Sahel : Emmanuel Macron au Mali/Déclaration de la Coalition citoyenne


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Le Président français, Emmanuel Macron
Le Président français, Emmanuel Macron

« Le Sahel se trouve aujourd’hui à un tournant décisif. Il faut un réel sursaut pour revoir en profondeur une stratégie du tout-sécuritaire qui a failli »

Nous, membres de la Coalition citoyenne pour le Sahel, assistons avec inquiétude et consternation à la détérioration continue de la situation sécuritaire dans la région. Le Sahel se trouve aujourd’hui à un tournant décisif. Alors que le Président français Emmanuel Macron doit se rendre au Mali les 20 et 21 décembre 2021, nous appelons les gouvernements sahéliens et leurs partenaires internationaux à prendre la mesure de la colère qui gronde au sein des populations et à réorienter leur réponse à la crise.

Il est urgent d’adopter une approche cohérente et coordonnée qui tienne compte des aspirations des populations civiles et garantisse leur protection effective face à des menaces qui se multiplient. Il est également impératif que tous les acteurs, notamment les forces de défense et de sécurité sahéliennes et internationales, fassent faire preuve d’une plus grande transparence et de redevabilité dans la conduite de leurs opérations militaires afin de restaurer la confiance avec les civils.

Depuis le début de l’année, plus de 800 civils ont été tués dans des attaques attribuées à des groupes armés dits djihadistes au Mali, au Burkina Faso et au Niger. Nous honorons la mémoire de toutes les victimes civiles de ces violences, notamment les 31 personnes, dont des femmes et des enfants du village de Songho, tués par des individus armés non identifiés le 3 décembre alors qu’elles se rendaient en bus au marché de Bandiagara au Mali, ainsi que d’autres civils disparus ou retrouvés morts après des opérations militaires, notamment dans les régions de Mopti et Ségou, au Mali, et dans les régions des Cascades et du Sud-Ouest, au Burkina Faso.

Nous notons également avec inquiétude que la violence a coûté la vie à un nombre croissant de membres de forces de défense et de sécurité, notamment 53 personnes, dont 49 gendarmes, tuées le 14 novembre à Inata, au Burkina Faso, ou de groupes communautaires, notamment les 69 membres d’un groupe d’autodéfense civil tombés le 2 novembre près de Banibangou, au Niger.

Ni les forces de défense et de sécurité sahéliennes, ni les forces internationales présentes de longue date dans la région ne sont parvenues à enrayer cette spirale. Confrontées à de nouvelles atrocités semaine après semaine, les populations sont épuisées par une crise multidimensionnelle qui a conduit au déplacement forcé de plus de 3 millions de personnes dans le centre du Sahel. Cette situation a entraîné une hausse de l’insécurité alimentaire, la déscolarisation de plus de 700.000 enfants et une explosion des violences basées sur le genre à l’encontre des femmes et des filles. La peur et le désarroi sont en train de laisser la place à un mouvement de colère grandissant qui s’exprime contre les autorités nationales et des pays extérieurs au Sahel qui sont présents militairement dans la région, notamment la France.

Face à l’impasse actuelle, nous appelons à un réel sursaut pour revoir en profondeur une stratégie du tout-sécuritaire qui a clairement failli. La Coalition citoyenne pour le Sahel a présenté des recommandations concrètes pour une réponse centrée sur les besoins des populations, dans le rapport « Sahel : ce qui doit changer », publié en avril 2021. Plus que jamais, il est impératif de mettre en œuvre une stratégie fondée sur les quatre « piliers citoyens », qui priorise la protection des civils, apporte des réponses politiques aux causes profondes de la crise, notamment en matière de gouvernance, réponde à l’urgence humanitaire et lutte efficacement contre l’impunité.

Dans ce contexte particulièrement volatil, nous appelons les gouvernements sahéliens et leurs partenaires internationaux à redoubler d’efforts pour afficher davantage de transparence et garantir une redevabilité dans la conduite de leurs opérations militaires. Les exactions, largement documentées, attribuées à des membres des forces de défense et de sécurité au Mali, au Burkina Faso et au Niger, bien qu’elles soient en diminution en 2021, continuent de bénéficier d’une impunité quasi-totale, ce qui ne fait qu’alimenter le cycle de violence et la défiance des populations, tout en favorisant le recrutement par les groupes armés.

L’ensemble des forces présentes au Sahel doivent impérativement et systématiquement protéger les populations civiles dans le cadre de leurs obligations au regard du droit international humanitaire. En cas d’allégations de violations des droits humains ou du droit international humanitaire attribuées à des forces de défense et de sécurité nationales ou internationales, il est essentiel que les faits soient établis, que les conclusions d’enquêtes soient rendues publiques et que des mesures soient prises. A cet égard, nous demandons que soient publiés sans délai les résultats des investigations menées par les autorités nigériennes sur la répression des manifestations contre un convoi militaire français, qui a fait trois morts et des dizaines de blessés le mois dernier à Tera, au Niger.

Le respect du droit international humanitaire s’impose également aux acteurs armés non-étatiques, notamment les groupes dits djihadistes, qui s’en prennent systématiquement aux civils, et les milices d’autodéfense, qui ciblent régulièrement des populations et infrastructure civiles.

Plus que jamais, nous exhortons les gouvernements du Sahel et leurs partenaires internationaux à être à l’écoute des demandes et du besoin de protection des populations pour réorienter leur réponse à la crise, plutôt que de céder à la facilité du tout-militaire, dont il est aujourd’hui largement admis qu’il ne peut à lui seul résoudre la crise au Sahel. Nous appelons instamment tous les décideurs à mettre en œuvre, sans tarder, le « sursaut civil et politique », annoncé en février 2021, lors du Sommet de N’Djamena, qui menace de rejoindre la longue liste des promesses non tenues.

Organisations ouest-africaines signataires

  • African Security Sector Network (ASSN)
  • Alliance pour la Paix et la Sécurité (APAISE) – Niger
  • Association Malienne des Droits de l’Homme (AMDH) – Mali
  • Association Nigérienne de Défense des Droits de l’Homme (ANDDH) – Niger
  • Association pour la Promotion Féminine de Gaoua (APFG) – Burkina Faso
  • Centre pour la Gouvernance Démocratique (CGD) – Burkina Faso
  • Collectif contre l’Impunité et la Stigmatisation des Communautés (CISC) – Burkina Faso
  • Coordination des Associations des Femmes de l’Azawad (CAFA) – Mali
  • Doniblog (Communauté des blogueurs du Mali) – Mali
  • Ligue Ivoirienne des Droits de l’Homme (LIDHO) – Côte d’Ivoire
  • Mouvement Burkinabè des Droits de l’Homme et des Peuples (MBDHP) – Burkina Faso
  • Observatoire Kisal
  • Réseau de Réflexion Stratégique sur la Sécurité au Sahel (2r3s)
  • Réseau Panafricain pour la Paix, la Démocratie, et le Développement (REPPAD) – Niger
  • Women in Law and Development (WiLDAF) – Mali
  • Organisations internationales soutenant la déclaration

  • Center for Civilians in Conflict (CIVIC)
  • Fédération internationale pour les droits humains (FIDH)
  • Fokus Sahel
  • Global Centre for the Responsibility to Protect (GCR2P)
  • Human Rights Watch (HRW)
  • Médecins du Monde (MDM)
  • Oxfam
  • Plan international Niger, Burkina Faso et Mali
  • Save the Children International
  • Secours Islamique France
  • SOS Faim Luxembourg
  • Win Without War
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