Fin de la grèveTotal au Burkina Faso


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Yacouba Ouédraogo

Après plus de trois semaines de grève, les travailleurs de Total Burkina ont mis fin à leur mouvement, lundi. A l’issue d’intenses négociations menées les 14 et 15 mai par la direction générale du travail, Total Burkina a accédé à presque toutes leurs revendications, sauf la réintégration de leur porte-parole licencié, Yacouba Ouédraogo. Il a, selon toute vraisemblance, été sacrifié sur l’autel des accords.

Notre correspondant au Burkina Faso

Selon les termes de l’accord, la reprise du travail est subordonnée à l’abandon par la direction de Total Burkina des sanctions administratives qui pesaient sur les travailleurs grévistes. En outre, la direction devra, au plus tard le 30 septembre 2009, adopter une grille salariale et indemnitaire qui sera effective dès le 1er octobre de l’année en cours. L’accord engage également Total Burkina à adopter un outil de gestion des ressources humaines conforme à l’esprit du Code du travail burkinabè et à ouvrir une discussion pour l’amélioration de la prime de résultat à compter du budget 2010, en ligne avec la performance de l’entreprise. Total Burkina s’engage aussi à créer un cadre de dialogue social avec les représentants de ses travailleurs.

Yacouba OuédraogoCependant les négociations n’ont pas permis la réintégration de Yacouba Ouédraogo, le délégué licencié. La direction de Total Burkina maintient sa décision qui aurait été prise depuis le siège du groupe, à Paris. Elle réaffirme, cependant, sa proposition d’indemniser le délégué licencié en lui octroyant 36 mois de salaire.

Le délégué du personnel sacrifié

Alors que les collègues de Yacouba Ouédraogo avaient fait de sa réintégration un préalable à toute reprise du travail et à toute négociation, ils ont été contraints de faire machine arrière. Sans doute intimidés par la venue de travailleurs intérimaires et, surtout, l’inertie du gouvernement burkinabè, ils ont préféré répondre à l’appel de pied que leur avait lancé la direction du groupe pétrolier français. En effet, Thibault Flichy, son directeur général intérimaire, promettait l’absolution aux autres grévistes s’ils reprenaient le travail. La contrepartie semble être le sacrifice du porte-parole.

La manœuvre a fonctionné. La solidarité de façade qui s’était érigée autour de lui, s’est écroulée. « Nous n’avons pas abandonné notre camarade. Nous avons sauvé l’essentiel », s’est défendu le 2e secrétaire général adjoint de la Centrale Générale des Travailleurs du Burkina, Bassolma Bazié. L’intéressé lui-même réfute l’idée de sacrifice. Dans une interview accordée au quotidien en ligne fasozine, il n’a pas caché son amertume quant à son licenciement. Il a salué la solidarité et la détermination exemplaires de ses camarades pour sa cause.

Le début du feuilleton judiciaire bientôt

Avec la reprise du travail sans son réadmission dans la famille Total, son dossier quitte la rue et la une des médias pour cheminer vers les couloirs du tribunal de travail. C’est du reste la voie que le ministère du travail a semblé lui suggérer. Dans un communiqué publié le 15 mai, il rappelle que Yacouba Ouédraogo n’avait pas encore épuisé les possibilités que lui offre la législation nationale en termes de voies de recours de droit. Déjà, la CGTB, appelée à la rescousse, promet de saisir l’Organisation internationale du travail (OIT) pour faire respecter la convention n°87 de ladite organisation sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical (1948).

On imagine déjà le début d’un long feuilleton judiciaire entre les avocats de la société française et ceux du délégué du personnel. « Je suis très confiant. Je pense que j’ai fait purement et simplement mon travail en tant que porte-parole des délégués du personnel. C’est un licenciement abusif, et nous savons que le dossier va aboutir » a affirmé le délégué licencié. Mais cela reste à voir. En attendant, il peut s’enorgueillir d’avoir fait bouger Total Burkina sur des certitudes et des méthodes établies il y a 50 ans. Plus rien ne sera comme avant. Peut-être.

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