« Des hommes et des dieux  » : la vocation à l’épreuve de l’islamisme en Algérie


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L’Algérie, star de Cannes ? Deux films en compétition officielle s’y déroulent. Le premier, Des hommes et des dieux de Xavier Beauvois, qui revient sur l’assassinat des religieux français de Tibéhirine, a été présenté ce mardi. Le long métrage est une convaincante fiction sur le dilemme psychologique des moines martyrs.

La 63e édition du festival de Cannes fait inconditionnellement la part belle aux relations franco-algériennes. Des hommes et des dieux de Xavier Beauvois, en compétition officielle et projeté mardi à Cannes, est un film «librement inspiré » de la vie des moines cisterciens de Tibéhirine entre 1993 et 1996, date de leur disparition en Algérie. Huit moines chrétiens français, vivant dans les montagnes de l’Atlas, en toute harmonie avec leurs voisins musulmans vont voir leur vocation bouleversée par le terrorisme. Le massacre d’ouvriers croates et les multiples exactions commises par les intégristes musulmans remet en cause leur présence dans le pays. Partir ou rester ? Cette question est la trame principale de cette vraisemblable fiction qui se concentre sur les dernières heures des religieux, assassinés par des islamistes, selon la version officielle, pendant les années noires qu’a connue l’Algérie.

Les huit hommes que scrute Xavier Beauvois sont des êtres confrontés à une situation doublement inextricable. D’abord d’un point de vue politique, ils sont pris entre deux feux. D’un côté les islamistes, qui n’en restent pas moins des hommes dont la vie est aussi chère à Dieu. De l’autre, l’armée et les autorités algériennes qui souhaitent les protéger. Tous ceux que le frère Christian, alias Lambert Wilson qui porte de nouveau l’habit après celui de l’abbé Pierre, et ses compagnons rencontrent les exhortent à partir. Mais « fuir » est-elle la meilleure solution ? Ensuite, leur drame est aussi psychologique. Le film de Xavier Beauvois est une incursion dans l’intimité de ces moines tiraillés entre la peur, leur fidélité à Dieu et leurs engagements vis-à-vis des populations locales qui veulent les voir rester.

Dans la tête des moines

Le principal enjeu Des hommes et des dieux reste psychologique. Xavier Beauvois rend palpables les doutes des protagonistes de ce drame. Comme dans cette longue séquence où il filme les visages des frères divinement conscients qu’ils vivront une tragédie sans l’avoir jamais voulu. Seuls ou en communauté, les moines tentent de se libérer de leurs frayeurs et de leurs doutes. La galerie de profils, notamment du frère Luc, alias Michael Lonsdale, médecin de la communauté qui clame sa liberté, est réaliste et variée. Chacun des acteurs de ce fameux casting – un prix d’interprétation collectif ne serait pas volé – joue sa partition à merveille.

Des Hommes et des dieux est un film prenant parce qu’il explore à l’envi la question de l’engagement religieux – la merveilleuse bande originale renforce d’ailleurs cette dimension -, sans pour autant donner de leçons. Chaque camp : les islamistes, les religieux, les autorités algériennes ou encore les populations progressent dans un univers où leurs prises de position ne portent pas à jugement. Elles s’exposent. Tout simplement.

En attendant, le déjà controversé Hors la loi de Rachid Bouchareb qui sera présenté ce vendredi en compétition officielle, Des hommes et des dieux prend des airs de prélude. Car le film met en scène un responsable algérien qui estime que le terrorisme est l’un des héritages de la colonisation. De colonisation, de massacres et de leurs autres dégâts, c’est de cela dont il sera largement question dans le long métrage du cinéaste franco-algérien.

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