaires dans la farine qui a valu à Gbagbo son surnom de « boulanger d’Abidjan ». Tout au long de la dernière campagne, Laurent Gbagbo n’a cessé d’accuser ses 13 rivaux d’être des « masques de l’étranger », des candidats « qui portent des visages d’Ivoiriens mais qui sont dirigés par les mains de l’étranger ». C’est que Laurent Gbagbo veut à tout prix remporter l’élection de dimanche. Pour les observateurs, il n’aurait pas organisé ce scrutin du 31 octobre prochain, après les nombreux reports dont il a fait l’objet depuis 2005, s’il n’était pas sûr de l’emporter. Les nombreux sondages qui l’a commandés l’ont conforté dans ce sens. Quand le JDD lui demande s’il promet de ne pas s’accrocher au pouvoir en cas d’échec, il répond: « Je ne promets rien à personne ».

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