Tripoli préserve sa médina historique


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La médina de Tripoli est un magnifique témoin de l’histoire de la Libye et des différentes civilisations qui ont traversé le pays au cours des siècles. Pour préserver ce patrimoine historique et culturel, l’Etat libyen s’est lancé dans un ambitieux programme de sauvegarde et de gestion de la vieille ville. Visite guidée.

Par Youssouf Bâ, correspondant de la PANA

L’inauguration du bâtiment de la succursale de la Banque Al-Umma, après sa restauration par le projet de sauvegarde et de gestion de la médina de Tripoli, a ramené au-devant de l’actualité culturelle libyenne la portée du gigantesque projet de rénovation de la vieille ville. Construit à la seconde dynastie Ottomane (1835-1911), ce bâtiment sis à la place Kheiry Krima, dans la médina, a servi de siège à la Banque de Rome de 1907 au début des années 30, lors de la période coloniale. C’est surtout par son style, qui intègre l’environnement architectural et le cachet historique et authentique de la médina, qu’il se distingue dans la ville.

L’histoire de la Libye, riche de plusieurs civilisations, a donné à la médina de Tripoli son extraordinaire diversité architecturale. Toutes les empreintes s’y retrouvent, depuis les Phéniciens qui fondèrent Sabratha, Leptis Magna et Oea (Tripolis-les trois villes) jusqu’aux Ottomans (à partir du XVIe siècle) sous la dynastie des Karamanlis, en passant par les Grecs (VIIe siècle av. JC) qui s’établirent essentiellement en Cyrénaïque (Est du pays), les Romains (Ier siècle) qui développèrent les trois villes tripolitaines, les Vandales (Ve siècle), les Byzantins (VIe siècle) et, bien sûr, les Arabes (VIIe siècle).

Plus de permis de construire

C’est d’ailleurs ce cachet arabo-musulman qui domine dans la médina. Une richesse culturelle et un patrimoine civilisationnel auxquels sont sensibles les autorités libyennes qui ont entrepris de les sauvegarder en leur rendant leurs lustres d’antan. C’est la mission du projet de sauvegarde, de restauration et de gestion de la médina de Tripoli. Il est chargé de rendre son âme à cette cité historique placée en plein cœur de la ville de Tripoli. En restituant d’abord l’héritage culturel dont sont témoins ces hauts lieux du passé, en maintenant ensuite le style architectural qu’imprime la médina à la ville de Tripoli en proie au béton et enfin, en intégrant ce pan important de la capitale libyenne dans la dynamique économique du pays.

La médina étant d’un grand attrait pour le tourisme et un facteur essentiel dans la réussite de toute industrie touristique, ce quartier représente un atout essentiel pour les pouvoirs publics libyens, soucieux de justifier les nouvelles ambitions affichées pour le secteur touristique en Libye. Ainsi, les instructions données aux habitants de la médina de ne plus démolir leurs habitations et le refus par les autorités de leur accorder de nouveaux permis de construire participe-t-il de cette volonté de préserver l’héritage architectural empreint de culture et d’authenticité.

Le plus vieux bain maure de la ville

La restauration entamée dans le cadre du programme 2005 du projet de sauvegarde, de restauration et de gestion de l’ancienne médina de Tripoli, vise à re-dynamiser l’aspect culturel de cette cité. Les travaux de restauration de plusieurs sites sont très avancés. C’est le cas pour la construction du souk de la médina qui donne une dimension économique très importante aux investissements locaux en permettant de vendre les produits artisanaux fabriqués sur place. La restauration du Hammam « Darghout » (bain maure), l’un des plus anciens de Tripoli, fonctionnant à la vapeur, est à 80% achevée et réhabilite des trésors architecturaux d’une grande beauté avec ses céramiques qui cernent ses murs. Le bâtiment qui servira de siège au centre de formation sur les produits artisanaux est à 70% rénové.

La « Demeure des Pachas » ou maison du Cadi, dont l’histoire remonte à la période des Karamanlis entre 1711 et 1835, est l’un des chantiers de restauration qui témoigne le plus de l’évolution du style architectural qui a marqué les maisons tripolitaines. C’est à partir de cette période en effet, que sont apparues les formes arquées avec les dômes ainsi que les céramiques qui vont donner un cachet spécifique à l’architecture à Tripoli. Cette bâtisse est utilisée comme espace culturel pour la conservation de la calligraphie arabe.

De la pierre au cyber

« Dar Saboune », dont l’inauguration est prévue en mars 2006, sera destinée à abriter la maison de la musique, notamment traditionnelle, comme le maalouf (chants andalous) et d’autres chants du patrimoine culturel libyen. Le bâtiment de Rouhbane (moines) sera transformé en centre culturel disposant d’un cybercafé et de plusieurs espaces de rencontre pour artistes et écrivains. L’école de Rahibat (soeurs), un autre bâtiment de la médina, dont les travaux de restauration sont très avancés, servira de centre de formation aux métiers artisanaux tels que la couture et la confection.

Le dernier chantier de restauration du programme de l’année 2005 est la Tour de l’horloge construite par Ali Ridha entre 1866 et 1870 et dont une première rénovation a eu lieu entre 1990 et 1991. Cette tour, qui a été sauvée d’un effondrement certain, bénéficie de travaux supplémentaires pour parfaire sa restauration et la consolider face à la loi du temps. Ces travaux entrepris dans la médina ont donné incontestablement un second souffle à cette cité historique de Tripoli dont le mouvement économique a fait émerger un nouveau pôle d’attraction. Au-delà du charme féerique qu’exerce la beauté de la médina, avec l’irrésistible
appel de ses interminables dédales et labyrinthes, sa mise en valeur reste un pari d’envergure pour les autorités libyennes, tant sur le plan culturel qu’économique.

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