Soldats français arrêtés en Centrafrique : vers une crise diplomatique ?


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Faustin-Archange Touadéra et Emmanuel Macron
Faustin-Archange Touadéra et Emmanuel Macron

L’actualité de la République centrafricaine est secouée, depuis lundi, par l’arrestation de quatre soldats français, plus tard accusés sur les réseaux sociaux de tentative d’assassinat du Président Faustin Archange Touadéra. Alors qu’une enquête est ouverte à Bangui, l’ONU exige la libération des quatre hommes qui sont des Casques bleus. Retour sur les faits.

Dans la capitale centrafricaine, c’est un véritable feuilleton qui a débuté depuis le début de la semaine. Tout a commencé lundi dans l’après-midi à l’aéroport de Bangui. Quatre soldats français – membres de la MINUSCA – sont arrêtés par des éléments de la gendarmerie centrafricaine, alors que l’avion du Président Faustin-Archange Touadéra était sur le point d’atterrir. Peu de temps après, les réseaux sociaux s’emparent de la nouvelle. Les quatre soldats français sont accusés de « tentative d’assassinat » du Président centrafricain.

Du côté de l’ONU et de Paris, on dénonce des accusations non fondées émises contre ces soldats, membres de la garde rapprochée du chef d’état-major de la MINUSCA, le général Stéphane Marchenoir. C’est d’ailleurs ce dernier, en partance vers Paris que les militaires avaient escorté à l’aéroport lorsqu’ils ont été interceptés, selon la version des Nations Unies. 

Ouverture d’une enquête

Alors qu’à Paris, on s’attendait à une libération rapide des militaires arrêtés, le parquet centrafricain ouvre, mardi, une enquête sur cette affaire. Selon le procureur de la République, Laurent Lengande, les éléments déployés pour sécuriser l’aéroport où devait atterrir l’avion présidentiel ont été alertés par la présence d’un véhicule « suspect ». À l’en croire, ce « véhicule était suivi par les services de renseignements depuis deux mois ».

Dans son communiqué radiodiffusé, le magistrat s’étonne du fait que les militaires français, qui sont des éléments de la MINUSMA et armés de quatre pistolets, trois fusils d’assaut, une mini-mitrailleuse et des grenades, aient utilisé un véhicule 4×4 noir banalisé, blindé, aux vitres teintées et doté d’une immatriculation centrafricaine, en lieu et place des habituels véhicules peints aux couleurs des Nations Unies.

L’appel de l’ONU

Mercredi, le Secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, se fend d’un communiqué à travers lequel il demande aux autorités centrafricaines de libérer les soldats détenus. « Ces membres de la MINUSCA bénéficient de privilèges et d’immunités qui leur sont accordés dans l’intérêt de l’Organisation des Nations Unies », mentionne le communiqué qui dénonce ainsi le non-respect par la partie centrafricaine de la procédure établie entre l’ONU et le pays en cas de soupçon d’infraction concernant des personnels onusiens. C’est pourquoi le patron de l’ONU « appelle le gouvernement de la Centrafrique à respecter toutes ses obligations en vertu du droit international, y compris l’Accord sur le statut des forces, et à libérer sans condition et sans délai ces personnels de la MINUSCA ».

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À la suite du premier responsable de l’ONU, le porte-parole de la MINUSMA, Vladimir Monteiro, a donné une conférence de presse pour tenter de couper court à la polémique qui enfle à Bangui : « Nous n’avons rien à cacher. La MINUSCA, comme l’a dit le représentant spécial hier devant le Conseil de sécurité, est là comme partenaire, elle est là comme ami, elle a cet engagement régulier et ce qui s’écrit, ce qui se dit sur les réseaux sociaux, c’est de la désinformation et nous sommes là pour apporter des éléments qui permettent à l’opinion publique de comprendre cette affaire », clame-t-il.

Puis il poursuit : « Il n’y avait pas de véhicule, mais la demande de véhicule est en cours de traitement pour qu’il y ait une solution. Mais ces quatre agents devaient exécuter leur tâche, ils n’allaient pas rester les bras croisés d’autant plus qu’on les avait fait venir pour assurer cette tâche. Et ils ont loué ce véhicule. Rien n’empêche à partir du moment où il s’agit d’un véhicule à usage officiel de recourir à cette pratique ».

Silence des autorités centrafricaines

Pendant tout ce temps, les autorités centrafricaines n’ont pas dit un traître mot sur l’affaire. Et les soldats sont toujours aux arrêts. On sait que la présence des troupes de la société russe Wagner en terre centrafricaine a, depuis plusieurs mois, été l’objet de fortes tensions entre Bangui et Paris qui, d’ailleurs, voit derrière cette nouvelle affaire une possible manipulation de ces Russes. En effet, il est de notoriété publique que la France n’a jamais accepté la présence des Russes en République centrafricaine, mais les autorités de ce pays ont toujours campé sur leur position dénonçant l’inefficacité des Casques bleus.

« L’ONU est là dans notre pays depuis huit ans, cela n’a pas empêché notre pays d’être attaqué. Beaucoup de Centrafricains ont été tués pendant ces attaques et on vient nous parler des droits de l’Homme aujourd’hui. Où étaient-ils quand nous étions attaqués ? Pourquoi n’étaient-ils pas là pour nous défendre ? Personne ne les empêche de travailler », s’est offusqué le ministre porte-parole de la Présidence centrafricaine, Albert Yaloke Mokpeme, qui protestait ainsi contre les dernières accusations portées par l’ONU contre les Russes et l’armée centrafricaine.

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À l’étape actuelle des choses, une exacerbation de la tension entre Paris et Bangui est à craindre, surtout quand on tient compte du climat anti-français ambiant sur le continent. Ceci même si le Président centrafricain, Faustin-Archange Touadéra, a déclaré en novembre que son pays n’avait pas intérêt à se mettre la France à dos.

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Historien, Journaliste, spécialiste des questions socio-politiques et économiques en Afrique subsaharienne
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