Communication : les présidents africains devraient s’inspirer d’ex-présidents occidentaux


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Ils ont été présidents de grands pays. Aujourd’hui, ils mènent une retraite active. De Jimmy Carter à Georges W Bush en passant par Jacques Chirac (et même Mikhaïl Gorbatchev), ils donnent des conférences ici et là ou écrivent des Mémoires.

« Une fois qu’un homme a été président, il devient un objet de curiosité », observait Gerald Ford. Le 22 octobre dernier, à Montréal, George W. Bush a donné une conférence (« Conversation avec George W. Bush »), moyennant la somme de 140 000 dollars. Il a fait salle comble. Et, en attendant la publication de ses Mémoires, il parcourt le monde – en août dernier, il était en Corée du sud, où il avait pu mesurer son succès. C’est Bill Clinton qui avait donné le top départ des conférences grassement rémunérées. En sept ans, il a déclaré aux impôt plus de 95 millions de dollars, une somme qu’il n’aurait pas gagnée durant ses mandats et qui pourrait inspirer les présidents africains qui font du pouvoir un don du ciel ou de leurs ancêtres. Jacques Chirac, lui, ne s’est pas encore adonné aux conférences, mais ses Mémoires (éd. NIL, 2009) font fureur. Jamais il n’a été aussi populaire qu’après sa vie élyséenne : ni son renvoi devant la justice ni son récent dérapage à Bordeaux n’endiguent le fleuve de son succès. (Les Mémoires de Sarah Palin battent les records, mais ils ont l’inverse et il est à craindre qu’elle ne devienne jamais présidente des USA).

Comme l’analyse un politologue sénégalais, « la voix d’un homme politique éminent ne devient luxueuse qu’après avoir quitté ses fonctions. Aussi médiocre fut-il, sa parole est recherchée, chacun de ses mots est un réconfort. C’est valable aussi en Afrique ».

Trois bels exemples africains

Thabo Mbeki a compris l’importance des conférences. Dans un amphithéâtre plein à craquer, il a traîté avec brio des rapports Afrique-Chine. Il gagne en estime, ce qui ne l’était pas il y a deux ans. Il voyage et conseille. Plus que jamais, Abdou Diouf rayonne. Certes, il est à la tête d’une institution inutile, la Francophonie! Mais son succès ne se dément pas. Il suffit de se promener dans les rues de Montréal, Beyrouth, Casablanca, Reims, Paris, pour s’en convaincre. Si la stature et la réconnaissance internationnales suffisaient à (ré)conquérir le pouvoir, nul doute qu’il battrait Abdoulaye Wade en 2012, sans coup férir. Abdou Diouf manie mieux l’imparfait du subjonctif, il n’est plus friand de phraséologies stéréotypées… Docteur honoris causa de trois grandes universités!

Victimes de coups d’Etat, Ange Patassé, Marc Ravalomanana et Konan Bédier, eux, ne suscitent pas de « curiosité » parce qu’ils ont faim de pouvoir et de revanche. Ils ont tort ; ils devraient imiter Thabo Mbeki et Abdou Diouf, deux sémillants jeunes hommes (la jeunesse, c’est la quête de la lumière). Ange Patassé pourrait entamer ses conférences par les Coups d’Etat en Centrafrique… Marc Ravalomanna aborderait son parcours, De la mairie à la présidence par la révolte — imité par son successeur — ou De la nécessité pour un président de pays pauvre de s’acheter un avion personnel à plus de 60 millions de dollars… Konan Bédier n’aurait aucun mal à converser sur son impossible retour au pouvoir, tant Laurent Gbagbo semble se destiner à la présidence à vie…

A défaut des Conférences ou des Mémoires, ces présidents déchus pourraient s’inspirer de Jerry Rawlings. L’ancien président ghanéen représente son pays à l’étranger quand l’actuel président ne peut se déplacer. Ainsi a-t-il été la vedette à l’investiture de Denis Sassou Nguesso en août, à Brazzaville.

Les présidents en exercice y gagneront en estime

Sans doute s’accrochent-ils au pouvoir pour ses fastes, mais les présidents en exercice, très contestés et en mal de succès, gagneront gros en se retirant des affaires pour donner des conférences ou écrire leurs Mémoires. De par son caractère, Robert Mugabé remplira les salles avec comme thème : Comment j’ai nargué mes compatriotes et les Britanniques tout en chérissant les écrits de l’immense Doris Lessing… Pas de doute, en ancien avocat, Abdoulaye Wade enflammera les amphithéâtres ou les lecteurs en abordant sans détour la façon dont son fils bien-aimé dirigera le Sénégal… Idriss Deby sait que le pouvoir au Tchad ne tient qu’à un fil, les rebelles s’emparent parfois du palais présidentiel, il pourra en parler… Denis Sassou Nguesso maîtrise l’armée congolaise, il la connaît du bout des doigts. Le thème de ses futures conférences est tout trouvé : De l’inutilité des généraux au Congo. Ils sont pléthoriques, mais n’ont aucune mission importante à leur actif. Le succès de l’autre Françafricain, Paul Biya, est acquis, à condition de plancher sur ses vacances à 250 000 euros la semaine… Qui mieux que Mamadou Tandja magnifiera les référendums gagnés d’avance?… Thomas Sankara demeure dans les esprits, alors Blaise Compaoré pourra discourir sur la franche amitié (?) qui les liait… Jonas Savimbi paraissait un tigre en papier, Edouardo Santos séduira les auditoires en en riant… Une certitude : l’accomplissement d’une vie politique ratée passe aussi par une retraite active! Les présidents accrocheurs devraient y réfléchir.

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