Javier Solana : l’Europe fait « tous les efforts pour contribuer à la stabilisation » de la RDC


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Javier Solana, le Haut représentant pour la politique étrangère et la sécurité commune (PESC), le chef de la diplomation européenne, était l’invité ce vendredi soir du « Talk de Paris », émission diffusée sur la chaîne française d’information en continu France 24. Il est revenu sur la crise dans l’Est de la République démocratique et les pistes que l’Europe envisage pour apporter une aide d’urgence aux populations. Extrait de son entretien avec Ulysse Gosset.

Par France 24

Javier Solana, 66 ans, a été ministre des Affaires étrangères dans le gouvernement socialiste de Felipe Gonzalez. Il a été également secrétaire général de l’OTAN.

Nous allons (…) parler de cette crise au Congo qui rappelle de forts mauvais souvenirs. On se souvient des 800 000 tutsis mots en 1994, un génocide terrible. Et là on voit que la guerre a de nouveau éclaté depuis quelques mois. La rébellion s’apprête à contrôler l’une des villes du nord-est du Congo. D’abord, qu’est-ce que vous avez à nous dire sur cette rébellion et quelle est la position de l’Europe face à ces rebelles qui menacent de déstabiliser à nouveau le pays ?

Javier Solana :
La position de l’Europe est très claire : il y a eu aussi des résolutions du Conseil de Sécurité qui dénoncent la violence. Et c’est la position que nous maintenons. Nous faisons tous les efforts pour contribuer à la stabilisation de la région. Nous sommes très engagés dans la République Démocratique du Congo. Nous nous y sommes engagés à plusieurs reprises, y compris dans des opérations de nature militaire.

Est-ce que vous pensez qu’il y a un vrai risque de déstabilisation régionale, et même d’une guerre régionale avec l’implication directe du Rwanda ?

Javier Solana :
J’espère que non. J’espère que le Rwanda continuera à ne pas être engagé directement. Et j’espère que la communauté internationale, les Nations Unies, seront capables de gérer la situation pour éviter l’extension du conflit.

C’est une zone extrêmement sensible, rappelons-le. Là-bas il y a de très riches minerais. Les Américains sont présents, les Chinois sont présents, et, bien entendu, les Français et les Européens le sont aussi. C’est une menace réelle. Alors comment doit réagir l’Europe ? Que peut faire l’Europe pour éviter que ces combats ne dégénèrent et qu’à nouveau des centaines de milliers de personnes se retrouvent sur les routes du Congo ?

Javier Solana :
Je crois que nous devons travailler sur des pistes. La question humanitaire est la piste la plus urgente. Il y a eu le cessez-le-feu. Espérons qu’il tienne. En ce moment, la question humanitaire est la question la plus importante. Il y a des déplacés, il y a des réfugiés, et il y a des problèmes humanitaires de grande portée. Donc nous faisons tous les efforts pour faire parvenir l’aide humanitaire. C’est dans cette direction que nous concentrons tous nos efforts. Ensuite, ou plutôt en parallèle, il faut faire tous les efforts de nature politique. Il faut voir comment les 2 dirigeants, Monsieur Kabila, le Président de la République Démocratique du Congo et le Président Kagamé, pourront se réunir et continuer à faire tous les efforts pour mettre en œuvre l’Accord de Nairobi. Il y a un accord. Mais il n’a jamais été mis en œuvre. Le temps est venu de commencer à faire tous les efforts pour le mettre en œuvre.

Qu’est-ce que vous lancez comme appel aux gouvernements de la région aussi bien au gouvernement du Congo mais aussi du Rwanda ?

Javier Solana :
Je crois qu’il faut faire l’appel à tous les pays de la région. J’ai parlé longuement avec le président de la République sud-africaine. L’Afrique du Sud est très engagée auprès de la République Démocratique du Congo.Il faut que tous les pays s’engagent pour éviter l’extension du conflit et pour (envisager) avec l’Union Africaine – je viens de parler aussi avec les responsables de l’Union africaine) – la manière d’arrêter les conflits aujourd’hui dans leurs dimensions humanitaire et sécuritaire, mais aussi sur le plan politique..

Selon vos informations, est-ce que le Rwanda est directement impliqué ? Est-ce que le Rwanda soutient les rebelles ?

Javier Solana :
Il y a des relations mais je ne peux pas dire (…) que le Rwanda est impliqué. Il y a des sympathies, il y a l’Histoire, mais je ne peux pas le dire de manière précise.

Vous avez rencontré à Paris, Bernard Kouchner, qui a proposé l’envoi d’un groupe « tactique », des militaires, donc, européens : entre 400 et 1 500 hommes. Est-ce qu’il y a effectivement une réflexion à Bruxelles pour envoyer pour l’Europe, des troupes et essayer de faire cesser les combats, séparer les adversaires et, surtout, protéger les réfugiés ?

Javier Solana :
La réflexion à Bruxelles vient de commencer. Comme je viens de le dire, la priorité est le problème humanitaire. Nous réfléchissons comment faire, en coopération avec les Nations unies. Pourquoi ? Parce que les Nations unies ont le mandat. Elles ont une force sur le terrain. Il y a 17 000 soldats sur le terrain. Il faut laisser les Nations unies s’en occuper avec l’aide des pays qui ne sont pas engagés maintenant sur place. Mais, d’abord l’humanitaire et, ensuite, contrôler la situation politique, aider à la solution politique, et reconsidérer après comment faire les choses pour éviter que la violence continue.

Mais « humanitaire » avec l’envoi de militaires sur place qui pourront donc faire les choses…

Javier Solana :
Humanitaire veut dire humanitaire : que l’aide arrive pour ceux qui en ont besoin.

Avec des soldats européens ?

Javier Solana :
On va voir comment. Si les forces de la Monuc déployées sur le terrain peuvent le faire, il faut les laisser le faire. Mais, en tout cas, nous utiliserons probablement des avions européens pour faire arriver l’aide humanitaire et, très probablement, pour garantir la sécurité à l’aéroport de Goma. C’est probablement l’aéroport le plus utile pour déployer l’aide humanitaire.

On peut imaginer effectivement, des envois d’avions européens à Goma, si l’aéroport est toujours sécurisé…

Javier Solana :
Si l’aéroport est ouvert, plusieurs pays Européens seront prêts à faire ça. Et ils sont déjà engagés du point de vue humanitaire. Mais il faut sûrement faire un peu plus d’effort pour faire arriver l’aide humanitaire aux citoyens déplacés. […]

(Pourquoi) les 17 000 soldats de l’ONU n’arrivent pas à empêcher la rébellion de reprendre les combats ?

Javier Solana :
Je crois que le mandat pour la force des Nations Unies, c’est le mandat du Conseil de Sécurité. C’est le mandat que nous leur avons donné, puisque plusieurs pays de l’Union font partie du Conseil de Sécurité. Les règles d’engagement sont claires aussi. Donc, ils font ce qu’ils ont à faire pour éviter la tragédie. Et j’espère que les Nations Unies continueront à séparer les combattants autant que possible, avec toute la volonté d’y construire la sécurité.

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