France-Maroc : Interdire les délocalisations sauvera-t-il les emplois ?


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Interdire les sociétés de téléphonie et d’internet de délocaliser leurs centres d’appels à l’étranger, notamment au Maroc, semble être la dernière trouvaille du gouvernement français pour stopper l’hémorragie des pertes d’emplois en France. Le principal bénéficiaire de ce marché est le Maroc avec 30?000 emplois.

Laurent Wauquiez, le secrétaire d’État à l’Emploi projette, entre autres, de taxer les entreprises ayant recours à des centres d’appels délocalisés, aider celles qui se tournent vers le 100 % français ou encore à dresser une liste noire des entreprises qui envisagent de délocaliser une partie ou la totalité de leurs services dans un autre pays (au Maroc par exemple). De telles mesures à relents protectionnistes seront-elles efficaces ?

La délocalisation au Maroc destructrice des emplois en France ?

Selon Bercy, le nombre d’emplois délocalisés a été multiplié par 6 entre 2004 et 2009, passant de 10 000 à 60 000. Toutefois, il est inconcevable de conclure hâtivement que les délocalisations détruisent l’emploi dans l’Hexagone. En effet, le secteur de la relation clients continue de créer de l’emploi en France. En 2009, et malgré la crise, la filière a créé plus de 10.000 emplois en France contre seulement 5.000 emplois au Maroc, soit deux fois plus. Aussi, la majorité des centres d’appels se trouvent encore en France : 80% du chiffre d’affaires de ces sociétés a été réalisé sur le territoire en 2008, contre 20% pour les centres «offshores», selon le SP2C (Syndicat des professionnels de centres de contacts).

Il faut rappeler ici que le phénomène de délocalisation résulte des différentiels d’attractivité entre les différentes économies et que la même économie peut à la fois profiter de l’implantation d’entreprises étrangères sur son territoire comme elle peut subir les délocalisations d’entreprises qui y sont déjà implantées. Ainsi, une évaluation objective implique que l’on raisonne en termes de flux nets d’emplois (création – destruction). Donc, si la France est contente d’accueillir des investisseurs étrangers venant s’implanter sur son territoire, elle doit accepter aussi que des entreprises françaises cherchent à s’implanter ailleurs.

De telles mesures dissuaderont-elles les entreprises à se délocaliser ?

Le projet d’interdiction de délocalisation des centres d’appel est une entreprise désespérée car ce phénomène est porté par une tendance mondiale à l’externalisation des métiers de services. Dès lors, jouer sur la logique du patriotisme économique paraît complètement dépassé.

En effet, il faut rappeler ici que la priorité des donneurs d’ordre, en matière de centres d’appels, ce sont les volumes d’appels traités, non la qualité. Au regard de l’accroissement des souscriptions à Internet ou à des abonnements téléphoniques, priver les donneurs d’ordre français de faire appel aux centres d’appels les plus compétitifs réduira leur marge de manœuvre. Ainsi, face à l’accroissement des coûts, résultant de l’accroissement du volume des appels à traiter, la surtaxe projetée risque d’être répercutée sur le client car la marge des centres d’appels sera déjà réduite. Ce sont donc les consommateurs français qui payeront l’addition, une charge qui vient grever leur pouvoir d’achat déjà mis à mal par la crise actuelle. Par ailleurs, de telles mesures constituent une ingérence flagrante dans la gestion interne des entreprises consistant à orienter par la force leurs choix d’implantation suivant une logique bureaucratique et politicienne contraire à la logique économique.

Une vue de court-terme

Ensuite, l’annonce de ces mesures est pour le moins paradoxale avec les annonces de la France de sa volonté de renforcer la coopération économique dans l’espace euro-méditerranéen avec des objectifs d’intégration économique et de maîtrise des flux migratoires. Car le meilleur moyen pour lutter contre le terrorisme et l’immigration clandestine est de favoriser la croissance et la création des emplois dans les pays du pourtour méditerranéen, en l’occurrence le Maroc. Or, ces mesures sont pénalisantes pour l’économie marocaine qui mise sur l’offshoring, un secteur stratégique pour stimuler sa croissance hors agriculture. Aussi, elles pénaliseront les entreprises françaises qui devraient renoncer au dispositif attractif mis en place dans le cadre du plan « Emergence » à destination du secteur de l’offshoring (exonération sur l’IS et les droits de douanes à 2.5 %, un Impôt sur le Revenu plafonné à 20% pour les opérateurs du secteur, un régime spécial expatriés et une défiscalisation complète du premier emploi inférieur à 500€ par mois, plateformes industrielles dédiées à des tarifs compétitifs, etc).

Par ailleurs, étant le premier fournisseur du Maroc, l’économie française a tout à gagner avec une économie marocaine dynamique et des consommateurs marocains avec un meilleur pouvoir d’achat. Avec des mesures protectionnistes à peine déguisées, la France s’aventure à enclencher des représailles avec les risques qu’elles comportent sur le partenariat et accords signés entre la France et ses partenaires maghrébins. Cela rappelle le double langage de pays développés qui incitent les pays en développement au libre-échange, alors qu’ils rivalisent d’ingéniosité pour entraver les lois de la libre-concurrence bloquant l’accès de ces pays à leurs marchés et les privant de s’intégrer définitivement dans l’économie mondiale.

Enfin, les responsables français oublient que leurs mesures sont totalement dépassées, inadaptées et déconnectées des réalités économiques. Si elles étaient adoptées, elles ne recevraient sans doute pas l’aval de la Commission européenne. Alors, à quoi bon s’accrocher à des mesures intrinsèquement inefficaces et qui ont peu de chance d’être appliquées ?

Si le gouvernement français voulait prévenir sérieusement les délocalisations, il faudrait qu’il se penche sur les facteurs qui grèvent la compétitivité de ses centres d’appels, notamment l’inflation des prélèvements obligatoires, les charges sociales et les impôts qui rendent le salaire français moins compétitif (1.340 euros brut environ pour un français contre 450 euros brut par mois pour un employé marocain). Autrement dit, la solution réside dans la libération du travail des pesanteurs bureaucratiques et fiscales qui pénalisent sa compétitivité. La sauvegarde des emplois ne se décrète pas !

Hicham El Moussaoui est analyste sur Un MondeLibre

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