Une blogueuse originaire du Soudan prend la parole


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Kizzie Shawkat est le pseudonyme de l’auteur du blog I Have No Tribe, I’m Sudanese (Je n’appartiens à aucune tribu, je suis Soudanaise). Kizzie est étudiante en communication et en sociologie au Caire. Née au Soudan, elle a grandi en Libye, au Qatar et aux Emirats arabes unis et se définit comme étant une “femme africaine, créative, musulmane, en faveur de l’éducation des femmes, poétique, trilingue, contre le racisme, lectrice invétérée et folle de théâtre”. Dans une interview accordée à l’Arab Press Network (APN), Kizzie explique pourquoi elle a créé un blog et comment elle espère que ce dernier parviendra à rendre le monde meilleur.

Pourquoi bloguez-vous?

Shawkat: Je blogue parce que j’aime mon pays, le Soudan. En tant que Soudanaise, je n’ai pas d’endroit où exprimer mes opinions sur différents sujets relatifs au Soudan, notamment la politique. Tout comme les hommes politiques, j’ai mon propre avis et je pense que ma contribution à la société soudanaise est importante.

Je pense aussi que la presse internationale n’est pas très objective et que les lecteurs ne sont pas toujours correctement informés lorsqu’il s’agit du Soudan. Sur mon blog, j’ai parfois des sujets d’actualité; je les commente et je télécharge des photos, des photos d’un Soudan que personne ne connaît. Le journalisme citoyen doit être valorisé, surtout dans cette région du monde qui est la mienne.

Pensez-vous que les blogs peuvent changer le monde et la donne dans votre pays? Si oui, comment?

Shawkat: Oui, parce qu’en tant que Soudanaise, je pense qu’il m’appartient de sensibiliser les gens sur la situation politique et humanitaire dans mon pays. Il est de mon devoir d’informer mes lecteurs et d’engager avec eux des discussions bénéfiques pour eux comme pour moi. Je reçois beaucoup de courriers électroniques de la part de lecteurs curieux, Soudanais ou non. Je reçois également des courriers me demandant d’expliquer certains aspects du Soudan qui restent incompréhensibles comme la politique, la culture, etc.

Je ne peux pas changer le Soudan toute seule, mais je pense que ma contribution est importante. De plus en plus, les gens du monde entier doivent apporter leur contribution (surtout en Afrique). Je crois qu’il nous faut être des citoyens plus actifs car nous ne pouvons attendre l’aide des autres; seuls les Soudanais vont apporter la paix et la démocratie au Soudan.

Qu’est-ce qui, pour vous, distingue un blogueur d’un journaliste dans votre pays?

Shawkat: Dans la plupart des cas, les blogueurs ne souffrent pas autant que les journalistes. J’essaye de garder l’anonymat parce que ma situation en tant qu’étudiante vivant chez mes parents est très délicate. Je souhaite publier ma photo et me présenter comme il convient. Je le ferai lorsque j’aurai obtenu mon diplôme l’année prochaine! Les journalistes dans des dictatures comme le Soudan souffrent énormément. Leur travail est constamment censuré et leur vie privée sans cesse violée. Mon blog protège ma vie privée.

Quel a été votre article qui a eu le plus de succès?

Shawkat: Un article sur la mutilation génitale féminine (MGF). Je l’ai écrit après avoir lu un article concernant Ayan Hirsi Ali sur un blog australien. Cette femme politique hollandaise née en Somalie passe son temps à réaffirmer tous les clichés négatifs relatifs à l’islam et à cette région du monde. J’étais en colère car j’avais le sentiment que je ne pouvais pas comprendre son histoire, en tant que femme musulmane et africaine, alors j’ai écrit mon article parce que je suis sûre que l’islam est contre la MGF et je voulais clarifier les raisons qui se cachent derrière tout cela et pourquoi la MGF devrait être supprimée.

J’ai parlé de la généralisation de cette pratique dans les pays africains, son origine pharaonique, son existence dans les communautés chrétiennes – au Ghana par exemple – et les différents types de MGF.

Pratiquez-vous l’autocensure?

Shawkat: Je n’écris rien sur l’Egypte (où je vis actuellement) car les mesures de répression contre les blogueurs y sont monnaie courante.

Quels sujets vous inspirent ?

Shawkat: En général, je suis inspirée par les questions d’égalité des sexes, les bonnes nouvelles d’Afrique ou lorsqu’un Soudanais ordinaire se fait remarquer, par exemple, en remportant un prix national ou international.

Consulter le blog de Kizzie Shawkat

L’Arab Press Network est un réseau numérique qui apporte son soutien au développement d’une presse plus indépendante dans le monde arabe. Article distribué par le Service de Presse de Common Ground (CGNews) et accessible sur www.commongroundnews.org.

Source: Arab Press Network, 18 août 2008, www.arabpressnetwork.org
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