Charte de la gouvernance démocratique adoptée par les Assises nationales du Sénégal


Lecture 30 min.
arton18290

Ouvertes le 1er juin 2008, après plusieurs mois de préparation, les Assises nationales du Sénégal ont rendu leurs conclusions à Dakar, le 24 mai 2009, à l’hôtel Méridien, sous la présidence de Monsieur Amadou Mahtar MBOW, ancien Directeur Général de l’UNESCO – qui a assuré par ailleurs la Présidence de son Comité national de pilotage et de son Bureau national – en présence de nombreuses personnalités du monde politique, religieux, économique, social et culturel, des représentants du Corps diplomatique et des Organisations internationales.

Ces Assises nationales, dont l’initiative revient à une centaine d’organisations de la Société civile, des syndicats, des partis politiques, des organisations non gouvernementales, des organisations religieuses, professionnelles, féminines, patronales, des groupements de retraités et personnes âgées, de jeunes, d’intellectuels et d’acteurs du monde de la culture, de l’éducation, des sciences et des personnalités de tous les milieux sociaux, étaient ouvertes à tous les Sénégalais et Sénégalaises de tous âges et de toutes conditions sociales.

Toutes les composantes de la Nation sénégalaise ont été conviées à ces Assises nationales. L’invitation réitérée à plusieurs occasions au Président de la République et à son gouvernement est toujours restée sans réponse.

Placées sous la direction d’un Comité national de Pilotage (CNP) composé des représentants de toutes les parties prenantes, et d’un Bureau national émanant du Comité national de Pilotage, son objectif était, face à la crise multiforme que traverse actuellement le Sénégal, d’entreprendre un large travail de réflexion et de concertation de tous les secteurs de la population sur l’évolution du pays depuis l’indépendance en vue de trouver des solutions consensuelles susceptibles de rallier tous ceux qui sont soucieux de changer la condition des Sénégalais dans la paix et la concorde.

Pour ce faire, il a été mis en place trois commissions transversales : Commission d’organisation et des finances, Commission scientifique, Commission de la communication. A ces Commissions se sont ajoutées huit commissions thématiques chargées chacune de mener des études approfondies et de proposer des solutions dans les domaines suivants :

1. Institutions, Liberté et Citoyenneté
2. Orientations budgétaires, Politique économique et environnement des Affaires
3. Monde rural et Secteur primaire
4. Droits économiques et sociaux et Valorisation des ressources humaines (éducation, santé, culture, sports.)
5. Questions sociétales : Valeurs, Ethique et Solidarité
6. Aménagement du territoire, Environnement et Développement durable
7. Politique extérieure, Intégration africaine et Migration
8. Recherche scientifique et Nouvelles technologies de l’information et de la communication.

Aux travaux de ces commissions, menés par des experts, mais ouverts à tous les participants, se sont ajoutées des consultations citoyennes organisées dans chacun des départements du Sénégal et dans les pays qui comptent une nombreuse population d’immigrés sénégalais (Europe et, Amérique du Nord), sous la direction de Comités départementaux de pilotage (CDP) et de Comités de pilotage de la Diaspora (CPD).

Ces consultations citoyennes ont permis de concrétiser la démarche innovatrice et inclusive des Assises nationales. Les populations des villes et villages et celles de la Diaspora ont pu ainsi exprimer leurs points de vue sur leur vie, leurs activités, la situation de la Nation, la marche de l’Etat depuis l’indépendance, établir un diagnostic sans complaisance et proposer des solutions aux différents problèmes du Sénégal dans les domaines politique, économique, social et culturel.

Les Assises ont permis ainsi de montrer qu’en dépit de la prolifération des partis politiques (plus de 150) et du nombre élevé de mouvements syndicaux, qui sont des signes évidents d’un fractionnement de la société, des hommes et des femmes attachés à la démocratie et préoccupés par le seul intérêt général, sont en mesure d’unir leurs pensées et leurs efforts pour trouver des solutions consensuelles aux graves problèmes du Sénégal et des Sénégalais et assurer ainsi le redressement national dans l’intérêt de tous.

Les consultations citoyennes ont produit 35 rapports départementaux, 3 rapports de la Diaspora (Europe et Amérique du Nord) auxquels s’ajoutent 8 rapports thématiques issus des travaux des experts.

Un atelier de synthèse organisé en janvier 2009 réunit 120 participants parmi lesquels, les présidents et rapporteurs des 35 comités départementaux, les représentants de la Diaspora, les présidents et rapporteurs des 8 commissions thématiques, les membres des 3 commissions transversales (scientifique, organisation & finances et communication) et les membres du Bureau national des Assises. Cet atelier permit durant 5 jours de faire la synthèse des 46 rapports suivant une méthode définie par la commission scientifique. Une semaine après, cette synthèse fut soumise à l’ensemble des parties prenantes lors d’un séminaire de 2 jours et aboutit à la production:

d’un Rapport général des Assises nationales (environ 250 pages),

d’une Synthèse de ce rapport général (environ 50 pages),

et de la Charte de gouvernance démocratique, adoptée et signée par l’ensemble des parties prenantes et qui est soumise à l’adhésion populaire des citoyens sénégalais à travers une campagne de signature.

C’est cette Charte que nous vous présentons ci-dessous en version française et anglaise. Cette Charte indique la vision que ses signataires ont du Sénégal, des valeurs dans lesquelles ils se reconnaissent, du modèle de gouvernance, des institutions, de la citoyenneté, des libertés, de la gouvernance économique et environnementale, de la gouvernance sociale, etc.

Les rapports et documents des Assises nationales sont disponibles au siège des Assises à Dakar et seront bientôt mis en ligne sur Internet.

Bonne lecture.

.

Assises Nationales du Sénégal – Bureau des Assises

Rue Kaolack X Louga

Point E

B.P. 22547

Dakar-Ponty

Sénégal

 

Charte de gouvernance démocratique, Mai 2009

Pour un Sénégal nouveau,

nous, parties prenantes, citoyennes, citoyens sénégalais, nous reconnaissant dans la dynamique non partisane et constructive qui a fondé et nourri les Assises nationales,

nous appuyant sur les résultats issus des « consultations citoyennes » et des travaux des commissions thématiques,

nous fondant sur le rapport des Assises nationales, lequel consigne la vision pour le Sénégal, et définit les valeurs et

principes qui doivent guider la reconstruction nationale et le renforcement de la République,

nous nous engageons, de façon libre et solennelle, dans notre comportement et notre action de citoyen, et dans l’exercice de tout mandat et de toute responsabilité, à mettre en oeuvre et à veiller au respect de la présente Charte.

I. VISION POUR LE SENEGAL

Le Sénégal est une République laïque.

Le Sénégal est un État souverain, uni dans sa diversité dans une Afrique solidaire, intégrée et ouverte sur le monde.

Le Sénégal, État de droit, est un pays où la gouvernance est fondée sur l’éthique, la démocratie participative, la concertation, le respect des institutions et des libertés individuelles et collectives et la défense des intérêts nationaux.

Le Sénégal est un pays de justice sociale et d’équité, avec des citoyennes et citoyens égaux en droit, animés d’un haut degré de sens civique, engagés dans un développement durable s’appuyant sur un aménagement harmonieux et équilibré du territoire, et une sécurité nationale crédible.

II. VALEURS

Nous nous reconnaissons dans les valeurs et principes suivants :

Le Sénégal est une République laïque et démocratique ;

La souveraineté appartient au peuple ;

Le Sénégal est un État unitaire décentralisé ;

Le Sénégal est marqué par des diversités ethniques, religieuses et culturelles mais aussi par un processus d’unification qui fait partie de son identité.

La reconnaissance et la promotion de la pluralité constituent le ciment de l’unité nationale. En conséquence, elles doivent orienter la prise de décision aux plans politique, économique et social ;

Le statut et la fonction de l’individu reposent sur le mérite personnel et non sur des critères liés à la naissance ou d’autres déterminants.

Les biens communs et les deniers publics sont sacralisés, tout détournement et toute utilisation indue de biens publics seront sévèrement sanctionnés selon la loi, quel qu’en soit l’auteur.

Dans le but de réconcilier la société avec elle-même et avec ses valeurs, nous nous engageons à oeuvrer pour :

· redonner à la famille la stabilité, l’autorité et le pouvoir dans l’éducation de base et l’insertion sociale de l’individu et dans ce cadre, de promouvoir une parenté responsable dans l’éducation et l’épanouissement de tous les membres de la famille;

· bâtir une éthique du bien commun, une culture civique et une nouvelle citoyenneté qui renforce les valeurs et comportements vertueux de la part de tous, et d’abord des dirigeants ;

· favoriser la coexistence harmonieuse des religions et des croyances ;

· moraliser et refonder l’espace politique en engageant le combat contre l’indiscipline, la gabegie, la culture de contournement des normes et des règles ;

· favoriser le respect mutuel, la convivialité, le bon voisinage, et faire de la diversité un facteur d’enrichissement réciproque et d’intégration ;

· renforcer la solidarité organisée comme une obligation civile, civique, sociale, religieuse, etc., notamment au profit des personnes les plus vulnérables.

III. MODELE DE GOUVERNANCE

La preuve étant faite, notamment à travers ces Assises nationales, de la capacité de nos concitoyens à se saisir et à traiter de tous les problèmes locaux et globaux auxquels nous sommes confrontés, nous nous engageons à oeuvrer à la consolidation/institutionnalisation de la démocratie participative,

· en particulier en développant l’approche inclusive, circulaire et multi acteurs consacrée par les Assises nationales comme préalable et accompagnement de tout changement significatif dans les fondamentaux de la Nation et les nouvelles orientations des politiques publiques ;

· en mettant en place une institution regroupant l’État et les acteurs politiques, sociaux et économiques pour définir et évaluer régulièrement les orientations économiques, sociales et culturelles majeures.

IV. INSTITUTIONS, LIBERTE ET CITOYENNETE

En ce qui concerne les institutions :

Nous tenons à réaffirmer notre volonté de préserver les acquis de la démocratie sénégalaise, dont l’approfondissement passe par une meilleure appropriation de ses fondamentaux par les populations.

À cet effet, la Constitution doit être connue du peuple. C’est pourquoi elle doit avoir des versions en langues nationales, notamment pour être accessible à tous les citoyens, qui en sont les gardiens.

Pour garantir sa nécessaire stabilité, la Constitution doit :

· indiquer clairement les domaines qui ne peuvent pas faire l’objet de révision ;

· identifier les domaines de révision soumis obligatoirement au référendum ;

· définir le domaine de compétence des institutions avec une séparation et un équilibre entre les différents pouvoirs : exécutif, législatif et judiciaire.

Les différents pouvoirs doivent être bien équilibrés, et jouer leur rôle avec l’autonomie suffisante pour exercer pleinement leurs missions. C’est pourquoi notre action commune visera à promouvoir la réforme des institutions selon les principes ci-dessous énoncés :

· Mettre un terme, d’une part, à la tendance à la concentration excessive des pouvoirs à la présidence de la République notée à la suite de la crise de 1962 et qui s’est accentuée depuis l’alternance, en l’an 2000 et, d’autre part, à toute immixtion du Président de la République dans le fonctionnement du législatif et du judiciaire. L’exécutif dans son ensemble doit s’abstenir de toute interférence dans le fonctionnement normal de la justice ;

· Le Président de la République sera dorénavant passible de poursuites judiciaires pour des crimes et délits caractérisés commis dans l’exercice de ses fonctions ;

· Le Président de la République ne peut être ni chef de parti politique ni membre d’une quelconque association durant l’exercice de ses fonctions ;

· À la fin de son mandat, un membre de la famille du Président de la République (ascendant descendant, collatéraux, au premier degré, conjoint) ne pourra pas lui succéder ;

· Le gouvernement est responsable devant l’Assemblée nationale de la formulation et de l’exécution de la politique de la Nation ;

· L’Assemblée nationale devient le lieu d’impulsion de la vie politique, avec des députés porteurs d’une éthique compatible avec les exigences de la démocratie et de celles de leur charge ;

· Elle dispose des moyens de contrôler l’action du gouvernement. Le cumul de mandats et le nombre de mandats successifs sont strictement limités pour toutes les fonctions électives.

· Concernant le pouvoir judiciaire, il sera créé une Cour constitutionnelle qui sera le garant de la démocratie et le juge de la conformité des lois. Ses domaines de compétence recouvrent notamment les contentieux nés des élections. Son Président dirigera le Conseil supérieur de la Magistrature chargé de gérer la carrière des magistrats du siège et du parquet. La Cour Constitutionnelle peut être saisie par les citoyens, selon des procédures fixées par une Loi ;

· La lutte contre la corruption sera au coeur des politiques publiques ;

· Le Président de la République, le Premier Ministre, les membres du Gouvernement, les directeurs nationaux, les directeurs des entreprises publiques de même que tout gestionnaire de biens publics sont tenus de faire une déclaration de patrimoine en début et en fin de mandat ;

· La taille du gouvernement est déterminée en tenant compte essentiellement de critères d’efficience. Elle sera réduite au strict minimum compatible avec les moyens de l’État ;

Ayant mesuré l’importance d’une administration publique républicaine, notamment pour un environnement propice au développement, à l’investissement, etc.,

nous nous engageons à promouvoir les mesures suivantes pour une refondation et une redynamisation de l’Administration publique :

· Améliorer sensiblement la lisibilité des procédures pour le citoyen de base, en particulier en les exprimant dans les langues nationales.

· Établir un système d’incompatibilité pour éviter l’implication partisane des hauts fonctionnaires dans les activités politiques.

· Instituer l’appel à candidature pour certains postes de la haute fonction publique et du secteur parapublic.

· Consacrer un système légal et équitable d’accès à l’information, garanti par l’administration aux citoyens, aux acteurs politiques, économiques, sociaux et culturels ;

· Créer un organe indépendant de lutte contre la corruption avec des pouvoirs de saisine directe des tribunaux et un système de répression efficace ;

· Assurer l’octroi des marchés publics dans des conditions de parfaite équité et de transparence totale.

Des actions vigoureuses seront menées pour renforcer les capacités d’analyse dans l’administration centrale. Par ailleurs, des mesures fermes seront prises pour assurer une stabilité suffisante aux services et directions ministérielles et promouvoir la cohérence de l’action publique.

En outre, les corps de contrôle supérieurs sont indépendants de l’Exécutif et du Législatif; ils encadrent l’action publique, y compris les services rattachés à la Présidence de la République. Ils doivent jouer leur rôle de manière transparente. Le renforcement de l’efficacité des corps de contrôle fera partie des premières priorités du pouvoir central.

En ce qui concerne la gouvernance locale, il faudra :

· définir un cadre pour une politique de développement durable et une gouvernance de proximité, afin de mieux répondre aux besoins des populations et aux exigences du développement ;

· renforcer les capacités et l’autonomie des collectivités locales pour leur permettre de s’orienter efficacement vers le développement local et la promotion de la démocratie à la base.

En ce qui concerne la laïcité :

· nous réaffirmons la neutralité de l’État dans les affaires confessionnelles et son équidistance par rapport aux instances religieuses ;

· nous reconnaissons que le pouvoir spirituel ne doit pas exercer son emprise sur les pouvoirs politique, civil et administratif et, inversement, le pouvoir temporel doit s’abstenir d’intervenir dans le fonctionnement du pouvoir spirituel ;

· nous rappelons le devoir de garantir la liberté de conscience et le droit d’exprimer ses convictions ; il ne doit y avoir ni privilège ni discrimination découlant d’une appartenance ou non à une confession ou à une confrérie ;

· nous convenons que l’État a le devoir d’assister toutes les institutions religieuses de manière transparente, sans discrimination aucune, dans des conditions déterminées par la Loi et dans le strict souci de préserver et de garantir la paix sociale et l’unité nationale.

En ce qui concerne la garantie des libertés individuelles et collectives, nous nous engageons à oeuvrer à :

· instituer un Juge des libertés chargé notamment de contrôler l’exercice des libertés reconnues et de lutter contre les abus, en particulier en matière de garde à vue et de détention préventive ;

· reconnaître aux citoyens le droit de saisir la Cour Constitutionnelle ;

· promouvoir, garantir et réguler la liberté de la presse dans le cadre d’une pluralité médiatique qui renforce la démocratie et le caractère unitaire de la nation. Cet engagement suppose l’exigence d’un respect des codes de déontologie par les professionnels de l’information et de la Communication ;

· garantir un accès équitable aux médias du service public.

Nous sommes résolus à agir de sorte que les droits humains (économiques, sociaux, politiques) reconnus soient effectivement appliqués à tous les membres de la société, en particulier les plus vulnérables (et notamment les personnes du troisième âge, les femmes, les jeunes, les handicapés, les enfants de la rue…).

V. GOUVERNANCE POLITIQUE

En ce qui concerne le système électoral,

Nous reconnaissons le droit au peuple d’user de la pétition pour provoquer un référendum sur des questions d’intérêt national.

Nous reconnaissons comme cruciale l’organisation, sur des bases solides, d’élections libres transparentes et, à cet effet, la nécessité de la création d’un organe indépendant ayant les prérogatives et les moyens voulus, pour conduire le processus électoral du début à la fin. En conséquence, le rôle du ministère de l’intérieur dans le système électoral et dans la gestion au quotidien des partis politiques sera redéfini.

L’accent sera mis sur :

· la fiabilité de l’état civil (notamment par sa numérisation) ;

· la fiabilité et la transparence du « fichier électoral » numérisé ;

· la généralisation de la candidature indépendante à tout type d’élection ;

· un mode de scrutin équitable.

En ce qui concerne les partis politiques,

nous reconnaissons la nécessité de rationaliser les critères de leur création, sur la base d’une double exigence de viabilité et de seuil de représentativité.

Nous estimons qu’il est urgent d’adopter une législation relative au financement des partis politiques et des campagnes électorales. Celle-ci devra définir des règles et mécanismes permettant de garantir que le financement des partis politiques et des campagnes électorales se fasse avec équité et transparence.

Nous engageons les organisations politiques à veiller au respect scrupuleux des normes démocratiques dans leur fonctionnement et à l’éducation citoyenne de leurs membres.

Nous convenons qu’un code de déontologie, élaboré de façon consensuelle, doit servir de référence à toute personne qui aspire à se faire élire, et par lequel elle s’engage à respecter et à promouvoir l’éthique du bien commun et le respect des valeurs et des principes fondamentaux de la société et de la République.

VI. GOUVERNANCE ECONOMIQUE ET ENVIRONNEMENTALE

La définition des politiques publiques prendra appui sur les principes généraux ainsi que sur les projets de réforme, de transformation et de moralisation de la société énoncés dans le rapport desdites Assises.

Sur cette base, l’État définira et mettra en oeuvre un ambitieux projet économique, environnemental, social et culturel.

La démarche républicaine reposant sur une forte mobilisation du capital humain, intellectuel, culturel et social, il importe de promouvoir la responsabilité, la rigueur, la transparence, la participation. A cet effet, il sera érigé en règle de conduite la concertation entre les acteurs économiques et sociaux, les usagers et l’État dans la conception, la mise en oeuvre et l’évaluation des politiques publiques.

L’action de l’État sera soutenue par une vision stratégique qui ne se réduira pas à la seule « lutte contre la pauvreté». L’État devra jouer un rôle moteur dans le développement économique et social. Il fera de la création de richesses et de la lutte contre les inégalités sociales un axe majeur de ses interventions.

La planification et la prospective en tant qu’outils de développement endogène seront revalorisées.

Pour des politiques économiques qui valorisent les acteurs nationaux, favorisent une création de richesses soutenue et une croissance économique mieux répartie, un partage plus équitable des fruits de la croissance,

· nous nous engageons à promouvoir les réformes nécessaires dans les politiques économiques, afin de passer radicalement du modèle économique actuel qui maintient le Sénégal dans le statut d’exutoire des surproductions agricoles et des produits manufacturés des pays extérieurs, à une modernisation de l’agriculture et une industrialisation tournées vers l’amélioration du niveau de vie des populations et la préservation de l’environnement ;

· nous soutenons le renforcement de partenariats entre le secteur public et le secteur privé en responsabilisant le privé, les organisations paysannes et syndicales, etc.

· nous nous engageons à entreprendre toutes les réformes nécessaires pour atteindre les objectifs de croissance et favoriser l’accès des populations aux biens et services ;

· nous ferons de l’amélioration du climat des affaires une priorité de premier rang, en même temps que nous favoriserons le renforcement et le développement des PME-PMI.

Il importe de diversifier les sources et la production d’énergie de façon à en rationaliser l’utilisation en fonction des coûts de l’approvisionnement, du prix et de l’intensité énergétique des activités.

Les contrats de prospection, d’exploitation minière, toute concession du sol ou du sous-sol doivent être portés à la connaissance du public. Ils doivent répondre aux critères de transparence, de respect de l’environnement et de prise en charge des intérêts des populations locales, ainsi que de préservation des intérêts des générations futures.

Les réformes devraient concerner également les autres facteurs transversaux :

· la fiscalité, pour favoriser la production et l’emploi.

· le foncier (notamment pour harmoniser les statuts fonciers pour mettre la terre au service du développement et assurer l’équité dans son appropriation).

· l’emploi, singulièrement l’emploi des jeunes

Par ailleurs, nous nous engageons à :

· promouvoir des dispositions permettant le relèvement substantiel des taux de financement de l’économie nationale par les banques, en particulier dans les secteurs de l’agriculture, de l’industrie, de l’artisanat et des services ;

· soutenir la mutation du système bancaire pour qu’il accompagne les réformes proposées, en particulier par une politique de gestion dynamique des taux d’intérêt réels et en assurant l’accès effectif au crédit, en particulier par un financement à moyen et long terme de la production nationale ;

· encourager le développement de systèmes alternatifs de financements tels que ceux de la Finance Islamique ou de la finance solidaire ;

· lutter de manière vigoureuse contre les narcotrafiquants et le blanchiment d’argent.

Pour des modèles et options économiques tournés vers la satisfaction des besoins des populations et privilégiant le patriotisme économique, nous nous engageons à oeuvrer pour :

· redéfinir le système de priorités en matière de dépenses publiques, en fixant des parts maximales du budget de fonctionnement pour les dépenses des autorités et organes supérieurs de la République et des parts minimales du budget global destinées à la recherche-développement scientifique et technologique, à l’agriculture, à l’éducation et à la santé ;

· impliquer l’Assemblée nationale, le secteur privé et les travailleurs dans le processus de définition des programmes sectoriels et l’utilisation des ressources, y compris celles afférentes à la réduction de la dette ;

· faire de la commande publique un des leviers principaux de la promotion du secteur privé national (PME,

PMI, artisanat) ;

· Intégrer la diaspora dans les stratégies de développement économique et social.

En ce qui concerne le développement durable, nous appuyons fortement les politiques qui permettent effectivement :

· d’inverser les tendances lourdes relatives à la réduction des ressources naturelles et de la biodiversité et à la dégradation des milieux et cadres de vie, en vue d’assurer à la société un environnement sain et productif ainsi que d’améliorer les conditions de vie et de travail des populations ;

· d’encourager le secteur privé à être plus respectueux et soucieux du développement durable et à contribuer au respect de l’éthique dans la gestion des affaires, de même que dans l’application de la législation du travail. Par ailleurs, il est invité à investir dans le domaine de l’environnement et du développement durable.

Pour un aménagement du territoire pertinent aux plans économique et social, équilibré et articulé aux espaces voisins, il importe de :

· mener un dialogue objectif et bien informé permettant de prendre en compte l’équilibre au plan national et l’équité, en veillant notamment à ce que toutes les villes, les zones rurales et les régions du Sénégal soient traitées de façon égale ;

· bâtir des consensus forts pour reconfigurer le découpage territorial, organiser les synergies selon les potentiels de développement et rechercher les complémentarités avec les voisins immédiats et la sous région;

· rationaliser l’implantation des équipements sociaux de base (administration, santé, éducation, hydraulique, etc.) de manière à en faire bénéficier toutes les populations.

VII. GOUVERNANCE SOCIALE

En ce qui concerne l’Éducation, il s’agira de :

· refonder le système éducatif, à tous les niveaux, à la suite d’une large concertation nationale, afin qu’il réponde à l’exigence de qualité, à nos valeurs humaines, sociales, spirituelles, aux besoins du développement économique et social et à la nécessité de former des citoyens animés d’un haut degré de sens moral et de probité et suffisamment dotés d’un esprit scientifique et d’une forte imprégnation de connaissances technologiques ;

· réorganiser les structures chargées de la mise en oeuvre de la politique gouvernementale, notamment sous l’égide d’un ministère unique chargé de l’Education ;

· réduire les disparités importantes entre les zones urbaines et rurales et à l’intérieur des zones urbaines et mener des actions décisives pour diminuer les taux de redoublement et le chômage des diplômés qui atteint des proportions importantes ;

· réduire de manière décisive l’inégalité des chances devant l’instruction, qui s’opère à un double niveau : exclusion des enfants qui ne peuvent pas accéder à l’École, mais aussi persistance et développement d’une école à deux vitesses.

En ce qui concerne la santé, les ruptures salvatrices consistent à :

· entreprendre une évaluation exhaustive du système de santé, afin de lutter efficacement contre les endémies et épidémies et de permettre l’accès de tous aux soins de santé en particulier des populations les plus défavorisées ;

· promouvoir l’équité dans l’affectation des ressources publiques entre les différentes régions du pays ;

· réorganiser la pyramide sanitaire au niveau national en vue de rééquilibrer la distribution des personnels et infrastructures entre les différentes régions ;

· repenser la hiérarchie des priorités dans l’allocation des ressources publiques mettant l’accent sur la prévention primaire ;

· réduire de manière décisive l’impact de tous les mécanismes inégalitaires devant la maladie.

Pour la sécurité sociale, il s’agira :

· d’oeuvrer à ce que les institutions publiques et privées en charge de ce domaine élargissent l’accès du plus grand nombre à leurs prestations ;

· d’organiser en urgence la prise en charge de la protection sociale des catégories de travailleurs exclues du système (en particulier artisans, agriculteurs, pasteurs, pêcheurs, artistes, marchands ambulants, etc.).

Nous nous engageons à promouvoir les concertations et dialogues nécessaires pour que ces réformes reposent sur des consensus forts.

Par ailleurs, pour favoriser l’éclosion d’un nouveau type d’homme et de citoyen, l’école et les parents doivent conjuguer leurs efforts afin de former des citoyens bien préparés à la vie en société.

À cet effet, tous les acteurs nationaux doivent contribuer à consolider l’unité nationale et le développement en faisant de l’École (au sens large) un espace d’apprentissage et d’éducation à la conscience citoyenne responsable, solidaire et engagée.

En ce qui concerne la culture, nous oeuvrerons pour que :

· les valeurs sociales et civiques imprègnent le corps social ;

· les déséquilibres entre les différentes aires géoculturelles en matière d’infrastructures et de promotion des activités culturelles soient surmontés ;

· la création d’industries culturelles soit intensifiée ;

· les droits à la propriété intellectuelle et artistique soient effectivement assurés.

Dans le domaine du dialogue social et de la culture du consensus, nous nous efforcerons :

· de favoriser le dialogue social et le consensus entre les acteurs sociaux comme mode de prévention et de règlement des conflits et d’élaboration des politiques de développement ;

· d’oeuvrer à l’avènement de la paix et de la concorde en Casamance. À cet effet, il s’agira de mobiliser toutes les régions afin d’en faire une priorité nationale et de promouvoir une large concertation permettant de définir une approche inclusive culturelle, politique et socioéconomique.

En ce qui concerne les sports, il s’agit de :

· promouvoir le sport pour la santé ;

· renforcer le développement du sport à l’école comme élément de base de la politique sportive ;

· favoriser le développement d’infrastructures dans toutes les régions ;

· repréciser les règles régissant les relations entre l’État et les fédérations des différentes disciplines et assurer une régulation transparente et équitable.

Une bonne gouvernance exige des hommes et des femmes de qualité, imbus de valeurs morales, ayant le sens de l’État, de la justice et de l’équité. Elle exige des citoyens une prise de conscience du fait qu’ils ont certes des droits mais également des devoirs envers leur pays et interpelle la société civile citoyenne.

Nous nous engageons à nous mobiliser pour la soutenir et l’accompagner afin qu’elle :

· assume davantage son rôle par une contribution de qualité à l’élaboration, au suivi et à l’évaluation des politiques publiques;

· veille sur les acquis démocratiques et constitue un bouclier contre toute modification arbitraire des règles et toute instrumentalisation des pouvoirs exécutif, législatif ou judiciaire.

Nous invitons les organisations qui la composent à veiller au respect scrupuleux de la bonne gouvernance associative, en particulier à l’application de leurs textes et règlements internes et à l’éducation citoyenne de leurs membres.

Nous nous engageons également à promouvoir la création d’un système citoyen de veille et d’alerte en matière d’éthique et de valeurs.

Nous invitons les institutions religieuses et leurs leaders à jouer un rôle positif dans le développement, la solidarité et la cohésion sociale, à oeuvrer à la bonne coexistence entre toutes les religions et confessions.

VIII. DIASPORA

Pour une diaspora organisée et partie intégrante de la Nation,

Nous nous emploierons à faire aboutir les innovations suivantes :

· la réorganisation et le renforcement de la représentation des Sénégalais de l’extérieur à l’Assemblée nationale ;

· la création d’une assemblée consultative des Sénégalais de l’extérieur en vue d’assurer la défense des intérêts des émigrés et de participer à la renégociation des conventions relatives à la protection sociale des ayants droit et les conditions de versement des pensions de retraite;

· la création des Maisons des Sénégalais de l’extérieur, espace de rencontre et de regroupement de la communauté sénégalaise ;

· la facilitation de la réinsertion des émigrés désireux de revenir au pays ainsi que de leur participation active au développement ;

· le recours constant aux compétences et à l’expérience de ses membres pour participer activement au développement et à la mise en oeuvre des politiques publiques et de toutes stratégies et actions relatives au développement économique (expertises, transferts de fonds….).

IX. POLITIQUE EXTERIEURE ET INTEGRATION AFRICAINE

Pour une politique étrangère souveraine donnant la priorité à l’harmonisation de nos relations avec les pays voisins et à l’intégration sous-régionale et continentale et privilégiant la paix, la coopération et l’amitié entre les pays et les peuples du monde et pour une intégration africaine bâtie sur le renforcement des liens et des échanges entre peuples et pays africains.

Prenant conscience de la nécessité de renforcer la stabilité régionale et internationale qui doit guider notre politique extérieure, tout particulièrement dans notre voisinage immédiat, nous nous engageons :

· à promouvoir des alliances dynamiques avec nos voisins frontaliers, fondées sur les intérêts des populations et l’exigence de paix pour un développement durable ;

· à contribuer à la recherche d’une concertation permanente avec les pays africains pour renforcer la solidarité, la complémentarité et l’unité face aux autres blocs constitués ou émergents ;

· à oeuvrer à la démocratisation des organisations internationales, afin qu’elles jouent leur rôle dans la promotion de la justice, la paix et la sécurité au niveau international.

En ce qui concerne la monnaie régionale :

Nous nous engageons à oeuvrer à la promotion de politiques monétaires conformes aux exigences de notre développement économique et social.

Par ailleurs, nous nous engageons, en favorisant des politiques nationales monétaires et budgétaires vertueuses et convergentes, à oeuvrer à l’accélération du processus de création d’une monnaie sous-régionale unique, stable et crédible, dans le cadre de la CEDEAO.

En ce qui concerne les infrastructures :

Nous nous engageons à promouvoir l’accélération de la réalisation de réseaux et voies de communication entre les différents pays (transports, énergie, télécommunications, etc.) et à assurer l’entretien constant de l’existant.

X. SUIVI DES ENGAGEMENTS

L’initiative, le processus et les conclusions des Assises nationales sont désormais le patrimoine du peuple sénégalais.

Un Comité de suivi sera mis en place pour permettre à chacune des parties prenantes, aux citoyens et citoyennes de manière générale, de suivre et d’apprécier le respect de la Charte par les personnes, organisations ou institutions qui se seront engagées dans ce sens.

Chaque partie prenante, à quelque niveau de responsabilité où elle se trouve impliquée, devra faire montre d’attitudes et de comportements compatibles avec les principes, valeurs, règles et mesures contenus dans la présente Charte.

Le Comité de suivi veillera au respect scrupuleux des principes et règles définis dans la Charte et fera une évaluation périodique de leur mise en oeuvre.

Adoptée par l’Assemblée Générale des Parties Prenantes à Dakar le 16 mai 2009

Présentée à la plénière de restitution des travaux des Assises Nationales à Dakar, le 24 mai 2009

Edité par le Président des Assises Nationales

Newsletter Suivez Afrik.com sur Google News