RDC: le combat pour la paix aux Nord et Sud- Kivu


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Il y a un an, la ville de Goma, dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC), accueillait provisoirement des dizaines de milliers de personnes déplacées par les combats entre les forces du gouvernement et divers groupes armés. Aujourd’hui, beaucoup de ces déplacés sont rentrés dans leurs villages. « Cela ne signifie pas que la paix est revenue dans la région», a dit un observateur militaire à Goma, la capitale de la province du Nord-Kivu. « Certains villages sont relativement plus sûrs, mais la situation générale est toujours très instable. »

Au plus fort des violences dans le Nord-Kivu en 2008 et 2009, Goma a accueilli dans des camps environ 140 000 déplacés, d’après le Haut commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (UNHCR). Début 2009, des déplacés ont commencé à quitter volontairement les camps, et à présent, 77 000 personnes sont parties.

« La situation s’est améliorée dans des endroits comme Goma, mais on peut tracer des cercles concentriques autour de la ville », a dit Karl Steinacker, coordinateur de l’UNHCR pour l’est de la RDC. « Plus on s’éloigne, pire c’est. C’est une [période] de retours, de déplacements et de mouvements. »

Le Nord et le Sud-Kivu comptent 47 camps, qui abritent à l’heure actuelle plus de 117 000 déplacés, dont 15 000 ont été déplacés par des affrontements entre des groupes armés en décembre dernier.

La violence est le fléau des deux provinces du Kivu. D’après des rapports, lors d’une récente attaque, le 11 février dernier, les FDLR, un groupe rebelle rwandais basé dans l’est de la RDC, qui est la cible des opérations des FARDC (armée de la RDC) – elles-mêmes soutenues par les Nations Unies –, ont tué sept femmes qui se rendaient au marché de la forêt de Bisembe, dans la région de Rutshuru. Huit se sont échappées, mais seulement trois sont arrivées jusque chez elles.

Alan Doss, chef de la Mission des Nations Unies en RDC (MONUC), a dit qu’il s’agissait d’un acte lâche, car les FDLR visaient les plus vulnérables. La MONUC, en collaboration avec les FARDC, s’efforce de sécuriser cette zone.

« Des hommes armés circulent toujours dans les villages », a dit un ancien déplacé de Bukavu dans le Sud-Kivu, qui vit maintenant à Goma. « Il n’y a pas de gouvernement effectif dans une grande partie du Nord et du Sud-Kivu. Jusqu’à ce que le gouvernement arrive, [ce sera] le [chaos]. »

Les violences récentes sont pour la plupart imputées aux FDLR, qui comptent environ 5 000 hommes, d’après des observateurs militaires de Goma.

« Les FDLR sont comme des abeilles dans un coin », a dit à IRIN Esteban Sacco, directeur du Bureau des Nations Unies pour la coordination des affaires humanitaires (OCHA) dans le Nord-Kivu. « Si on ne les touche pas, il ne se passe rien, mais si [elles sont dérangées], les ennuis surviennent. »

Les ONG sont visées

D’après OCHA, les provinces du Nord et Sud-Kivu compte environ 1,36 million de personnes déplacées, dont un million ont fui leurs maisons en 2009.

L’UNHCR s’inquiète de la situation dans certains camps. « A Kichanga, les déplacés sont utilisés pour des travaux forcés », a dit Masti Notz, chef du bureau de l’UNHCR pour le Nord-Kivu. « Nous sommes de plus en plus préoccupés par ce qui se passe. »

Les attaques contre les travailleurs humanitaires suscitent également des inquiétudes. Le 13 février dernier, des employés d’ONG locales ont été pris dans une embuscade et ont perdu des biens à Rutshuru, d’après des sources proches des forces de sécurité.

Au mois de janvier, quelque 20 attaques visant des acteurs humanitaires ont au total été enregistrées dans le Nord-Kivu.

« Rien qu’à Masisi, nous avons eu 14 incidents depuis le début de l’année », a dit M. Sacco.

Raphael Wakenge, directeur de la Coalition congolaise pour la justice transitionnelle, une organisation de la société civile, a dit que « les gens ont peut-être envie de rentrer mais s’inquiètent » de l’insécurité.

« Les conditions du retour ne sont pas attractives ; il n’y a aucune garantie de sécurité », a-t-il dit à IRIN. « Quand on visite le territoire de Fizi, [on assiste à] des opérations militaires qui empêchent le retour de la population. »

Nouvelle offensive

Une nouvelle offensive a été lancée en janvier pour mettre les FDLR en déroute. L’opération, dont le nom de code est Amani Leo, ce qui signifie « La paix aujourd’hui » en swahili, a remplacé Kimia II, une opération fortement critiquée par les organismes de surveillance des droits humains, qui l’accusaient d’atteintes aux droits des civils.

Pour M. Wakenge, Kimia II était « une bonne initiative » qui a été gâchée par des « questions de protection des civils ».

Koen Vlassenroot, de l’Université de Gand, a écrit dans un article que cette opération compliquait la situation politique et militaire locale, et avait un impact humanitaire dramatique.

« Ce qui était encore plus inquiétant, c’était la conduite des nouvelles brigades intégrées de l’armée congolaise, qui, d’après des rapports, ont été de plus en plus impliquées dans de graves violations des droits humains, parmi lesquelles des meurtres à l’aveugle de civils dans les nouveaux territoires sous contrôle », a dit M. Vlassenroot.

Amani Leo a suscité jusqu’à présent un optimisme prudent. « Le concept formel de cette […] offensive met l’accent sur la protection des civils, la planification conjointe, et la conditionnalité du soutien de la MONUC au respect des droits humains par les FADRC », a dit à IRIN Guillaume Lacaille, analyste senior pour l’Afrique centrale auprès d’International Crisis Group.

D’après la MONUC, les priorités de l’opération seront de protéger les civils, en particulier les femmes et les enfants, de libérer le territoire des groupes armés, et de favoriser la restauration de l’autorité de l’Etat.

« La protection des civils a été la préoccupation centrale de nos plans », a dit au Conseil de sécurité, en janvier, le Lieutenant Général Babacar Gaye. En ce qui concerne les violations des droits humains, une politique de tolérance zéro sera appliquée.

« Pour savoir si Amani Leo sera un succès, il faudra attendre et observer », a dit Nelson Alusala, chercheur senior à l’Institute for Security Studies, basé à Pretoria. La RDC et le Rwanda voudraient toutefois accélérer sa mise en œuvre, afin d’anticiper d’éventuelles réductions d’effectifs de la MONUC et les élections congolaises et rwandaises de 2011.

Photo: MONUC
« Les FDLR ont deux possibilités : le retour volontaire ou le retour forcé car le Rwanda ne peut pas négocier avec eux », a dit à IRIN une source proche des forces de sécurité à Goma. « [Ces hommes] étaient soldats de métiers, et ils sont encore capables de déstabiliser une partie de la région [du Nord et Sud-Kivu]. »

La guerre des ressources

Le conflit des Kivus est alimenté par la richesse des ressources naturelles de la région, dont notamment les ressources en or. D’après Global Witness, les principales parties belligérantes contrôlent une grande partie du commerce des minéraux, qui est très lucratif.

« Les ressources naturelles doivent être reconnues non seulement comme une composante du problème, mais aussi comme un élément essentiel de la solution », a écrit Mike Davis, de Global Witness, dans un rapport récent.

« En RDC, de nombreux groupes armés sont florissants grâce au commerce non réglementé des minéraux », a dit M. Alusala. « Les minéraux sont aussi échangés contre des armes, ce qui alimente le conflit. »

Le Bonn International Centre for Conversion affirme que ceux qui sont intéressés par les ressources naturelles de la RDC possèdent encore un potentiel destructeur. Ceux-ci sont notamment d’anciens combattants influents qui appartiennent aujourd’hui à des réseaux informels de pouvoir et de commerce.

Photo: Les Neuhaus/IRIN

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