Appel à une mobilisation plus forte pour 10 millions de Sahéliens


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Photo: Phuong Tran/IRIN

Plusieurs organismes des Nations Unies et différentes organisations non gouvernementales (ONG) appellent à mobiliser davantage de travailleurs humanitaires et de fonds en faveur du Sahel ouest-africain, pour répondre aux besoins d’une population aux prises avec une des crises nutritionnelles les plus graves de ces dernières années.

Plus de 10 millions de personnes sont menacées par la faim au Sahel, dans l’attente des récoltes de septembre, selon l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO). Environ la moitié des 13,4 millions d’habitants que compte le Niger souffrent de la faim. Pas moins de deux millions de Tchadiens et plusieurs centaines de milliers de Mauritaniens et de Maliens ont également besoin d’aide.

Des interventions précoces ont été menées, et des réserves de secours ont été préacheminées, mais davantage de mesures auraient dû être prises plus tôt, estiment les travailleurs humanitaires, et les opérations doivent être déployées d’urgence.

A la fin de l’année 2009, le Réseau des systèmes d’alerte précoce contre la famine avait souligné les signes de la crise : une chute de la production céréalière, de mauvaises conditions d’élevage et une dangereuse combinaison de pauvreté et de prix élevés des vivres.

« Il y a toujours des retards dans les chaînes d’approvisionnement. Ce qui signifie que les décisions prises aujourd’hui prendront effet sur le terrain à la fin du mois de juillet ou d’août. Les distributions alimentaires auraient dû débuter en avril ou en mai », a indiqué Bruno Jochum, directeur opérationnel de Médecins sans frontières (MSF) Suisse.

L’aide reste cruciale, a-t-il ajouté : pendant les mois d’août et de septembre, dans l’attente de la prochaine récolte, les populations n’ont généralement plus de vivres.

Le Bureau des Nations Unies pour la coordination des affaires humanitaires (OCHA) n’a obtenu que 57 pour cent des 190 millions de dollars sollicités dans le cadre de son appel d’urgence en faveur du Niger. Au Tchad, il manque encore 23 millions de dollars au Programme alimentaire mondial (PAM) sur les 65 millions requis pour lui permettre d’intervenir face à la crise alimentaire.

Néanmoins, selon Cyprien Fabre, chef du bureau régional de l’Office d’aide humanitaire de la Commission européenne (ECHO) pour l’Afrique de l’Ouest, les bailleurs ont réagi plus rapidement qu’en 2005 ; cette année-là, nombre d’entre eux avaient été pris de court par la crise alimentaire. Cette fois-ci, s’est-il félicité, des mécanismes d’alerte précoce et d’intervention sont en place dans la plupart des pays touchés, et des fonds ont été alloués rapidement.

« Les opérations sont en bonne voie au Niger, au Burkina Faso et au Mali. Le Tchad a besoin de plus d’acteurs pour une intervention efficace. Des fonds seront mis à disposition, si nécessaire ».

Au Tchad

La situation dans la région sahélienne du Tchad est particulièrement préoccupante. « La situation au Tchad est un peu semblable à celle du Niger en 2005 », a expliqué Félicité Tchibindat, conseillère régionale en nutrition au Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF). « Sur le terrain, le nombre d’organismes est limité, ainsi que la volonté politique. Mais ce qui est bien, c’est que les organisations humanitaires et les bailleurs commencent à réagir ».

Cette mobilisation sera utile, mais avec le début imminent de la saison des pluies, l’acheminement des secours jusque dans les villages reculés de ce pays enclavé deviendra d’autant plus difficile. Selon le PAM, l’acheminement des vivres au Tchad peut prendre entre trois et cinq mois. Dans certaines régions du pays, les routes seront officiellement fermées à compter de la fin du mois de juin, en raison des pluies.

« Même si l’on dispose de cargaisons entières de marchandises, si celles-ci ne peuvent pas être livrées, les populations n’auront pas de nourriture. Si l’on ne préachemine pas les vivres, cela va devenir très difficile. Les organismes devront envisager le transport aérien », a déclaré Yvon A. Edoumou, responsable de la communication publique, du plaidoyer et des relations avec les bailleurs au bureau ouest-africain d’OCHA.

« Très vulnérable »

Si les récoltes d’automne sont normales, la population devrait se remettre de la crise à la fin de l’année. Le Comité permanent inter-Etats de lutte contre la sécheresse dans le Sahel (CILSS) prévoit une saison des pluies normale à humide.

Les précipitations sont cruciales dans cette région où les cultures sont essentiellement alimentées par les eaux pluviales. « Si les pluies sont insuffisantes, ce sera catastrophique pour l’ensemble de la région. Les populations ont perdu une bonne partie de leurs biens. Elles ont emprunté de l’argent pour manger, et aujourd’hui, elles attendent la pluie », a expliqué M. Fabre, d’ECHO.

Les pays du Sahel comptent parmi les plus pauvres du monde. Un tiers de la population du Tchad et du Niger souffre de malnutrition chronique. Chaque année, 300 000 enfants de moins de cinq ans succombent à la malnutrition, selon l’UNICEF.

« La population est déjà très vulnérable », a indiqué M. Edoumou d’OCHA. « Quand on vit au jour le jour, n’importe quel choc provoque une crise. Si les pluies sont insuffisantes, si le bétail est touché par une maladie mystérieuse, les populations se retrouvent en difficulté ».

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