Qui a peur des sites communautaires ?


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En France, plusieurs sites de la diversité comptabilisent plus d’un million de visiteur unique par mois. Ils répondent aux aspirations d’une grande partie de la population que les médias grands publics ne savent pas combler. Cependant, ils restent absents des plans médias des grands annonceurs. Comment renverser la tendance ?

Par Jean-Christophe Despres, PDG de SOPI

Le Bondy Blog fait régulièrement la une de l’actualité des « grands médias » pour ses scoops dont le dernier en date, l’interview exclusive de la « Sarko victim », Azouz Begag. Support de proximité innovant, ce site a récemment été récompensé par un prix des médias de la diversité amplement mérité. Plus surprenant est de voir souligné son foudroyant succès d’audience avec ses 86.000 visiteurs mensuels (malgré un accord avec Yahoo) ! En effet, plusieurs sites de la diversité, dont Afrik.com, comptabilisent plus d’un million de visiteurs uniques par mois et sont loin de faire l’objet de la même médiatisation. Est-ce à dire que s’appeler Afrik, Zouker, Seneweb ou Yabiladi constitue encore un handicap dans la société française ? Assurément.

Les médias grand public, souvent incapables de refléter les aspirations culturelles d’une grande partie de la population, on pense notamment au rap, sont peu désireux d’analyser un phénomène qui est plus la conséquence de leurs insuffisances que d’un quelconque communautarisme. Cependant, par delà ce constat, le déficit de reconnaissance dont souffrent les sites internet communautaires se fait surtout sentir sur un plan commercial. Absents des plans médias des grands annonceurs, ces supports pâtissent d’une concurrence effrénée qui conduit les annonceurs du secteur « captif » (marques d’ethno cosmétique, organismes de transfert d’argent, compagnies aériennes…) à acheter à des coûts dérisoires.

Nous pouvons pointer ici une des premières lacunes de ce secteur. Faute de groupements professionnels, de charte déontologique des médias de la diversité, la logique de bradage l’emporte sur la démarche qualité. Il faut bien le reconnaître, même les sites les plus importants en audience ne sont pas en mesure de fournir aujourd’hui les mesures d’audience et d’efficacité réclamées par le marché publicitaire. Faute d’annonceurs, pas de moyens, faute de moyens, pas de souscription aux organismes de certification, le cercle vicieux est à terme mortel. Que faire ?

Plusieurs pistes existent pour enclencher une démarche positive :

Créer un groupement de médias de la diversité à l’instar des indépendants en radio ou de la presse quotidienne régionale. Il s’agit bien entendu de créer de la puissance mais aussi d’élaborer une politique tarifaire cohérente et enfin de mutualiser des moyens, peut-être via des fonds d’investissement, aptes à développer l’offre éditoriale et à souscrire aux organismes de mesure d’audience.

Mesurer la diversité des origines. Il convient de faire apparaître la réalité de la consommation identitaire en termes d’alimentation, de voyages, de téléphonie… en la quantifiant. Les outils méthodologiques existent, Sopi est en ce moment même en train de travailler au financement d’une étude globale sur cette question.

Sensibiliser les annonceurs à la question des diasporas. L’audience des sites internet communautaires est souvent éclatée sur plusieurs pays tandis que les logiques publicitaires restent nationales. Même des médias comme Al Jazeera ou RFI sont confrontés à cette réalité. Grâce aux nouvelles technologies, les médias sont d’emblée mondiaux ; il convient de valoriser cette capacité auprès des grands annonceurs internationaux.

Pour conclure sur une note positive : l’audience est là, les besoins existent en termes de consommation…l’avenir appartient aux médias de la diversité.

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