Paludisme en Afrique : « Nous avons beaucoup d’espoir »


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Awa Coll Seck :
Awa Coll Seck :

Roll Back Malaria est l’un des partenaires de la mobilisation contre le paludisme qui se tient à Paris du 9 au 28 septembre. L’organisme a été créé en 1998, pour appuyer et coordonner toutes les actions mondiales contre la pandémie. Il rassemble les pays d’endémie, leurs partenaires bilatéraux et multilatéraux en développement, le secteur privé, les ONG… Son objectif est de réduire de moitié le coût du paludisme d’ici à 2010. Dr Awa Coll Seck, sa Directrice exécutive, ancienne ministre de la Santé du Sénégal, revient sur l’état d’avancement de la lutte en Afrique.

Chaque année, entre 1 et 3 millions de personnes meurent du paludisme dans le monde. 90% de ces décès surviennent en Afrique subsaharienne qui compte à elle seule 60% des cas de contaminations. Les ravages de la maladie freinent considérablement les efforts de développement sur le continent. Dans les pays les plus touchés, le paludisme représente 40% des dépenses publiques de santé, et 25% des dépenses des ménages. Pour l’Afrique subsaharienne entière, la pandémie coûte 12 milliards de dollars US de PIB ce qui correspond à une perte de 1,3% de croissance. Les moyens, même s’ils sont encore insuffisants, existent aujourd’hui pour combattre efficacement la maladie. Décider, c’est vaincre, ensemble faisons du paludisme une maladie du passé, manifestation organisée par l’association les Amis du Fonds Mondial Europe (AFM Europe) à Paris, soutenue par le Fonds Mondial et Roll Back Malaria (RBM), se donne pour mission de contribuer à la mobilisation de toutes les ressources nécessaires à l’éradication de ce terrible mal.

Afrik.com : Quelle est la situation actuelle de la pandémie en Afrique ?

Awa Coll Seck : En Afrique, nous sommes toujours dans une situation très difficile. Il y a toujours autant de morts. Mais nous avons beaucoup d’espoir parce que nous avons vu des pays ayant obtenu des résultats probants grâce aux stratégies qui sont préconisées. Nous sommes donc sur une très bonne lancée. Pendant longtemps, les Etats ont trainé dans la mise en œuvre des recommandations, aujourd’hui ils s’engagent de plus en plus. Nous disposons aussi de beaucoup plus de moyens financiers et techniques. Nous restons donc très optimistes pour le futur.

Afrik.com : Le paludisme existe en Asie aussi. Mais c’est en Afrique qu’il fait le plus de victimes. Pourquoi ?

Awa Coll Seck : D’abord, l’Afrique compte le plus grand nombre de cas de contamination, soit 70% contre 20% pour l’Asie. Ensuite, les formes des parasites sont différentes. En Afrique, nous avons la forme la plus virulente : le plasmodium falciparum, alors qu’en Asie c’est le plasmodium vivax, moins dangereux, qui sévit. Par ailleurs, les victimes, sur le continent, sont notamment les enfants de moins de 5 ans et les femmes qui résistent moins à la maladie. En Asie, ce sont les adultes, or ceux-ci ne succombent pas facilement à la maladie. Tous ces facteurs font que l’Afrique compte le plus grand nombre de victimes c’est-à-dire le plus grand 90% des décès enregistré sur le plan mondial.

Afrik.com : Roll Back Malaria est partenaire de « Décider c’est vaincre, faisons du paludisme une maladie du passé », qu’attendez vous d’une telle mobilisation ?

Awa Coll Seck : Nous soutenons ce qui se passe ici aujourd’hui. Du fait que la France préside actuellement l’Union européenne, nous considérons cette mobilisation comme celle de l’Europe tout entière, pas de la France seule. Cela va donner beaucoup plus d’ampleur à ce qui se fait. Notre rôle est d’être à côté de toutes ces initiatives positives qui permettront d’augmenter la solidarité au plan international.

Afrik.com : Attendez-vous aussi des actions bien précises de la part de la France ?

Awa Coll Seck : Nous voulons que la France montre ce qu’elle fait aux autres pays européens, qui ne sont peut être pas au courant. Elle ne doit pas se contenter de dire nous sommes en avance par rapport aux autres parce que nous contribuons beaucoup à la lutte contre le paludisme. Aujourd’hui, nous disposons, sur le plan mondial, d’à peu près 1 milliard de dollars alors que nous avons besoin de deux à trois fois plus atteindre nos objectifs. La sensibilisation doit continuer et la France doit donner encore plus si elle veut que l’Afrique sorte du sous-développement puisque le développement et le paludisme sont liés. La France doit penser qu’elle ne pourra pas vendre massivement ses produits à un continent pauvre comme l’Afrique.

Afrik.com : Des manifestations similaires ont déjà été organisées par le passé, mais les résultats obtenus n’ont pas été à la hauteur des attentes. En quoi celle-ci serait-elle porteuse de plus d’espoir ?

Awa Coll Seck : Aujourd’hui nous sommes dans le cadre d’une mobilisation mondiale. Celle-ci, organisée par les Amis du Fonds Mondial Europe se déroule en amont de plusieurs autres événements qui vont suivre. Il y aura également le lancement d’un plan mondial pour lutter contre le paludisme. Il s’agit d’une partie prenante de tout un ensemble. L’impact devrait donc être plus important.

Afrik.com : En avril dernier, Ban Ki-moon, le secrétaire général de l’Onu, disait qu’il voulait mettre fin à l’hécatombe en Afrique en moins de 1000 jours, c’est-à-dire dans un peu plus de deux ans. Ce projet est-il réalisable ?
_ Awa Coll Seck
: Nous devons être ambitieux dans nos objectifs. Ce que Ban Ki-moon demande, c’est une couverture universelle de la pandémie. Cela correspond tout à fait à ce que nous préconisons. Nous, nous disons qu’il faut tout simplement de la volonté pour aller chercher les moyens d’atteindre ces objectifs. Si nous nous disons que c’est difficile nous n’arriverons jamais à rien.

Afrik.com : Vous avez été ministre de la Santé dans votre pays, le Sénégal. Quel rôle doivent jouer, selon vous, les gouvernements africains dans cette lutte contre le paludisme?

Awa Coll Seck : Les gouvernements africains doivent aussi faire de la lutte contre le palu une priorité. Imaginez, un dirigeant africain disant à un de ses homologues européens, sensibilisé par les ONG, qui lui parle de palu, que cette maladie n’est pas importante, vous voyez ce que cela peut entrainer ! Tous nos décideurs doivent donc avoir le paludisme comme une priorité. Il faut aussi qu’ils s’engagent concrètement dans la lutte contre le paludisme. Dans tous les pays où il y a des résultats aujourd’hui, c’est parce que le leadership a appuyé les actions menées sur le terrain.

Afrik.com : Les traitements à base d’artémisinine, les ACT, sont jugés comme les plus efficaces contre le Palu actuellement. Est-ce qu’ils fonctionnent aussi pour les enfants, les premières victimes la pandémie en Afrique ?

Awa Coll Seck : Les ACT sont très efficaces sur les enfants. Mais aujourd’hui leurs formes pédiatriques ne sont pas très développées. Ce qui fait qu’on est obligé d’écraser les comprimés avant de les donner aux enfants. Mais très bientôt il y aura une forme pédiatrique des ACT sur le marché.

Afrik.com : Les coûts des ACT ont certes baissé ces dernières années mais ils restent toujours élevés et donc inaccessibles aux populations les plus touchées. Que préconisez-vous contre ce problème?

Awa Coll Seck : Il y a des initiatives de subvention de ces traitements qui vont permettre d’atteindre les populations les plus démunies dans le secteur privé. Aujourd’hui, les gens vont à la pharmacie du coin quand ils sont malades mais le traitement coûte 5 ou10 dollars. Nous voulons que ce coût soit à 20 cents de dollars. Roll Back Malaria à démarré cette initiative et a passé le relais au Fonds Mondial pour qu’il appuie les pays et rende disponible des médicaments subventionnés pour les populations les plus pauvres.

Afrik.com : Où en sont les recherches sur le vaccin antipaludéen aujourd’hui ?

Awa Coll Seck : Les derniers tests réalisés au Mozambique ont montré une efficacité à 35%. Cela reste encore très insuffisant. Les recherchent se poursuivent.

Lire aussi :

Faire du paludisme « une maladie du passé »

Consulter :

Le site de RBM

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