« Métro » : l’érotisme censuré


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Métro, le premier roman graphique en langue arabe, n’est pas passé inaperçu en Egypte. Le dessinateur, Magdy el-Shafee, accusé d’atteinte aux bonnes mœurs, doit comparaître, samedi, devant la justice. Son roman, qui mêle dialogues crus et images érotiques, a fortement déplu aux autorités égyptiennes. Depuis quelques années, les atteintes à la liberté d’expression se multiplient dans ce pays dirigé d’une main de fer par Hosni Moubarak.

P1v.jpgLa liberté d’expression en Egypte, une énième fois bafouée. Magdy el-Shafee, le dessinateur de Métro, le premier roman graphique en langue arabe, comparaîtra, samedi, devant la justice égyptienne pour « offense à la morale publique ». Faits reprochés : insultes, dialogues sur le sexe, violence, et images érotiques. A savoir, un couple faisant l’amour… sous une couverture. Bref, rien d’irrévérencieux. « Ce qui choque, ce n’est par le roman en lui-même mais son accessibilité», explique le dessinateur au quotidien dubaiote The National, daté du 17 avril. « Tout le monde peut le lire, peut le comprendre, la jeunesse désabusée égyptienne peut s’identifier au protagoniste », précise-t-il. Dans un langage emprunté à la rue, le roman raconte l’histoire de Shihab, un informaticien plongé dans un « Caire moderne, touché par l’insécurité sociale et financière » qui décide de braquer une banque pour s’acquitter de ses dettes auprès de fonctionnaires corrompus.

Une histoire qui a fortement déplu aux autorités égyptiennes. Le 6 avril 2008, les bureaux de Dar el-Malamaeh, la Maison d’édition de Métro au Caire, ont été mis à sac par la police. Toutes les copies du livre, appartenant à Magdy el-Shafee, ont été confisquées. Les libraires ont été sommés d’enlever le roman de leurs rayons et de leurs systèmes de gestion des stocks informatiques. Et pour finir, le dessinateur et son éditeur, Mohammed Al-Sharqawi, ont été arrêtés pour atteinte aux morales publiques.

Le phénomène « Hesba »

La controverse avait commencé au printemps dernier quand Saleh al-Derbashy, un avocat égyptien, avait déposé une plainte contre M. el-Shafee. « Dans ce roman, il est fait mention de l’homosexualité. De plus, les auteurs incriminent la police en affirmant que celle-ci ne respecte pas les droits de la population. Métro invite à l’anarchie », explique-t-il au quotidien The National. Saleh al-Derbashy n’en est pas à son coup d’essai. Il aurait fait condamner à la prison, en juin 2006, deux journalistes, dont le rédacteur en chef du journal Al-Dustour, pour insulte au président et diffusion de fausses rumeurs. Pour Gamal Eid, le chef du Réseau arabe pour les Droits de l’homme, M. al-Derbashy est un « hesba », un qualificatif créé en référence à un concept présent dans la Sharia qui oblige le fidèle « à imposer le bon et interdire le mal » dans leur communauté.p2.jpg

La liberté d’expression bafouée

Selon le site internet libanais Menassat, la maison d’édition aurait eu, durant cette période, d’autres activités. Dar el-Malamaeh a été dirigé par l’ancien activiste politique et bloggeur Mohammed Al-Sharqawi, arrêté puis enlevé en mai 2006 pour avoir relayé sur internet les protestations de l’opposition égyptienne, et appelé à la grève du 6 avril 2008, jour de son arrestation et de la « visite » de la police dans ses bureaux.

Même si l’Egypte a signé un accord international sur les droits civils et politiques, qui garantit à chacun le droit de la liberté d’expression, ce genre d’affaires reste très fréquent dans le pays. La semaine dernière, la justice a annulé la licence d’un magazine littéraire pour avoir publié, il y a deux ans, le poème de Helmy Salem intitulé « le balcon de Laila Mourad », une vedette égyptienne des années 40. Ce texte avait été qualifié de « radotage présomptueux » par le juge.

« Le mouvement du 6 avril »

p3.jpgLe 6 avril dernier, une manifestation contre le régime de Hosni Moubarak avait été lancée sur Facebook par un groupe de jeunes activistes formé en 2008, « le mouvement du 6 avril » dont faisait partie Al-Sharqawi. Tous demandaient une revalorisation du salaire mensuel minimum et une refonte démocratique de la constitution du pays. Trente-deux personnes ont été interpellées en une semaine pour leur soutien à l’appel à la grève, dont un jeune blogueur.

Entre fatwas et procès iniques, le gouvernement peut se targuer d’avoir multiplié, ces dernières années, ses attaques à l’encontre des journalistes égyptiens. Selon le classement mondial de 2008 effectué par Reporters sans frontières, le pays se trouverait à la 146ème place, derrière la Tunisie (143), le Maroc (122) et l’Algérie (121). Un chiffre sur lequel le président égyptien, Hosni Moubarak, devrait méditer.

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