Une manifestation pour la protection de l’environnement vire à l’émeute raciste en Ouganda


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Une marche appelée jeudi pour la protection de l’une des plus grande forêt d’Ouganda, contre des investisseurs sucriers d’origine indienne, s’est transformée en émeute raciste à Kampala. Un passant d’origine indienne a été lynché et deux autres personnes tuées par balles.

La manifestation appelée jeudi par Save Mabira forest, à Kampala, devait être pacifique. Le collectif souhaitait protester contre la vente de 7100 des 30 000 hectares que compte la forêt Mabira, au centre de l’Ouganda, à la Scoul (Sugar Corporation of Uganda), une compagnie sucrière appartenant au groupe d’origine indienne Mehta et à l’Etat. Les premières échauffourées ont eu lieu lorsque la police anti-émeute a tiré des gaz lacrymogènes pour empêcher les manifestants de dévier du parcours prévue, mais des députés de l’opposition qui prenaient part à la marche ont vite ramené le calme.

La situation a finalement dégénéré lorsque des manifestants brandissant des pancartes aux slogans racistes – « pour un arbre coupé, cinq Indiens tués », « les Indiens doivent partir » – s’en sont pris aux passants au faciès asiatique, explique le quotidien ougandais New Vision. En Ouganda, le terme Asians désigne indistinctement des Ougandais ou des migrants asiatiques originaires d’Inde, du Pakistan et du sous-continent indien, mais aussi de Grande-Bretagne ou encore du Canada.

Un passant essuie la colère de la foule

Une personne d’origine « indienne » qui circulait sur un taxi-scooter près de Clock Tower, le point d’arrivée de la marche, a été « battue par des manifestants et a succombé à ses blessures à l’hôpital », a déclaré à l’AFP le chef de la police à Kampala, Edward Ocwom. Il a subi la colère de la foule après que deux motocyclistes, eux aussi au faciès indien, ont blessé plusieurs personnes en tentant de fuir l’hostilité de certains manifestants. Les forces de police ont dû secourir une centaine d’individus réfugiés dans des bâtiments, dont une cinquantaine dans un temple hindou.

Au cours des violences, une personne suspectée de vol a été abattue par un garde de la compagnie de sécurité Securicor, actuellement entendu par la police. Un doute subsiste sur les conditions du décès d’une troisième personne, indique les forces de l’ordre. Une vingtaine de manifestants ont été arrêtés alors que l’armée a apporté son soutien à la police en déployant cinq véhicules blindés dans le centre de la ville.

Le projet confirmé

Certains citoyens nourrissent toujours du ressentiment à l’égard des Indiens et Ougandais d’origine « indienne » du pays, 35 ans après qu’Idi Amin Dada les a expulsés. Le dictateur africain avait pris cette décision, en 1972, dans le cadre de l’indigénisation de l’économie nationale. De leur domination économique, écrit Politique africaine, en 1999, « il résulta un groupe urbain très visible et socialement exclusif, dont le pouvoir économique était assimilé à la race. » Sur les 90 000 « Indiens » qui vivaient en Ouganda, près de 50 000 sont partis, selon la revue.

Après 1999, devant la pression des bailleurs de fonds et dans le cadre de sa stratégie de dérégulation du marché, Yoweri Museveni les a invités à revenir et leur a même restitué leurs biens. Près de 1000 sont revenus (ils sont appelés les returnees). Jeudi, New Vision indique que le président ougandais a confirmé son intention de permettre à Scoul d’étendre ses plantations de canne à sucre dans la forêt Mariba.

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