Cheick Modibo Diarra, un enfant du Mali parti à la conquête de Mars


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Faire entendre la voix du continent dans la recherche de pointe : c’est la tâche que s’est fixé le Sommet Africain de la Science et des Nouvelles Technologies (SASNET), une nouvelle institution qui a son siège au Gabon. Lors de ses assises fondatrices en novembre 1999 à Libreville, l’organisme a choisi pour président un célèbre scientifique de la NASA, Cheick Modibo Diarra. Portrait de cet ancien gamin du Mali qui a piloté les sondes à travers la galaxie.

Grand, imposant, sourire généreux sous sa barbe poivre et sel, Cheick Modibo Diarra sait faire partager sa passion pour les sciences en général et l’aventure spatiale en particulier. La mission « Mars Pathfinder » l’a fait connaître dans le monde entier. Il a été le navigateur en chef de la sonde de la NASA qui a déposé le 4 juillet 1997 un petit robot mobile sur la planète rouge. Il a été aussi chargé par l’agence spatiale de populariser le projet auprès des élèves, des enseignants et plus généralement des contribuables américains. C’est lui aussi qui présentait l’opération sur Internet : avec 100 millions de connexions, le premier jour ouvrable après l’atterrissage, celle-ci a pulvérisé tous les records.

Rien ne semblait prédisposer à un tel parcours l’enfant né au Mali en 1952 d’un père commis de l’administration coloniale. Dans un livre autobiographique « Navigateur interplanétaire », Cheick Modibo Diarra raconte comment il est passé des bords du Niger au « Jet Propulsion Laboratory » (JPL) de la NASA, à Pasadena (Californie). Ce n’est pas l’itinéraire d’un « premier de la classe », mais celui d’un gosse turbulent, puis d’un étudiant boursier en France qui rate ses examens ou néglige de les passer. « J’étais un élève brillant, mais désorganisé. J’ai voulu montrer aux lecteurs que si moi, qui suis d’une indiscipline notoire, j’ai fait cela, eux peuvent faire mieux », explique-t-il avec simplicité.

Selon une pratique ancestrale, le jeune Modibo n’a pas été élevé par sa mère, mais confié à l’aînée des quatre épouses de son père, Binta. « Tata », comme il l’appelle, le chérit comme « le bien le plus précieux de la terre ». C’est à elle qu’il dit devoir sa joie de vivre, la confiance qu’il a dans les hommes et dans l’avenir. Un formidable atout dans une vie qui n’est pas toujours facile.

Navigateur interplanétaire

L’enseignement qu’il suit au lycée technique de Bamako, puis en France est trop théorique à son goût. Le véritable déclic vient plus tard. A l’université Howard de Washington où il avait pourtant posé sa candidature presque « comme un gag », à l’occasion d’un voyage aux Etats-Unis. Inscrit en mécanique spatiale, il découvre là d’autres méthodes, davantage basées sur l’expérience. La NASA le repère. En 1988, le centre de Pasadena lui offre deux emplois : il choisit « navigateur interplanétaire ». Pour la beauté du titre, dit-il, qui le remplissait « d’une jubilation si intense qu’aujourd’hui encore, malgré toutes ses années écoulées, elle n’est pas tarie ». Le navigateur guide la sonde à travers les espaces sidéraux, en calculant la trajectoire du petit engin. Cheick Modibo Diarra a donné sa pleine mesure dans cette tâche où on doit faire ce qui n’a jamais été fait.

Aujourd’hui, il a arrêté la navigation pour d’autres aventures, toujours au sein de la NASA. Il est notamment chargé de la rénovation de l’enseignement des sciences aux Etats-Unis. Il n’a pas, pour autant, oublié ses racines africaines. Nommé ambassadeur de bonne volonté de l’UNESCO, il a également créé la « Pathfinder foundation » qui oeuvre en faveur de la recherche et de l’enseignement scientifique en Afrique subsaharienne. Fondation qui a organisé avec l’UNESCO le premier sommet africain de la science et des nouvelles technologies.

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Sylvaine Frézel

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