Tchad : l’affaire Arche de Zoé, un sac de nœud politico-humanitaire


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Les seize personnes arrêtées, jeudi dernier, dans le cadre de l’enlèvement de 103 enfants tchadiens et soudanais par l’association « l’Arche de Zoé », attendent l’annonce de leur chef d’inculpation. Jugés selon le code pénal tchadien, ils risquent une peine de travaux forcés pour cette affaire qui met les autorités françaises dans l’embarras.

Les membres de l’association l’Arche de Zoé et deux journalistes, neuf français et sept espagnols, arrêtés jeudi pour « trafic d’enfants » ont vu leur garde à vue se prolonger de 48 heures, remettant à lundi soir l’annonce de leur chef d’inculpation.

De plus, l’interpellation dimanche du pilote belge, Jacques Wilmart, qui a acheminé les enfants depuis la frontière tchado-soudanaise vers Abéché porte à 17, le nombre d’Européens actuellement en garde à vue. Jacques Wilmart qui a affirmé samedi sur la radio française Europe 1, que les autorités tchadiennes étaient au courant du projet de l’Arche de Zoé.

L’Arche de Zoé dans la ligne de mire

Le gouvernement français a condamné l’opération d’évacuation des 103 enfants (81 garçons et 22 filles âgés de 1 à 9 ans) du Tchad vers la France, mise en place par l’Arche de Zoé. La secrétaire d’Etat des Affaires étrangères et des droits de l’Homme, Rama Yade, a dénoncé lundi, sur Europe1, les procédés de dissimulation employés par l’association au Tchad. Cette dernière utilisait comme nom d’emprunt « Children Rescue », ce que les familles françaises, chargées d’accueillir les enfants, ignoraient.

Rama Yade défend dans cette affaire l’action du gouvernement français qui avait eu vent de cette opération depuis juillet et avait, selon elle, tenté de dissuader l’organisation. Ainsi, a-elle déclaré à Europe1 : « On a alerté, on a prévenu, on a mis en garde. Nous avons saisi la justice. Que pouvions-nous faire de plus ?

De son côté, le président tchadien Idriss Déby a déclaré à la presse que l’opération d’évacuation des enfants était « un enlèvement pur et simple » et a évoqué l’idée d’ « un trafic d’organes ou de pédophilie ». Il a convoqué dimanche toutes les représentations diplomatiques, pour qu’elles puissent, explique une autorité locale, constater la gravité de la situation.

Bruno Foucher, l’ambassadeur de la France au Tchad, s’est rendu au centre d’Abéché où ont été accueillis les enfants. Interrogé par la presse tchadienne et internationale, il a repris les propos du président français Nicolas Sarkozy qui, condamnant l’opération de l’Arche de Zoé, l’a jugée « illégale et inacceptable ».

Les déclarations des différents intervenants français n’ont pas réussi à calmer la colère des assistantes sociale tchadiennes présentes lors de la visite de Bruno Foucher. « Le gouvernement français le savait, les militaires le savaient, ils sont tous complices », s’est exclamée l’une d’elles.

L’imbroglio tchadien

Du côté de l’Arche de Zoé, la défense s’organise. Selon l’association, les autorités françaises, au courant du projet, ne l’auraient pas interdit formellement. Plus surprenant encore, des militaires français basés à N’Djamena et Abéché auraient apporté une assistance logistique à Children Rescue. De quoi remettre en cause le rôle des autorités françaises.

Autre fait troublant, le Boeing 757 qui devait transporter les enfants vers la France a bénéficié d’une autorisation d’évacuation sanitaire et d’un plan de vol.

Me Gilbert Collard, avocat des membres de l’ONG a souligné lundi, lors d’une conférence de presse à Marseille, la « dimension politique de l’affaire ». Selon lui, le président tchadien « n’est pas favorable » à la force militaire Eufor Tchad-RCA, que doit déployer l’UE dans l’est du Tchad et dans le nord de la Centrafrique, afin de stabiliser des zones affectées par le conflit du Darfour. Cette affaire lui permettrait d’ « intervenir devant les autorités françaises pour avoir une monnaie d’échange ».

Rachel Sanchez la porte-parole du Collectif des familles pour les orphelins du Darfour, présente à la conférence de presse, a réfuté l’hypothèse de l’adoption. « En aucun cas, il n’y avait de garanties d’avoir un enfant si nous nous proposions comme famille d’accueil ». « Tout ce que nous voulions, c’était donner une chance à un enfant de vivre. Les accusations de pédophilie ou de trafic ne nous atteignent pas », a ajouté Christine Pelligat dont le mari fait partie des personnes interpellées.

Malgré l’importance de la mobilisation, des questions persistent. Comment l’Arche de Zoé a-elle pu berner les autorités françaises et tchadiennes ? Par quels moyens s’est-elle procurée un avion Transall de l’armée française pour transporter les enfants de N’Djamena, capitale tchadienne à Abéché et des tentes données par le Haut Commissariat pour les réfugiés de l’ONU ? Puissions-nous découvrir un jour tous les responsables de ce scandale politico-humanitaire.

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