Sénégal : juguler l’émigration par l’agriculture


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Le Sénégal a inauguré un programme de réinsertion des émigrés refoulés du Maroc, en investissant 3,5 milliards de francs CFA (5,3 millions d’euros) dans le secteur agricole. Il espère par la même occasion dissuader les candidats potentiels à l’émigration en leur promettant un avenir, chez eux, au Sénégal.

Par Morad Ouasti

L’agriculture pour lutter contre l’émigration. Le Président Wade vient de lancer le programme « Retour des Emigrés Vers l’Agriculture » (REVA), un plan de réinsertion proposant aux émigrés refoulés du Maroc ces dernières semaines, ainsi qu’aux candidats potentiels à l’émigration, une issue socio-économique dans le secteur agricole. Le gouvernement sénégalais a investi 3,5 milliards de francs CFA (5 336 000 euros). Dans un premier temps, les fonds serviront à couvrir les frais d’installation des bénéficiaires et la commercialisation de leur production pendant six mois. Certaines voix du monde paysan se montrent toutefois dubitatives quant au succès de l’entreprise.

Mohamed Elimane, conseiller en communication du ministre sénégalais de l’Agriculture Habib Sy qui préside le projet, explique que l’initiative est une alternative socio-économique au « rêve européen », auquel aspirent nombre de Sénégalais. une initiative qui entend éviter de nouvelles déconvenues et des traitements indignes des ressortissants sénégalais de la part de certains Etats. «Nous allons le faire avec nos propres moyens pour montrer que nous avons une politique très claire pour retenir nos émigrés», a déclaré à Wal Fadjri le ministre. Si une enveloppe de 3,5 milliards de francs CFA sur fonds propres est effectivement dégagée par l’Etat, Mohamed Elimane a confié à Afrik que les 2/3 de l’aide au programme REVA – soit 10 millions de dollars – parviennent des lignes de crédit du programme indien « Team 9 » (coopération économique entre l’Inde et 8 pays africains dont le Sénégal).

Grogne des syndicats agricoles

Encadrés par des coopérants français, les agriculteurs sénégalais cultiveront des produits traditionnels, arachide, maïs, coton, niébé (sorte d’haricot), mil, pastèque, mais aussi le tournesol. Le Sénégal, grâce notamment à la production de manioc, pourrait se positionner confortablement sur le marché, car depuis l’épidémie de la vache folle les agriculteurs européens préfèrent nourrir leurs bovins avec de la farine de manioc. « Nous espérons aussi produire, cerises, melons et mangues. Le programme REVA contribue à la diversification de l’agriculture », indique M. Elimane. Les produits sénégalais seront surtout destinés à l’exportation vers l’Europe. « Toutes les facettes ne sont pas encore définies, le projet peut s’étendre à d’autres franges de la population et à d’autres secteurs économiques. Par exemple les plus diplômés pourraient être insérés dans le secteur des télécommunications », souligne Mohamed Elimane. Le programme doit être entièrement défini pour la fin novembre et est censé démarrer dès janvier prochain.

Doudou Fall, secrétaire exécutif de l’organisation professionnelle du Syndicat des Exportateurs des Produits Agricoles (SEPAS), ne voit toutefois pas les choses d’un bon oeil. « L’agriculture sénégalaise a besoin de bras, certes, mais tout le monde ne peut pas s’improviser agriculteur spontanément », dit-il. Selon M. Fall « le Président Wade, cherche une solution politique suite aux images atroces diffusées sur les chaînes internationales ». Il ajoute que les candidats à l’émigration sont motivés d’avantage par une image excessivement idéalisée de l’Europe, plus que par des raisons uniquement économiques. Selon Doudou Fall, le programme REVA n’est pas sûr de marcher, car « le manque de formation et de professionnalisme s’oppose aux contraintes européennes en matière de contrôle sécuritaire et sanitaire des importations. De plus les produits ACP ( Afrique, Caraïbe, Pacifique), sont fortement concurrencés par les exportations mexicaines et kenyanes en particulier », explique-t-il.

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