De la crise immobilière à la hausse du taux de mortalité en Afrique


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Marchés de l’immobilier en surchauffe dans les pays riches et sort des nouveau-nés dans les pays pauvres… un phénomène influera inévitablement sur l’autre si la récession internationale se poursuit, à en croire la Banque mondiale, qui a écrit qu’un effondrement de la croissance économique en Afrique risquait de se transformer en un « effondrement humain ».

Selon la définition des économistes, on parle d’effondrement de la croissance lorsque les revenus nationaux diminuent pendant trois ans ou plus, entre autres facteurs.

En étudiant diverses données relatives à l’économie, à la santé et à la gouvernance dans 45 pays d’Afrique subsaharienne entre 1975 et 2005, Jorge Arbache, économiste principal à la Banque mondiale, a découvert qu’au cours des effondrements économiques pluriannuels, les décès de nourrissons augmentaient de près de trois pour cent, en moyenne, passant de 86 à 114 décès pour 1 000 naissances vivantes.

Selon les estimations de la Banque mondiale, quelque 28 millions d’enfants naissent en Afrique chaque année, ce qui représenterait jusque 700 000 décès supplémentaires dus à la récession, elle-même en partie causée par les prêts immobiliers à risque contractés aux Etats-Unis, selon M. Arbache.

« Le lien entre les prêts immobiliers et la mortalité n’est pas évident, mais la conclusion est indéniable », a-t-il dit.

Selon l’économiste, les conséquences qu’aura la récession sur les pays les plus pauvres d’Afrique ont été sous-estimées. « Oui, ils sont relativement plus protégés des marchés internationaux, mais le fait est que l’Afrique subsaharienne est d’autant plus vulnérable qu’elle dépend des fonds étrangers. L’augmentation des cas de décès chez les nourrissons ne sera pas immédiate, mais une mortalité accrue est inévitable dans le climat économique actuel ».

Pour M. Arbache, toutefois, 700 000 décès de nourrissons est une estimation élevée : la récession internationale n’est pas aussi grave que les guerres d’indépendance qui ont mis à mal les économies subsahariennes dans le passé, et des progrès ont été accomplis dans le domaine des soins de santé.

Mais même selon des estimations plus prudentes, « quelque 200 000 bébés de plus risquent de mourir en Afrique subsaharienne cette année, en raison des retombées de la crise économique », a indiqué l’économiste.

« Je sais que ces temps-ci, les économistes ont l’air de tout mettre sur le compte de la récession », a déclaré M. Arbache. « Mais des preuves historiques démontrent que les périodes de décélération [crise économique] qui durent dans le temps ont des conséquences directes sur la gouvernance, les petits conflits, la durée de vie, et aussi la mortalité ».

Revenus

Selon M. Arbache, à mesure que le chômage augmente dans les pays où des immigrés travaillent pour envoyer des fonds chez eux, les revenus des familles d’Afrique subsaharienne qui « survivent à peine » vont continuer de diminuer.

En 2008, les habitants d’Afrique subsaharienne ont reçu 20 milliards de dollars de fonds envoyés de l’étranger, dont la moitié au Nigeria. C’est-à-dire un milliard de dollars de plus que l’année précédente, mais bien moins que les 44 pour cent de croissance observés entre 2006 et 2007.

Les revenus moyens ont augmenté de deux pour cent en Afrique subsaharienne, grâce à la découverte de ressources minérales et pétrolières dans les pays riches en ressources, depuis 2000-2006, contre une chute de 0,7 pour cent au cours des 10 années précédentes, selon la Banque mondiale. « Mais avec la récession, nous devrons revoir nos prévisions en matière de revenus. Un ralentissement a [déjà] commencé à être observé sur les marchés des biens », selon M. Arbache.

Commerce

L’exploitation des mines de cuivre zambiennes, la production pétrolière en Angola et en Guinée équatoriale, et le secteur émergent du coton bio ont déjà subi les conséquences d’une réduction de la demande dans les pays à revenus élevés, selon les rapports publiés dans ces secteurs et d’après les informations communiquées par le Fonds monétaire international.

De vastes débats législatifs ont eu cours pour déterminer dans quelle mesure le plan de relance américain, de plusieurs milliards de dollars, devrait prévoir l’utilisation d’acier et d’autres matériaux fabriqués aux Etats-Unis pour la construction de nouveaux ponts et de routes.

Cette clause s’est attiré les foudres des défenseurs du libre-échange, selon lesquels le protectionnisme nuira à la fois aux Etats-Unis et à ses partenaires commerciaux.

Aide humanitaire

En 2005, les populations du Cap-Vert ont reçu, en moyenne, 314 dollars d’aide publique au développement (ODA) par personne, tandis qu’en République démocratique du Congo (RDC), l’ODA atteignait 362 dollars par habitant, selon l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).

« L’aide a permis de soutenir certains progrès sociaux observés [en Afrique subsaharienne] ces 10 dernières années. Quand ces fonds se raréfient, ces progrès sont menacés », a expliqué M. Arbache à IRIN.

« L’effondrement de la croissance économique [en Afrique subsaharienne] peut représenter plus qu’une récession financière : il peut être mortel », a averti M. Arbache.

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