Ségolène Royal, l’immigration et les banlieues


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Parmi les 100 propositions faites dimanche par Ségolène Royal aux électeurs français, à travers son « Pacte présidentiel », certaines intéressent les Africains et la diaspora. La candidate socialiste prévoit la création d’un visa à entrées multiples, la réforme du Ceseda, la création d’une « police de quartier » ou encore l’enseignement de l’esclavage dans les ouvrages scolaires.

Ségolène Royal brise le silence. La candidate socialiste à la présidentielle française a dévoilé dimanche son « Pacte présidentiel » devant près de 15 000 militants réunis à Villepinte, dans la banlieue nord de Paris. Deux heures durant, elle a énuméré 100 propositions qu’elle présente comme autant de réponses aux « débats participatifs » qui se sont déroulés depuis plusieurs semaines en France. « Plus de 6 000 débats ont été organisés. J’ai reçu par Internet 135 000 contributions », a-t-elle assuré. Parmi les questions abordées, certaines intéressent directement l’Afrique et sa diaspora en France.

 Un visa à entrées multiples

« Fermer la porte aux immigrés serait nous condamner au déclin », avait déjà jugé Ségolène Royal dans une lettre adressée à la fin de la semaine dernière à l’association France terre d’asile (FTDA). Néanmoins, « nous ne pouvons, pas plus que nos voisins, ouvrir purement et simplement nos frontières sans créer des déséquilibres économiques et sociaux insupportables », ajoutait-t-elle. Quant à « l’immigration choisie » prônée par son rival Nicolas Sarkozy, elle a expliqué dimanche qu’elle « est profondément opportuniste et injuste à l’égard des pays d’origine ».

Comme alternative, la Dakaroise de naissance propose d’« instituer un visa permettant des allers-retours multiples, sur plusieurs années, afin que les migrations s’adaptent aux besoins réels du marché du travail. » La solution a l’avantage d’assurer les migrants qu’ils pourront de nouveau séjourner en France s’ils décident de retourner dans leur pays d’origine. Ce que nombre des 200 à 400 000 sans-papiers (estimations du ministère de l’Intérieur), qui vivoteraient aujourd’hui en France, craignent de faire.

 Promouvoir une « PAC mondiale »

Parce que les « citoyens veulent une France solidaire des pays en développement », la candidate veut défendre l’accès aux soins des malades dans ces pays « par la promotion de médicaments génériques moins coûteux ». « Pour donner une vraie chance à l’agriculture des pays en développement », qui pâtie des subventions allouées par les Américains et Européens à leurs agriculteurs, elle propose de promouvoir une « PAC (Politique agricole commune) mondiale ».

 Modification du Ceseda, de la liste des « pays sûrs » et de l’AME

Ségolène Royal s’est de nouveau prononcée dimanche contre la « régularisation globale » des sans-papiers. Elle propose une régularisation « à partir de critères fondés sur la durée de présence en France, la scolarisation des enfants et la possession ou la promesse d’un contrat de travail ». Si elle est élue, la candidate socialiste prévoit ainsi de « rétablir la règle des dix ans comme critère de régularisation ». Avant que la réforme du Ceseda (Code d’entrée et de séjour des étrangers et du droit d’asile) ne l’abroge en 2006, cette règle permettait aux sans-papiers d’obtenir « de plein droit » une carte de séjour temporaire en justifiant de dix ans de présence sur le territoire français.

Ségolène Royal compte également « rétablir les moyens pour les soins aux étrangers en situation irrégulière ». Ce droit aux soins est en théorie assuré par l’Aide médicale d’Etat (AME), réservée aux ressources extrêmement faibles et aux résidents sans titre de séjour. Mais depuis décembre 2003, son accès a été rendu difficile par une série de réformes, qui ont notamment supprimé l’« accès immédiat » et exigent des malades la preuve d’une présence ininterrompue de plus de trois mois sur le territoire.

L’ancienne ministre n’est pas revenue sur ce point, mais elle a indiqué dans sa lettre à FTDA sa volonté d’établir un moratoire sur la liste « des pays sûrs ». Cette liste de 15 pays, dont 9 africains – Bénin, Cap vert, Ghana, Mali, Maurice, Sénégal, Madagascar, le Niger et la Tanzanie – permet à l’OFPRA (Office français de protection des réfugiés et apatrides) de refuser ou de traiter plus rapidement la demande d’« admission en France d’un étranger qui demande à bénéficier de l’asile ». Aux « étrangers séjournant régulièrement en France depuis plus de cinq ans », Ségolène Royal promet dans son « Pacte présidentiel » « le droit de vote pour les élections locales ».

 Une nouvelle « police de quartier »

La candidate socialiste en est convaincue : « en dépit des annonces rassurantes des autorités de l’Etat, le sentiment d’insécurité apparaît comme profondément ancré » en France. « Les mesures répressives, pour être efficaces, doivent s’accompagner de mesures éducatives (…) Réinsertion, revalorisation et surtout accompagnement ont été les maîtres mots » des débats participatifs. C’est pourquoi elle se propose de « créer une nouvelle police de quartier ». Nouveau pied de nez à Nicolas Sarkozy, qui avait supprimé la police de proximité, créée en 1997 par Lionel Jospin et Jean-Pierre Chevènement, lors de son premier passage à l’Intérieur. Lors des émeutes de l’automne 2005, de nombreux hommes politiques de gauche étaient montés au créneau pour dénoncer dans les violences l’une des conséquences de cette suppression.

Face « aux mineurs violents », la candidate souhaite développer des « brigades de mineurs dans chaque commissariat des grandes zones urbaines ». Malgré les réactions qu’elle a suscitées, Ségolène Royal maintient l’idée de « centres éducatifs renforcés, si besoin ave un encadrement militaire ». En matière de justice, elle en appelle à des « sanctions fermes et rapides », en doublant notamment le budget de la justice et en demandant le renforcement de l’aide juridictionnelle. En matière d’emploi des jeunes, elle souhaite « créer le droit au premier emploi », afin qu’aucun d’entre ces jeunes « ne ne reste au chômage au delà de six mois sans avoir accès à une formation, un empoi aidé ou un tutorat rémunérés ». Le PS promet une estimation du coût de son programme, alors que ses rivaux le jugent exorbitant.

 L’esclavage dans les livres

En plus de renforcer la Halde (Haute autorité de lutte contre les discriminations), Ségolène royale prévoit la création d’une autre Haute autorité, « du pluralisme », celle là, et chargée de veiller à la représentativité des médias français. Après l’épisode de la loi sur le rôle positif de la colonisation, elle propose d’« introduire un enseignement sur l’Outre Mer dans les programmes scolaires, notamment sur l’histoire de l’esclavage ».

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