Dépravation des moeurs au Cameroun


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Dans la capitale économique camerounaise, Douala, le carrefour « J’ai raté ma vie » et « la Rue de la joie » ont un point commun : les centaines de bars jonchent les routes de gauche à droite. Ils sont ouverts 24 heures sur 24, et l’on y pratique le commerce clandestin du sexe.
De mémoire de Camerounais, ces quartiers ont reçu leur nom de baptême à cause de ces nombreux bars qu’on y trouve et de la dépravation des mœurs.

Notre correspondante au Cameroun

A l’origine, le carrefour « J’ai raté ma vie » s’appelait « Rue non glacé », à cause des bars qui y existaient, mais ceux ci n’offraient pas des boissons rafraîchissantes du fait de l’absence du courant électrique dans le quartier. Les réfrigérateurs et les congélateurs ne pouvaient pas jouer leur rôle, et les tenanciers de bars offraient des boissons chaudes aux clients.

La construction de la première route par les Chinois à Douala a entrainé l’ouverture de nouveaux bars, auberges et motels, très vite le lieu est devenu célèbre pour les disciples de Bacchus.
Des jeunes filles et des jeunes hommes désœuvrés viennent ici dans l’espoir de changer leur vie. La devise ici est « sexe – bière – viande ». Lorsqu’on interroge ces jeunes sur leur comportement insouciant, leur réponse est simple : « Laissez-moi tranquille, j’ai raté ma vie ». Une sorte de désinvolture qui montre qu’ils n’ont plus rien à perdre ou à gagner.
Les populations ont adopté cette expression pour désigner le quartier qui porte bien son nom. Désormais, c’est un lieu de déperdition où l’on rencontre des prostituées, des braqueurs, des soulards…

Jeunes filles en perdition

Les filles de 12 ans sont à la merci de n’importe qui. Il suffit d’arriver à leur adresser la parole et la conversation s’achève dans une auberge. La fille repart avec 1000 ou 1500 francs CFA, l’homme la tête vidée de toute la pression de la journée et le cœur léger!
Les jeunes filles qui ont « raté leur vie » sillonnent les bars à longueur de journées et toute la nuit. Leurs cibles premières sont les bars ayant des chambres de passage pour donner du plaisir à ces hommes prêts à payer.
Victor est élève en cour du soir, et le jour il vend des cigarettes. Son panier de cigarettes sur la tête, il déambule dans la rue « j’ai raté ma vie ». « Quand on rencontre une femme dans cette rue, quelque soit ce qu’elle fait, la première idée qu’on a d’elle est négative » dit-il.

Les noms des établissements de plaisir sont divers : « Pharmacie bar », « le ministère de l’ambiance », « Betacam », « Folklore », « Tour Eiffel Club », « Flotambeau », « Grand Bateau », « Métro bar »… Dieudonne Abdoulai est vendeur au bar « Sokas ». « Nous repoussons les filles de rue ici, leur habillement seul nous amène à les tenir loin de notre bar. D’ailleurs, nous avons parfois des affrontements avec elles », déclare-t-il.
Tous ceux qui viennent ici sont « fichés », on a une idée négative d’eux. Dieudonné affirme que ceux qui viennent au carrefour « J’ai raté ma vie » ont véritablement raté leur vie.
Les filles sont perdues et elles n’ont personne pour les orienter. Elles sont laissées à elles-mêmes et suivent leurs amies.
La nuit, ces filles mettent des tenues qui ne laissent pas seulement deviner leur forme mais dévoilent carrément toute leur intimité.

Le préfet du département du Wouri sévit

A la « rue de la joie », à Deido, c’est le même scénario. Ici, c’est le lieu de rencontre de ceux qui veulent mettre un peu de piment dans leur vie.
On rencontre ceux qui viennent noyer leurs soucis dans un verre ou une bouteille de bière accompagnés d’un plat de poisson braisé.
La soirée s’achève souvent dans l’auberge du coin ou dans une chambre du bar. Selon un tenancier, il y a ici comme au carrefour « J’ai raté ma vie », des filles qui font une semaine sans retourner chez elles. Elles ont raté leur vie, mais grâce à ce commerce du sexe, certaines ont pu envoyer leurs enfants en Europe. D’autres entretiennent leur famille avec cet argent.
A la « rue de la joie », on est toujours joyeux. Il y a de la musique dans tous les coins. On danse sur les trottoirs. Parfois, les véhicules n’ont pas de place pour circuler. La population paraît allègre devant l’illusion que tout va bien.

Il y a quelques semaines, le préfet du département du Wouri, à Douala, Bernard Okalla Bilaï, a pris la décision de fermer ces débits de boisson et ces commerces du sexe.
La décision n’a pas rencontré l’assentiment de tout le monde. Beaucoup considéraient déjà « la rue de le joie » et « le carrefour j’ai raté ma vie » comme leurs lieux de service.
La fermeture des bars et auberges va changer l’aspect de ces quartiers, et les riverains en sont heureux. Les tenanciers des bars et auberges ont eu une rencontre avec Bernard Okalla Bilai, préfet du Wouri.
Mais il a tout de même ordonné la fermeture de ces lieux de jouissance.
Une partie de la population demande même que le nom des rues soit changé. Le carrefour « J’ai raté ma vie » doit être rebaptisé « Rond point chinois » car c’est la première rue et le premier rond point construits par les Chinois. « C’est une rue belle et éclairée », dit Dieudonné Bilai.
En attendant, on continue d’aller au carrefour « J’ai raté ma vie » et à la « rue de la joie » pour changer de vie, noyer les soucis, le temps d’une bonne bière ou de quelques heures de bon temps avec les « belles de nuit ».

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