Polémique autour du crash au Gabon


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Voilà une semaine que le bimoteur de la compagnie privée Gabon-Express s’est abîmé en mer, près de la plage de la Sablière, à Libreville. La catastrophe a fait 19 morts parmi les 30 personnes embarquées. Et la population de la capitale gabonaise ne décolère pas du temps mis par les autorités pour intervenir. Ces dernières admettent aujourd’hui leur responsabilité à demi-mot, mais évoquent avant tout la fatalité.

« On ne peut pas parler de jouer aux médecins après la mort. C’était un accident. Le gouvernement a mis en œuvre toutes ses possibilités pour venir en aide aux survivants ». C’est en ces termes que le Porte-parole du gouvernement gabonais, M. René Ndemezo Obiang, a répondu aux critiques qui se sont abattues sur les autorités après le crash, mardi dernier, d’un avion de la compagnie privée Gabon-Express. René Ndemezo, qui est également ministre chargé des Relations avec le Parlement, et qui s’exprimait sur l’antenne d’Africa n°1, a rejeté les accusations de lenteur dont le gouvernement est l’objet dans la mise en œuvre des secours d’urgence.

Les habitants de la capitale gabonaise n’en démordent pourtant pas. « Dire que les gens sont énervés, explique un Librevillois, est un euphémisme. Les secours officiels, l’armée, la marine… n’ont commencé à intervenir que trois heures après le crash. Et seulement pour chasser les pêcheurs qui venaient en aide aux survivants. Sans les remplacer dans leur travail. Les gens, ajoutent Marc, ne comprennent pas comment les secours ont pu être aussi longs, alors qu’il y avait un camp militaire, ainsi que le 6è Bima (Bataillon d’infanterie de marine, ndlr), à une centaine de mètres du crash ».

Sauvetages à la nage

Le bimoteur, qui devait rallier Libreville à Franceville, s’est abîmé en mer à 09h38, 27 minutes après son décollage. Il tentait de revenir sur l’aéroport de la capitale gabonaise en raison de « problèmes techniques ». Des centaines de personnes se sont alors amassées sur la plage de la Sablière, prêt de laquelle l’avion s’est écrasé. Les premiers « secours organisés » sont même arrivés 15 à 20 minutes après l’accident, selon l’AFP, mais sans moyens pour venir en aide aux passagers. Lesquels, selon des témoins, étaient coincés dans la carlingue en train de couler à une dizaine de mètres de la plage. « L’un des premiers à être intervenu, un Français, ancien du Samu, a même pu accéder à l’avion à la nage pour tenter de venir en aide aux survivants », assure Marc. Avant que la marée ne repousse la carcasse à près de deux cent mètres de la plage.

L’essentiel des sauvetages ont donc été le fait des pêcheurs locaux. Ceux-ci ont pu faire monter dans leurs pirogues les passagers qui étaient parvenus à s’extraire de l’avion en train de prendre l’eau. Leur travail a d’ailleurs été salué par le gouvernement lors du Conseil des ministres du 10 juin dernier. Quarante huit heures durant, les sauveteurs ont ensuite travaillé, sous la pression des familles de disparus et de milliers de badauds, pour retirer la carcasse de l’eau, devenue le cercueil de quelques passagers encore bloqués. Devant le silence des autorités, les Librevillois vont jusqu’à échafauder des théories pour expliquer la lenteur des secours. « La rumeur veut qu’il y ait eu une importante somme d’argent dans l’avion, détenue par un payeur de la trésorerie générale de Franceville. Les autorités auraient empêché les pêcheurs de continuer leur travail pour protéger cet argent, en attendant les ordres… », explique Marc, incrédule.

« Gouverner, c’est prévoir »

Quid des procédures d’urgence en cas de catastrophe aérienne, dans ce pays où les compagnies aériennes privées sont considérées comme des « cercueils volants » ? Pourquoi les secours ont-ils été aussi longs ? Les Sapeurs-pompiers de Libreville, « non habilités » à s’exprimer, n’ont pas souhaité apporter de précision à Afrik sur le déroulement des opérations de sauvetage. Pas plus que le ministère des Transports et de l’Aviation civile, ou celui de la Défense, qui renvoient aux communiqués officiels. Notamment à celui du Conseil des ministres du 10 juin dernier, consacré au crash. Mardi, le Porte-parole du gouvernement a néanmoins admis, à demi-mot, la responsabilité des autorités. « Il existe des procédures pour que les ministères concernés puissent se concerter sur la manière d’intervenir… », a-t-il expliqué sur Africa n°1. « Mais nous devons admettre que là, il a dû y avoir quelques dysfonctionnements… ».

Des dysfonctionnements que les membres du gouvernement n’ont pas évoqué au cours du conseil des ministres du 10 juin. Outre l’ouverture d’une information judiciaire, ces derniers ont décidé la création d’une « Commission interministérielle chargée d’évaluer les moyens nécessaires à mettre en œuvre pour faire face, avec plus de rapidité et plus d’efficacité, à tout type de catastrophe à venir ». Dix ministères y sont associés. « Le chef de l’Etat, indique le communiqué, a demandé au gouvernement d’entreprendre un réexamen minutieux des différents équipements, machines, personnels … des différentes sociétés aériennes opérant au Gabon ».

Le Président et ses ministres ont enfin souhaité organiser des funérailles nationales, en hommage aux victimes de la catastrophe aérienne, le lundi 14 juin… que les familles ont refusé. « Des ministres qui se sont rendu au domicile des familles de victimes, pour partager leur peine, en ont même été chassées », raconte Marc. « Les autorités n’ont pas fait un semblant d’effort pour sauver les passagers. C’est ce qui a amené les familles à refuser en majorité les obsèques nationales », a expliqué un parent de victime à l’AFP. Avant d’ajouter, « gouverner, c’est prévoir (…) On sait que l’aéroport n’est pas loin de la mer. Pourquoi ne pas avoir prévu les moyens » d’un sauvetage.

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