L’Ethiopie entre dans le deuxième millénaire


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Cérémonie en Ethiopie
Cérémonie en Ethiopie

L’Ethiopie célèbre, ce mardi à minuit, son entrée dans le deuxième millénaire. Cette nation d’Afrique de l’Est utilise en effet le calendrier julien, décalé d’environ sept ans sur notre calendrier grégorien. L’historien éthiopien Kiflé Selassie revient sur quelques moments forts de l’histoire de son pays.

Addis-Abeba est au cœur de toutes les attentions. Ce mardi, à minuit (21h GMT), c’est dans la capitale éthiopienne que se tiendra la majeure partie des célébrations du nouveau millénaire – que fêteront les nations calées sur le calendrier julien. Pour que la fête se déroule au mieux, les forces de l’ordre sont à pied d’oeuvre pour assurer la sécurité. La ville s’est parée de ses plus beaux atours et quelque 5 700 sans-abri ont été temporairement délocalisés. A l’occasion de ce passage dans une nouvelle ère, Afrik a voulu revenir sur l’histoire du calendrier julien et sur quelques moments forts de l’histoire de l’une des plus anciennes civilisations. Pour remonter le temps, nous avons interviewé Kiflé Selassie, historien et président de l’Alliance culturelle pour le millénium éthiopien en France, une organisation non gouvernementale, apolitique et indépendante.

Afrik.com : Pourquoi avoir créé l’Alliance culturelle pour le millénium éthiopien en France ?

Kiflé Selassie : C’est une association de loi 1901 créée il y a cinq-six mois pour le nouveau millénaire éthiopien. L’objectif est de montrer pour cette occasion, et chaque année, ce qu’est la diversité culturelle de l’Ethiopie, de l’Afrique et de montrer que cette diversité est le lot de tous les pays du monde.

Afrik.com : Comment fonctionne le calendrier julien qu’a adopté l’Ethiopie ?

Kiflé Selassie : Le calendrier julien a été mis au point par l’empereur romain Jules César. Il se compose de douze mois de trente jours et d’un treizième mois qui compte six jours les années bissextiles et 5 le reste du temps. Ce calendrier, le seul qui était utilisé jusqu’à environ 1580, fait remonter la naissance du Christ au 1er septembre.

Afrik.com : Selon le calendrier grégorien que nous utilisons, le jour de l’an éthiopien tombe le 11 ou le 12 septembre…

_ Kiflé Selassie : Oui. D’ailleurs, cela a sauvé la vie de quelques personnes le jour des attentats sur les tours jumelles le 11 septembre 2001. Six Ethiopiens qui travaillaient dans les tours avaient fait la bringue le 10 et ne sont pas venus le lendemain matin au travail. En revanche, deux Ethiopiens qui travaillaient dans les cuisines et n’ont pas réveillonné la veille sont morts.

Afrik.com : Qu’est-ce qui a fait la force de l’Ethiopie au travers des millénaires ?

Kiflé Selassie : Les chrétiens, les musulmans, les Felashas… tous étaient acceptés dans le même espace car dans les croyances traditionnelles africaines on ne cherchait pas à convertir. Elles étaient des religions tolérantes, au contraire du christianisme, de l’islam et du judaïsme. Les protestants et les catholiques se sont battus 100 ans. Chez les musulmans ont connaît les problèmes entre chiites et sunnites, mais il y a aussi les wahhabites, les salafistes… En Afrique, l’attitude face aux croyances est laïque, notre conception des croyances est un peu ludique. Dans les pays du Nord on est plus sectaire, dogmatique.

Afrik.com : L’Ethiopie est le seul pays d’Afrique à n’avoir pas été colonisé. Comment l’expliquez-vous ?

Kiflé Selassie : On s’est battus ! Les autres pays aussi se sont battus, mais pas au même niveau. Les Anglais avaient colonisé le Kenya, le Soudan et le Somaliland et ont fini, en 1868, par arriver presque au Centre de l’Ethiopie. Le roi Théodoros II s’est suicidé. Les Anglais ont alors compris que s’ils restaient, ils seraient en difficulté. Alors ils sont partis. Quand le chef donne ainsi l’exemple, ça galvanise les troupes. Les gens se disent que si lui s’est suicidé, alors on peut bien se faire découper en rondelles. Pour ce qui est de l’Italie, en 1896, elle a voulu envahir l’Ethiopie à partir des côtes de l’actuelle Erythrée. Le roi Ménélik les a taillés en pièces. C’est la première défaite affligée par un pays non moderne à une armée de type moderne. Tant et si bien que l’Italie a eu du mal à digérer cette défaite.

Afrik.com : Elle a d’ailleurs occupé l’Ethiopie quatre ans…

Kiflé Selassie : En 1936 nous avons été victimes d’une agression fasciste de Mussolini. L’Italie a occupé quatre ans les villes, mais pas des campagnes, et a perdu en 1941. Il y avait une résistance dans le pays, mais nous n’avions pas les mêmes moyens qu’eux : nous n’avions pas d’aviation, pas d’armes chimiques. Ils ont utilisé du gaz moutarde, pour lequel l’Ethiopie a été un vaste terrain d’expérimentation. Un Ethiopien sur sept en est mort, sur une population de 15 à 20 millions de personnes.

Afrik.com : Quel type de résistance a permis la libération ?

Kiflé Selassie : Il y avait le marché noir, on s’approvisionnait comme on pouvait. La résistance interne a joué un grand rôle. La diaspora aussi : les Noirs américains, les Jamaïcains… qui tenaient à ce que le pays de la liberté reste libre. Si l’Organisation de l’Union Africaine (l’actuelle Union Africaine, ndlr) est basée à Addis-Abeba, c’est justement à cause de toute cette histoire et tout cet héritage.

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