Les blogs vont plus loin que les medias traditionnels pour rapprocher les points de vue


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arton19521

Le traitement médiatique des évènements majeurs des deux dernières décennies laisse à désirer. Après les attaques du 11 septembre 2001, la libre expression a très souvent laissé place à des débats rigides, créant ainsi un environnement propice à la montée en puissance des blogs.

La proéminence d’un discours opposant « Bien » et « Mal », « Nous » et « Eux », ainsi que la théorie du « choc des civilisations » popularisée par Samuel Huntington, expert politique, et qui prétend que l’Islam et l’Occident sont voués au conflit, sont autant de facteurs qui ont restreint les points de vue couverts par les médias traditionnels. Plus encore, faisant face à de strictes restrictions financières, les médias se trouvent de plus en plus à la merci de cercles restreints.

En réaction à cette situation, le monde a connu une prolifération sans précédent des blogs et des réseaux sociaux en ligne, en concomitance avec l’émergence de nouvelles technologies. C’est alors qu’un nouveau média dit « citoyen » a vu le jour. Il est annonciateur d’un changement de paradigme dans la façon dont l’information est reçue et les opinions exprimées.

Les blogs en particulier ont permis à un nombre exponentiellement croissant d’internautes, de cultures et de géographies différentes de prendre part à une entente interculturelle, transnationale, et de découvrir que nous ne sommes pas si différents que ça.

Un exemple surprenant a eu lieu à Londres, en été 2005. Cela se passe quelques jours après les attaques suicide ayant frappé le cœur de la capitale britannique. La victime, un Pakistanais de 48 ans, venait d’arriver à Londres pour visiter sa famille. Il était sorti acheter des cigarettes quand il fut poursuivit par une bande de jeunes, le harcelant, lui lançant des injures racistes, avant de l’attaquer et de le lyncher à mort.

Sur les plateaux de télévision, sur les ondes de la radio ou sur les pages des journaux le ton était celui des stéréotypes et des accusations. On analysait les motifs de ce meurtre en mettant en avant le « climat de revanche » qui régnait dans le pays. D’une part, il y avait ceux qui faisaient porter le blâme aux enseignements de l’Islam et considéraient que la communauté musulmane était largement responsable des attentats suicide et donc du climat de peur et de méfiance qui a entraîné la mort de Raza. D’autre part, il y avait ceux qui accusaient les sociétés occidentales de racisme, leur reprochant de ne pas avoir su intégrer les minorités musulmanes.

Le débat polarisé qui s’ensuivit laissait peu de place aux voix dites modérées, qui cherchaient désespérément des points d’accord entre les deux points de vue.

Dans ce contexte, les blogs offraient une alternative inespérée. Au-delà du fait qu’ils devenaient une source d’informations, les blogs sont devenus des plateformes pour tous les points de vue. En commentant les articles et les publications et en communiquant entre eux, les bloggeurs ont pu se découvrir un terrain commun. Ils ont pu, par exemple, convenir que le terrorisme, par essence, allait à l’encontre de tout enseignement religieux, y compris celui de l’Islam. Durant les jours qui ont suivi l’assassinat de Raza, les blogs se sont transformés en une plateforme de débat passionné comme on en voit rarement dans les médias traditionnels.

L’excellent « Lenin’s Tomb » constitue un parfait exemple. Dans ce blog à tendance gauchiste, laïcs et croyants échangent leurs points de vue par le biais de commentaires et de publications. Grâce aux blogs et aux réseaux sociaux émergeants, les citoyens ont eu l’occasion d’échanger leurs opinions et de discuter de sujets aussi épineux que l’Islamophobie. Il est vrai que les échanges ont commencé par être agressifs mais ceci n’a pas empêché l’émergence d’un dialogue qui a naturellement abouti à la découverte d’un terrain commun.

La nature même de la blogosphère a permis aux musulmans (mais aussi aux non-musulmans), de Grande Bretagne ou d’ailleurs, de défier les accusations péjoratives et d’inscrire les attaques de Londres ainsi que le meurtre de Raza dans un contexte plus large.

Des bloggeurs de Grande Bretagne et de toute l’Europe ont organisé des événements pour discuter de vive voix de racisme, d’intégration et de religion. Mais aussi, des bloggeurs du monde entier ont rejoint des agoras virtuelles et des endroits de rencontre pour aborder ces questions avec plus de profondeur. L’activité positive des associations de lutte contre le racisme est apparue au grand jour. A titre d’exemple, l’association Islamophobia Watch, fondée au début de l’année 2005 a joui d’une grande popularité après les attaques de Londres, notamment grâce à son influence grandissante auprès des internautes.

D’aucun diront que la calomnie, la haine et l’ignorance existent sur Internet, Mais si les voix extrémistes sont en effet largement représentées sur le réseau, elles ne le sont plus seules. Des personnes ayant des points de vue alternatifs, souvent visant à promouvoir l’entente et le respect mutuel, ont désormais le droit de faire parvenir leur voix.

L’Internet, les blogs et les réseaux sociaux ont permis à des hommes et des femmes, de toutes croyances, de toutes convictions politiques et de toutes cultures de parler de leurs vies, de leurs chagrins, de leurs joies… de leurs vérités. Par rapport aux relations Islam-Occident, l’Internet constitue désormais un outil d’éveil inégalé. Un instrument qui permet aux voix des quatre coins du monde de se faire entendre, qui rapproche les divergences et qui clarifie les malentendus. Désormais nous sommes conscients que nous ne sommes pas aussi différents qu’on a voulu nous faire croire.

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*Hisham Khribchi est un blogueur marocain et médecin vivant en France. Il blogue en arabe sur almiraat2.wordpress.com. Il est correspondant pour Global Voices Online et cofondateur du forum en ligne Talk Morocco

Cet article a été écrit pour le service d’informations de Common Ground (CGNews), 16 avril 2010,
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