Bénin : sur le marché aux moutons de Djèffa à la veille de l’Aïd


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A la veille de la fête de l’Aïd el kébir, le marché de vente de moutons de Djèffa, localité située entre Porto- Novo et Cotonou, est le théâtre d’une morosité qui contraste avec les affluences des années antérieures. Reportage.

Situé à 15 km environ sur l’autoroute Cotonou/Porto-Novo, le site de Djèffa, à peine perceptible les jours ordinaires et grouillant de monde à l’approche de la tabaski, fait les frais de la morosité économique qui caractérise depuis quelques mois le pays.

Conducteurs de taxis, de taxis-motos et de bus, qui en font d’habitude leur itinéraire privilégié, sont devenus rares et font de la surenchère tant les clients sont rares.

Les musulmans de toutes conditions y font le déplacement, parfois à plusieurs reprises, sans pouvoir se procurer le mouton à sacrifier pour commémorer l’obéissance et la foi d’Abraham.

Des vendeurs bien organisés

Débarqués par de gros camions en provenance du Niger ou du Mali, les moutons sont alignés selon leurs catégories, leur gabarit et leurs prix. La vente proprement dite a commencé mercredi, et beaucoup choisissent le dernier jour pour ne pas avoir à payer les frais d’entretien de la bête.

« Nous refusons de plus en plus de conserver aux clients leurs moutons pour éviter de faire les frais lorsque l’animal vient à mourir avant le jour indiqué », explique Issoufou Abdoulaye, un vendeur d’origine nigérienne établi au Bénin depuis une dizaine d’années.

Plusieurs critères entrent en ligne de compte dans le choix des moutons qu’amène ce jeune homme au Bénin pour la Tabaski. Les bêtes ayant un défaut physique visible, borgnes, boiteuses ou amputées d’un membre ne font pas partie de ses choix. Celles chétives, amputées d’une oreille, d’une corne ou de la queue n’intéressent pas non plus Abdoulaye, qui préfère le blanc immaculé très prisé par certains qui se veulent très fervents.

Un vendeur réputé

Le soin mis dans le choix et l’entretien de ses animaux a fait de lui le vendeur attitré de certaines personnalités du monde politique et des affaires. « Mes moutons ne sont pas à brader. Ils trouveront toujours preneurs avant la fin de la journée », précise-t-il.

Chez Abdoulaye, les prix varient de 80.000 à 200.000 F CFA, « par solidarité », au lieu de 150.000 à 300.000 F CFA comme il aurait souhaité les vendre pour rentabiliser sa mise de départ. Bien que ces prix soient largement au-delà de la bourse du Béninois moyen, Abdoulaye se défend de profiter de la situation. « Le bon musulman que je suis ne peut empêcher ses frères d’accomplir le rituel sacré en vendant cher ses moutons. Ils sont parfois vendus en deçà de leur prix de revient », assure-t-il.

Seyni, son voisin, originaire du nord du Bénin, offre des moutons moins chers, mais aussi moins enviés. Bien que visiblement bien traitées, les bêtes exposées par cet ancien mécanicien originaire de Sonaholou n’ont pas le gabarit de celles d’Abdoulaye et coûtent de ce fait entre 60.000 et 120.000 F CFA.

Des clients excédés par la hausse des prix

Lundi dernier encore, elles coûtaient entre 40.000 et 60.000 F CFA, se plaint la dame Aminatou Touré, venue se procurer encore deux bêtes pour aider des voisins démunis. Décidée à accomplir ce geste de solidarité, dame Aminatou confie avoir été obligée de retourner chercher plus d’argent, tant les prix ont flambé, ce que nient les vendeurs.

Bakary Mohamed, venu d’Allada (cité historique située à 50 km au nord de Cotonou), se dit contraint d’acheter le mouton, dont le prix réel est de 50.000 F CFA en temps normal, qu’on lui propose à 100.000 F CFA. « Je suis entré dans le rituel l’année dernière seulement et je n’entends pas faillir à la première difficulté rencontrée », affirme- t-il, comptant désespéramment les liasses à remettre au vendeur.

Plus irrité que lui, Assani Maboudou, qui a parcouru avec plusieurs escales les 70 km séparant Sakété (son lieu de résidence) de Djèffa, maugrée contre « ces commerçants véreux qui oublient que la Tabaski ne vient qu’une fois l’an ». Assani confie ne plus pouvoir remonter s’acheter une tenue supplémentaire au marché Dantokpa, le plus grand du pays, après avoir payé 110. 000 F CFA pour une bête dont le prix réel ne devrait pas dépasser 75.000 F CFA.

Si les vendeurs craignent la chute de leurs affaires suite au coût de revient trop élevé du mouton et la conjoncture économique qui ne facilite la tâche à personne, certains acheteurs, eux, attendent le jour même de la tabaski pour faire de bonnes affaires. Les vendeurs préféreront baisser les prix pour éviter d’avoir beaucoup de bêtes à entretenir, explique Sanoussi Issa, un enseignant musulman qui, depuis quelques années, ne passe au marché du bétail qu’à la sortie de la grande prière, le matin du jour J.

Outre les vendeurs de moutons, le site de Djèffa devient, l’espace de la fête de l’Aïd el kébir, le lieu d’attraction de vendeurs d’autres denrées, de démarcheurs et colporteurs qui aident les acheteurs à choisir, négocier et transporter les bêtes moyennant quelques espèces sonnantes et trébuchantes.

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