Tintamarre au Congo


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On n’y prête plus attention. Les nuisances sonores (dans les débits de boissons et petits bistrots de la place), ce fléau qui sévit dans les villes congolaises fait désormais partie du quotidien des Brazzavillois. A l’origine des disputes et bagarres entre les consommateurs, voisins, ce phénomène est aussi à a base de plusieurs maladies (maux de têtes, tension artérielle crise cardiaque comme en témoignent certains riverains de ces nouveaux bars communément appelée Nganda.

(De notre correspondante)

Tapages nocturnes dans les bars et ngandas de la place, radios matanga (espèce de grosses baffles qui crachent de la musique à travers des hauts parleurs tout au long de la soirée lors des veillées mortuaires), veillées de prières dans les églises, cris et disputes des passagers aux heures tardives dans les ruelles, bruits excessifs des télévisions et radios provenant des ciné clubs… La liste est longue.

« J’habite à coté d’un bar et ce n’est pas toujours évident pour moi de lire dans la soirée. J’ai donc trouvé une stratégie pour ne pas être dérangé par les cris des danseurs et de la musique. Je me lève très tard dans la soirée et je fais mes devoirs, l’inconvénient de ce rythme est que je se suis vraiment fatiguée le matin », fait savoir Eric Souami, habitant de Mpissa, en classe troisième qui avoue que ce débit de boissons à proximité de sa maison est un véritable poison pour sa vie estudiantine.

Certains bars s’érigent du jour au lendemain dans un coin de la place, au détour d’une ruelle, devant un kiosque. « Mon voisin dont je tairai le nom, a décidé d’un coup de tête d’ériger un bar sans prendre la peine de nous consulter », s’emporte Mireille, enseignante d’une cinquantaine d’années qui avait décidé de porter plainte auprès du chef du quartier, mais elle en a été dissuadée par ses proches : « De toute façon, comme le dit mon mari, cette plainte serait sans suites dans la mesure où les pouvoirs publics ne s’en préoccupent pas, à voir le nombre de Ngandas qui poussent comme des champignons dans la ville », fait savoir mémé Mimi (comme l’appellent ses petits fils), décidée à vider son sac.

Des cas qui ne sont pas isolés

Ursule Mboungou, douanière et ayant un nouveau-né à la maison est angoissée chaque soir à l’idée des disputes, bagarres et bruits qui sortent du bar de son voisin. « Admis à la retraite, mon voisin a longtemps vendu la boisson pour le bonheur de ses voisins mais il s’est transformé en montre en passant du statut du simple vendeur de boissons à l’enseigne de Nganda », a fait savoir cette dernière qui ne comprend pas ce phénomène et s’insurge du silence des pouvoirs publics qui ne prennent pas non plus de décisions en ce qui concerne les radios matangas (baffles géantes qui diffusent de la musique au travers des hauts-parleurs) lors des veillées mortuaires. « Ce n’est pas que je sois insensible au deuil des autres, au contraire. Mais vraiment, souffrant d’hypertension artérielle, ce bruit me met tout simplement hors de moi, en plus il empêche mon bébé de s’endormir, résultat, nous veillons toute la soirée et le matin je suis extenuée, mais je dois aller travailler. C’est franchement invivable, le gouvernement doit prendre des mesures conséquentes pour venir à bout de ce phénomène », explique cette jeune dame, les yeux tirés par la fatigue.

Suite aux plaintes des populations proches de ces bars et à la recrudescence des comportements inciviques dans ces ngandas, François Ibovi et Pierre Oba respectivement ministre de l’Administration et de la Décentralisation du Territoire et ministre de la Sécurité de la Police, ont conjointement signé une circulaire relative à l’ordre public.

Une loi dont les dispositions, ont un objectif : garantir les libertés fondamentales. Cette loi pointe du doigt les responsables des débits de boissons et des tenants des activités culturelles. En effet, la loi 033/91 du 23 avril 1991 relative à la protection de l’environnement, qui complète la loi du 05 avril 1884 relative à la police municipale et à l’ordre public interdit tout bruit causant une gène pour le voisinage ou nuisible à la santé de l’homme.

« S’il existe une législation pour punir ces comportement inciviques, elle ne sert pas à grand-chose car elle est méconnue de la population congolaise. De ce fait, beaucoup de Congolais souffrent en silence, en attendant la fermeture d’un bar, d’un restaurant ou d’une église, par exemple », s‘insurge Eugène Mouanga, membre de l’association des jeunes sociologues (AJS). « Les nuisances sonores constituent en effet une atteinte à la tranquillité publique, c’est-à-dire au repos paisible des habitants et de leur santé. Aussi, la tranquillité publique doit faire l’objet d’une surveillance toute particulière de la part des services d’ordre » conclut-il.

Aucun bruit ne peut donc dépasser l’environnement d’exercice d’une activité quelconque, sauf autorisation expresse de l’autorité compétente précise l’article 61 de la même loi.

Des exigences qui ont du mal a être appliquées sur le terrain comme l’explique monsieur Moise, habitant de Makélékélé : « On peut porter plainte auprès du chef du quartier, au commissariat, mais on se rend vite compte que ces personnes appelées à appliquer la loi sont de connivence avec les responsables de débits de boissons. Et comment voulez-vous que ce phénomène stoppe ? » A ce jour, malgré quelques fermetures de quelques bars, les sempiternelles revendications des citoyens sont restées lettres mortes.

« En outre l’implantation anarchique des églises dans les quartiers de Brazzaville, fait que les citoyens sont obligés de supporter les alléluia par ici des cris des pleurs de délivrance par là, des transes suivies des louanges interminables », renchérit Brunel, étudiant en faculté de droit et désireux de voir disparaître toutes ces constructions et espèrant de tout son cœur que l’article 60 interdisant ce bruit entre enfin en vigueur. Pour arriver à cette étape, comme le fait savoir Brunel, « il est actuellement impératif que le gouvernement organise des campagnes de sensibilisation pour une meilleure connaissance de ces lois. »

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