Le sida a transformé les grand-mères africaines en amazones


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Ils sont 12 millions d’orphelins du sida, sur le continent africain, ils seront six millions de plus en 2010. Leur seul espoir de survie : leurs grand-mères. Ces femmes courage ont été mises à l’honneur lors de la 16e conférence mondiale sur le sida qui s’est achevée ce vendredi à Toronto.

Avec la pandémie du sida, les grand-mères africaines, surtout en Afrique australe où elle fait rage, sont devenues soutien de famille. Pour leurs propres enfants malades ou pour la progéniture de ces derniers que la maladie et la mort obligent trop souvent à abandonner. Leur rôle prépondérant n’est pas passé inaperçu lors de la 16e conférence mondiale sur le sida qui s’est achevée ce vendredi à Toronto, au Canada, grâce au Rassemblement des grand-mères. L’évènement a réuni, dimanche dernier, une centaine de grand-mères venues d’Afrique du Sud, du Kenya, du Malawi, de Mozambique, de Namibie, d’Ouganda, du Rwanda, du Swaziland, de Tanzanie, de Zambie et du Zimbabwe et deux cent grand-mères canadiennes. Et s’inscrit dans le cadre des actions de la fondation Stephen Lewis (The Stephen Lewis Foundation – SLF), l’émissaire spécial des Nations Unies pour le sida en Afrique, qui a lancé au Canada, le 7 mars dernier, une campagne dénommée « Grandmothers to Grandmothers » (De grand-mères à grand-mères) afin de sensibiliser et de soutenir l’action de ces milliers de femmes qui, avec leurs maigres revenus, se retrouvent en charge de 10 à 15 orphelins.

Des grand-mères qui ont vraiment besoin d’aide

Ces derniers sont plus de 50% à partager la vie de leurs grand-parents, au Botswana et au Malawi, et plus de 60% en Namibie, en Afrique du Sud et au Zimbabwe, selon les estimations fournies par l’ONG Help Age International. L’organisation intervient, à travers le monde, auprès des personnages âgées. En Afrique, elles sont près de 35 millions à vivre, dans la plupart des cas, dans des conditions matérielles difficiles aggravées, entre autres, par les nouvelles contraintes financières que leur imposent le sida et ses nombreux orphelins. « C’est vraiment un problème car nous n’avons rien et nous devons trouver de la nourriture, des habits, des fournitures scolaires. En plus, je suis moi-même malade et je vais mourir », confiait dimanche, à l’AFP, Laurance Mukamurangwa, une grand-mère rwandaise de 48 ans, devenue séropositive à la suite d’un viol. Elle élève ses cinq petits-enfants, âgés de 3 à 5 ans, parce ses propres enfants sont déjà trop malades pour s’en occuper. La Rwandaise a assuré qu’une vingtaine de femmes s’occupaient, comme elle, de leurs petits enfants dans son village.

Le phénomène n’est pourtant pas rare en Afrique, surtout dans les milieux ruraux, où la famille élargie – grands-parents, parents et enfants – est toujours de mise. « La culture de la famille élargie rend le rôle des grand-mères très important en Afrique sub-saharienne. Par conséquent, dans cette région plus qu’ailleurs dans le monde, elles sont dans beaucoup de cas, le dernier rempart des orphelins du sida », constate Gerrit Beger, l’un des porte-paroles du Fonds des Nations Unies pour l’enfance (l’Unicef) qui a présenté à la conférence internationale de Toronto, lundi dernier, un rapport mettant en exergue la vulnérabilité des plus petits face au sida. « Ils sont actuellement douze millions d’enfants africains à avoir perdu l’un de leur parents ou les deux à cause du sida, poursuit M. Beger, et ils seront globalement 18 millions en 2010. Les enfants sont souvent des victimes ignorées du sida. Néanmoins, de nombreux progrès ont été faits pour que cela ne soit plus le cas. Toronto l’a encore démontré.»

Grand-parents et orphelins : aussi vulnérables les uns que les autres

Tout comme la nécessité de soutenir ces héroïnes ordinaires que sont devenues de nombreuses grand-mères. Dans cette optique, « des allocations et le financement de projets communautaires sont indispensables pour s’assurer qu’elles pourront subvenir aux besoins des enfants et les scolariser », indique le porte-parole de l’Unicef. La fondation Stephen Lewis, dont le but est de venir en aide aux femmes, aux grand-mères et aux orphelins du sida, agit dans ce sens . Elle en a déjà financé plus d’une centaine dans 14 pays dont « Gogo Granny » dans le township d’Alexandra, à Johannesbourg. Une trentaine de Sud-Africaines viennent y faire de la couture s’offrant ainsi la possibilité d’avoir une activité génératrice de revenus. Le sida ne laisse décidément aucun répit aux Africains et encore moins à ceux qui le méritent le plus.

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