La mairie de Paris en croisade contre la dépigmentation


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Paris est devenu un pionnier en matière de lutte contre la dépigmentation volontaire en menant une campagne une campagne de santé publique contre la pratique. Elle a lancé une opération de sensibilisation à destination des personnes d’ascendance africaine dans le 10e, le 18e et le 19e. Il n’est pas question de stigmatisation mais d’alerter sur l’usage de produits dangereux et souvent illicites dans ces arrondissements.

Paris fait campagne contre l’usage des produits éclaircissants. Et les affiches placardées dans les rues dépeignent sombrement leurs effets. La mairie de Paris a lancé la semaine dernière une campagne contre la dépigmentation volontaire dans les 10e, 18e et 19e arrondissements qui seraient « les plus touchés ». Beaucoup d’échoppes localisées dans ces arrondissements disposent d’une large offre de produits dépigmentants qui attirent, entres autres, des clients – femmes et hommes – d’origine africaine. La campagne les concerne en premier lieu. « A Paris, on estime qu’environ 20% des femmes adultes africaines ou d’origine africaine, qui viennent consulter, sont utilisatrices régulières d’éclaircissants », explique Antoine Petit, dermatologue spécialiste de la dépigmentation volontaire à l’hôpital Saint-Louis à Paris. Si « aucune estimation sérieuse » n’est disponible, selon le médecin, « les similitudes constatées en région parisienne, dans les villes européennes et dans certaines métropoles africaines » font des études d’un autre expert, le dermatologue français Antoine Mahé, «le seul travail sérieux». Il a été réalisé à Dakar au Sénégal où les dermatologues travaillent depuis plusieurs années sur la question en Afrique francophone. « Entre 53 et 57% des motifs de consultation, sur 670 en centre de dermatologie, étaient directement liés à l’utilisation des produits ».

Prévention et proximité

Une campagne de santé publique, la manière la plus adéquate, pour défendre les populations contre les risques auxquelles elles s’exposent en utilisant des produits éclaircissants. « La première inégalité en matière de santé est celle devant l’information », souligne Judith Herpe, chef de cabinet de Jean-Marie Le Guen, adjoint au maire de Paris chargé de la santé publique et des relations avec l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP). « La dépigmentation est un phénomène qui concerne toutes les classes sociales, mais à Paris, elle concerne particulièrement des personnes qui souffrent d’autres formes de précarité », précise la chef de cabinet. La démarche de la municipalité parisienne est de toucher toutes les personnes impliquées : victimes, celles en passe de le devenir, médecins et plus largement professionnels de la santé. Ces derniers ont suivi une formation quelques semaines avant le début de la campagne. Ils étaient environ une centaine à participer à ces sessions animées par Géraldine Marx et son confrère Antoine Petit. Beaucoup de médecins n’ayant pas la capacité de lier des stigmates et des pathologies à la dépigmentation par méconnaissance de la pratique.

Par ailleurs, Paris s’appuie sur les centres de santé et son réseau associatif pour porter le message de prévention au plus près des populations ciblées. Elle a notamment fait appel à l’Unité d’action et de réflexion des communautés africaines (Uraca), association de migrants, implantée dans le quartier de la Goutte d’Or dans le 18e et dont l’expertise en matière de santé communautaire est reconnue. A l’origine de cette opération de sensibilisation inédite contre la dépigmentation volontaire dans la capitale française, Ian Brossat, élu communiste de 18e arrondissement. Fin 2008, il dépose un vœu, voté à l’unanimité, au Conseil de Paris. «Ce qui m’a frappé, c’est qu’on a dans notre arrondissement ces produits extrêmement dangereux qui sont en vente partout. Mais jamais cette affaire n’a fait l’objet d’une campagne, d’une intervention des pouvoirs publics. Si la répression est nécessaire, on ne pas s’en contenter. On a besoin de s’adresser aux femmes et aux hommes qui achètent ces produits. »

Pas de stigmatisation

Prévention et répression vont aujourd’hui de pair, notamment avec le démantèlement, rendu public l’été dernier, d’un réseau illégal de vente de crèmes éclaircissantes. Le résultat de longues enquêtes qui se poursuivront, assure Dominique Demangel, adjointe du maire du 18e en charge de la Caisse des écoles, de la restauration scolaire et de la santé.

La campagne d’affichage de la mairie de Paris rentre dans sa deuxième semaine. L’étape suivante pour Ian Brossat : « continuer à Paris et élargir parce que le problème se pose dans d’autres villes de France. Il faudra que l’Etat s’en mêle et lance sa propre campagne de prévention. » C’est ce qu’espère également Isabelle Mananga-Ossey, la présidente de l’association de consommateurs Label Beauté Noire (LBN) qui a participé à l’élaboration de cette action de sensibilisation. Sa structure a vu le jour en 2004, à Evreux, cause des conséquences de la dépigmentation. Une pratique qui n’est pas l’apanage des personnes originaires d’Afrique, blanches ou noires. L’Asie est le premier continent où l’on se dépigmente. « L’idée n’est pas de stigmatiser les personnes qui utilisent ces produits, mais les produits eux-mêmes, en particulier les plus dangereux, souligne Ian Brossat. C’est tout l’enjeu de cette campagne. »

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