Une Afrique très cubaine


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Au Festival de musiques latines « Tempo latino », le chanteur américain d’origine angolaise, Ricardo Lemvo, a ravi le public avec une musique qui explore de nouveaux métissages afro-cubains.

Portrait/Musique

Il fait chaud à Vic-Fezensac (Gers) en cette fin juillet, mais la torpeur de l’après-midi n’a pas eu raison de Ricardo Lemvo et des musiciens de son groupe, Makina Loca. Avec ses nattes rasta sagement nouées sur la nuque, coiffé d’un petit canotier, Lemvo se saisit du micro pour entonner son tube, « Mambo YoYo ». Sur la scène des arènes, tout le groupe est lancé dans une répétition de son concert de ce samedi soir. Il ne faut pas se rater : le public du Festival Tempo Latino doit être conquis.

Car, c’est de Los Angeles où il a posé ses valises à l’âge de 15 ans que Ricardo Lemvo vient faire chalouper les aficionados de musiques latines avec un programme : dessiner un arc-en-ciel entre l’Afrique et Cuba. A savoir, avec une musique inspirée par ce qu’il entendait, petit, au bar du coin à Kinshasa (RDC). « Tous les soirs, j’écoutais les grands de la musique congolaise, le Grand Kallé Jeff, Franco, Tabu Ley Rochereau, tous ces pères qui ont fait l’âge d’or de la rumba congolaise dans les années 50 et 60. Alors, après mes études de sciences politiques, j’ai choisi, moi aussi, la musique» (rires). « Après tout, mon illustre grand-père, Don João, qui a traduit la bible en kikongo, jouait du piano et de la trompette. Je suis né dans la musique !»

Originaire du M’Banza Kongo, au nord de l’Angola, Ricardo Lemvo a grandi dans le pays voisin, à Kinshasa, mais c’est à nouveau dans son pays d’origine qu’il triomphe, notamment parce qu’il chante aussi en kikongo (Angola) et en lingala (Congo et Angola), tout autant qu’en espagnol ou en portugais. Son prochain album, en septembre, sera produit à Luanda (« La rumba soy yo »). « Je suis Américain, mais je reste un Africain à part entière» , croit bon de préciser Ricardo. « Et je rêve de pouvoir faire une grande tournée dans toute l’Afrique » .

Le pont afro-cubain

A Los Angeles, il commence à composer des chansons sur des arrangements mêlant le son montuno et le cha-cha-cha cubains et les genres musicaux d’Afrique, du soukous au semba angolais ou à la kizomba. En 1990, le chanteur crée son groupe, Makina Loca, une formation multiculturelle composée de musiciens sud-américains, africains et américains.

Un big band auquel s’est joint un guitariste congolais (Kinshasa) de légende, Papá Noel, âgé aujourd’hui de plus de 90 ans et toujours aussi performant et facétieux, né dans le bouillon d’une musique cubaine très populaire en Afrique, dans les années 30.

A en croire Ricardo, la salsa et la musique cubaine n’ont jamais quitté l’Afrique depuis les années 30 et triomphent dans certaines boîtes de nuit, comme au « Black&White » de Kinshasa. « Une grande partie de l’Afrique a longtemps vibré aux accents de la musique cubaine, explique Ricardo. « Prenez Youssou Ndour, Manu Dibango, tous les grands musiciens africains se sont réappropriés le son montuno de Cuba, et la rumba congolaise si célèbre en est issue ».

Comment ne pas songer au cours de l’Histoire qui a permis, à des siècles de distance, que les rythmes africains apportés par les esclaves à Cuba reviennent, métissés de sons et d’instruments hispaniques, faire vibrer les nouvelles générations africaines sur la terre originelle? Lemvo ne fait pas de politique dans ses chansons. C’est de l’amour et de la vie qu’il veut parler de sa voix chaude et enveloppante. Mais dès que résonnent les premiers accents de la musique, les vibrations des congas, l’Afrique s’impose avec une joyeuse évidence. Et le public chaloupe sous les étoiles.

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