Nafytoo, une lingerie sans frontières…


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Nafytoo, une lingerie sans frontières…

Nafissatou Diop est la première styliste et créatrice africaine à participer au Salon International de la lingerie de Paris qui a débuté ce jeudi à la porte de Versailles. La jeune Sénégalaise présente, jusqu’à dimanche au stand des jeunes créateurs, sa marque Nafytoo à travers deux collections intitulées « Sensations exotiques » et « Teranga ». Interview.

Naphitoo.jpg La jeune créatrice Nafissatou Diop s’affaire sur son stand, habille un mannequin et répond à la curiosité des visiteurs du salon, intrigués par cette lingerie en mailles de crochets, rappelant des filet de pêche. Sa griffe Nafytoo. La Sénégalaise est la seule Africaine à participer au salon depuis sa création il y a 23 ans. Destination séduction, la collection « Sensations Exotiques » décline nuisettes, bustiers et ensembles aux tons noirs, bleus, marrons ou roses, parfois émaillés de petites perles. La ligne « Homewear », plus sobre, et moins coquine, propose quant à elle, des combinaisons en coton uni et brodées.

Afrik.com : Comment as-tu été contactée par le Salon ?

Nafissatou Diop : C’est grâce à un article que j’ai eu dans le magazine Cosmopolitan, après un défilé que j’ai fait en 2002. Je connaissais déjà le salon et je le visitais régulièrement en me demandant quand j’allais y exposer. Mais on ne vient pas comme ça dans un salon. Il faut une préparation d’au moins un an à l’avance et il faut être sûr qu’on a des possibilités à l’exportation. Et dans Cosmopolitan, ils ont dit que j’étais la première créatrice d’Afrique sub-saharienne à faire de la lingerie, et qui projetait de participer au salon International de Paris. Les organisateurs m’ont ainsi contactée au Sénégal pour participer à l’espace Spicy Gardens, qui est celui des jeunes créateurs. Je me suis alors préparée, renseignée sur le déroulement d’un salon, les stands, les livraisons, les fournisseurs, les délais etc…pour être une vraie professionnelle.

Afrik.com : Quel a été ton parcours vers la création de lingerie ?

Nafissatou Diop : Je suis arrivée en France à l’âge de 14ans. Plus tard, j’ai fait des études de comptabilité et un jour, j’ai assisté au défilé de fin d’année d’une école de mode. En voyant les créations qu’avaient réalisées les élèves au bout de deux ans de cursus, je me suis dit : « C’est ça que je veux faire ! » A la base, j’étais déjà un peu artiste dans l’âme, étant donné que je transformais systématiquement tous mes vêtements. Puis, il a fallu convaincre mes parents. Ce qui n’a pas été facile, avec un père militaire et une mère issue de la campagne, donc très enracinée dans la tradition. C’est grâce à l’appui de mes frères et sœurs que j’ai pu leur faire comprendre que pour qu’une personne réussisse, il faut la laisser faire ce qu’elle aime. Je me suis, ensuite, inscrite dans une école et au bout de deux ans j’ai fait quelques défilés et élections de Miss à Paris. Je suis rentrée au Sénégal en 1997 parce que je voulais absolument lancer ma propre marque là-bas.

Afrik.com : Justement, comment ça s’est passé là-bas ?

Nafissatou Diop : J’ai étudié le marché, fréquenté des gens de mode, pour me rendre compte que personne ne faisait de la lingerie et comme je suis passionnée, j’ai voulu exploiter un nouveau créneau. Je ne voulais surtout pas faire comme tous les créateurs de vêtements. Donc j’ai opté pour la lingerie qui n’est pas exploitée en Afrique.

Afrik.com : Quelle lingerie proposes-tu ?

Nafissatou Diop : J’ai deux types de lingerie : l’une de séduction et l’autre de confort. La lingerie de séduction, c’est tout ce qui est en crochet. La prochaine collection, je prévois des mélanges de matières. Mais j’ai d’abord voulu commencer par le crochet brut car je pense qu’il faut montrer ce qu’on sait faire de mieux. Et au Sénégal, il y a des jeunes filles qui le font très bien et de plus, ça crée des emplois. Donc, c’est une ligne de crochet assez modernisée avec des bretelles réglables et des coqs pour les soutiens. Et pour le homewear, il s’agit d’une ligne en coton, assez simple avec des petites broderies artisanales et qu’on peut porter à la plage ou même à la maison.

Afrik.com : Comment ta collection est-elle accueillie au Salon ?

Nafissatou Diop : On est à la deuxième journée et c’est très positif. Aussi bien la presse occidentale qu’africaine s’intéresse à mon cas, car c’est une première sur le salon. Du côté du public, j’ai beaucoup de prospects parce que c’est du made in Sénégal, entièrement fabriqué à la main. Et ça ne fait pas phénomène de masse comme pour les Chinois. Depuis le début, j’ai eu des clients grecs, américains et même italiens.

Afrik.com : Et au Sénégal ?

Nafissatou Diop : Tout ce qui est fait chez soi est parfois négligé et ma clientèle sénégalaise apprécie plus mes vêtements homewear, parce qu’ils ont grandi dans le crochet et ça ne les impressionne pas du tout. Ou alors, il faut faire des tenues vraiment très originales pour les convaincre. La Sénégalaise étant une cliente très difficile, ma clientèle là-bas est donc très ciblée.

Afrik.com : Qui des hommes ou des femmes viennent le plus vers toi ?

Nafissatou Diop : Je dirais les femmes. Car les hommes sont tout timides, mais ils commencent à venir.

Afrik.com : Tu es la première africaine en 23 ans à participer à ce salon, qu’est-ce que cela fait ?

Nafissatou Diop : J’en suis très fière et très heureuse et je pense que les Africains doivent se distinguer dans tous les domaines, et pas seulement dans la musique ou le cinéma, même s’ils le font très bien. Il est souhaitable que cette nouvelle génération entre dans d’autres créneaux qui ne sont pas encore exploités. Il faut qu’on essaie d’innover au lieu de faire comme le voisin. Au Sénégal, tout le monde s’est lancé dans le prêt-à-porter, ce qui est ridicule car la concurrence étant forte, tout le monde baisse les prix. Mon objectif est donc d’innover, de faire des études de marché et voir ce qui ne se fait pas encore au Sénégal. Et le fait d’être la première Africaine sur ce salon va ouvrir des portes et pousser d’autres jeunes filles, dans toute l’Afrique, à s’y intéresser. Et comme chaque année au salon, c’est l’année d’un pays, j’espère qu’un jour, il y aura l’année du Sénégal, du- Cameroun ou du Mali. Etre ici sur ce salon, c’est être une ambassadrice pour l’Afrique et c’est un honneur pour moi.

Visiter le site Salon International de la lingerie de Paris

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