Mort d’Alino Faso en détention : Ouagadougou convoque la diplomatie ivoirienne et exige le rapatriement du corps


Lecture 4 min.
Alino Faso
Alino Faso

Le Burkina Faso est en émoi après l’annonce du décès, dans des circonstances encore troubles, de l’activiste burkinabè Alain Traoré, alias Alino Faso, survenu en République de Côte d’Ivoire. Face à ce drame, le gouvernement burkinabè a convoqué ce lundi 28 juillet la Chargée d’affaires de l’ambassade ivoirienne à Ouagadougou. En toile de fond : un profond ressentiment face à l’opacité de la procédure ivoirienne et une exigence formelle de rapatriement du corps du défunt.

La nouvelle de la mort de l’activiste burkinabè Alino Faso continue de faire des vagues. Pour les autorités du Burkina Faso, son pays d’origine, la façon dont l’information de son décès a été gérée par la partie ivoirienne est « inadmissible ».

Un décès révélé par les réseaux sociaux

L’indignation est à la hauteur de la surprise. C’est par les réseaux sociaux que la majorité des Burkinabè ont appris, dans la soirée du dimanche 27 juillet, le décès de l’ancien militant et détenu politique Alain Traoré, plus connu sous le nom d’Alino Faso, alors incarcéré en Côte d’Ivoire. La nouvelle, non confirmée dans un premier temps par voie officielle, a provoqué stupeur et incompréhension à Ouagadougou.

Ce n’est que ce lundi matin que les autorités diplomatiques burkinabè ont obtenu une confirmation formelle de la part de la Chargée d’affaires ivoirienne, convoquée d’urgence au ministère burkinabè des Affaires étrangères.

Une procédure « irrespectueuse » dénoncée

Le chef de la diplomatie burkinabè, Jean-Marie Karamoko Traoré, s’est exprimé avec fermeté à l’issue de cette rencontre. Il a vivement dénoncé la manière dont le décès a été géré par la partie ivoirienne, pointant un « mépris » à l’égard des institutions et du peuple burkinabè. « Ni notre ambassade ni notre consulat à Abidjan n’ont été informés officiellement. Le ministère burkinabè des Affaires étrangères n’a reçu aucune notification. C’est inadmissible », a martelé le ministre.

La colère est d’autant plus grande que, selon Ouagadougou, la publication d’un communiqué officiel ivoirien n’est intervenue qu’après 72 heures de silence, alimentant ainsi les suspicions et les frustrations autour des circonstances de la mort d’Alino Faso.

Alino Faso, un exilé controversé

Figure controversée, Alino Faso avait été arrêté en Côte d’Ivoire après avoir été dénationalisé par les autorités ivoiriennes pour des propos jugés séditieux et des activités militantes jugées déstabilisatrices. Il s’était longtemps présenté comme un opposant en exil, critique à la fois du pouvoir ivoirien et burkinabè.

Mais pour Ouagadougou, peu importe les contentieux passés : il demeure un citoyen burkinabè, et à ce titre, son pays d’origine réclame le droit d’exercer ses prérogatives diplomatiques. « Il a été déchu de sa nationalité ivoirienne. Il reste un Burkinabè. Nous voulons que son corps nous soit remis dans les plus brefs délais », a insisté le ministre Traoré.

Une exigence claire : vérité et rapatriement

Le gouvernement burkinabè ne se contente pas d’un simple rapatriement. Il exige toute la lumière sur les circonstances de ce décès. Le ministre des Affaires étrangères a exhorté la Chargée d’affaires ivoirienne à faire remonter cette exigence à sa hiérarchie, précisant qu’aucun compromis ne serait toléré sur ce point.

Dans l’attente, la tension est palpable entre les deux pays pourtant historiquement liés par des échanges humains, économiques et politiques denses. Des voix burkinabè commencent à demander une enquête indépendante sur les conditions de détention du militant, qui selon des sources concordantes, aurait été retrouvé mort dans sa cellule.

Quelles suites diplomatiques ?

Si la Côte d’Ivoire n’a pas encore officiellement réagi à cette convocation, les prochains jours s’annoncent cruciaux. La gestion du dossier pourrait influer durablement sur les relations entre Abidjan et Ouagadougou, déjà affectées par les débats récurrents sur les questions migratoires, sécuritaires et politiques.

Pendant que la société civile burkinabè exprime une émotion vive et que des proches du défunt réclament justice, la pression monte pour que transparence, dignité et respect diplomatique soient enfin au cœur des échanges entre les deux pays.

Avatar photo
Par Serge Ouitona, historien, journaliste et spécialiste des questions socio-politiques et économiques en Afrique subsaharienne.
Facebook Linkedin
Newsletter Suivez Afrik.com sur Google News