Métastases camerounaises


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Cancer (illustration)
Cancer (illustration)

Le cancer est encore tabou et peu connu au Cameroun. L’augmentation rapide des cas pourrait faire de cette maladie un fléau comparable à celui du sida d’ici 2015. La prévention et le dépistage restent les meilleurs moyens d’éviter l’arrivée dans les hôpitaux de cancéreux en stade terminal.

Cancer ou sida ? Les Camerounais redoutent les deux maladies, mais ne savent pas laquelle ils doivent craindre le plus. Les campagnes d’information sur le VIH/sida facilitent l’acceptation des sidéens, qui témoignent de plus en plus de leur quotidien. Mais certains des quelques 12 000 cancéreux préfèrent taire leur maladie. Un choix notamment justifié par des croyances ésotériques. Un sorcier pourrait jeter un sort mortel à celui qui révèle son mal. Ou encore, un ennemi du malade pourrait profiter de sa faiblesse pour l’empoisonner. « Le crime passerait incognito car tout le monde imputerait le décès au cancer et aucune recherche toxicologique ne serait menée », explique Paul Ndom, chef du service cancérologie à l’hôpital général de Yaoundé.

Des raisons plus terre-à-terre poussent à garder le silence. Les campagnes de prévention touchent peu les populations rurales qui n’ont pas toujours accès aux médias. Et quand c’est le cas, il arrive qu’elles ne maîtrisent pas la langue employée pour faire passer le message. Du coup, de fausses idées circulent. « Beaucoup de couples se sont séparés parce que l’épouse était atteinte d’un cancer du sein. Le mari pensait que s’il restait avec elle, il contracterait la maladie », raconte le Dr Ndom.

Le cancer bientôt égal au sida

Les populations rurales sont donc peu informées sur l’évolution de ce mal. Certains n’associent pas toujours l’apparition d’une tumeur et la dégradation de leur état de santé au cancer. Ce qui explique que, pour se soigner, les malades se tournent vers la médecine traditionnelle. D’échecs en échecs, le temps passe. Lorsqu’ils se rendent à l’hôpital, il est souvent trop tard. En cinq ans, le Dr Ndom a reçu dans son service 1 300 malades, dont une majorité de femmes. 80% d’entre eux sont arrivés à des stades si avancés que même les meilleurs traitements n’auraient rien pu faire. Ils étaient déjà condamnés.

Le cancérologue prévoit une forte augmentation des cas de cancer. Il se base notamment sur la hausse du nombre de sidéens qui développeront des tumeurs malignes. Ce qui effraye le plus les Camerounais aujourd’hui, c’est le sida. « Dans les campagnes de prévention, on dit toujours que ‘Le sida tue’. C’est une phrase choc qui marque les esprits. Le discours de prévention n’est pas aussi percutant à propos du cancer. Les gens associent donc moins l’idée de mort à cette maladie », analyse Richard, un camerounais de 39 ans. Les années à venir risquent de les ramener à la triste réalité. Des études de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) montrent que d’ici 2015, le cancer sera devenu un véritable fléau comparable à celui du sida. Les chiffres de l’organisation démontrent que 80% des cancers diagnostiqués dans le monde seront localisés dans les pays en voie de développement. La moitié décédera.

Le seul traitement efficace reste la prévention. Une prévention principalement prise en charge par des associations : le gouvernement a reconnu l’ampleur du problème il y a seulement un an, selon le Dr Ndom. Pour prévenir et dépister la maladie, et donc sauver plus de malades, le il a monté Sochimio. Une association qui devrait éviter aux cancéreux d’atteindre le stade terminal et donc de payer des sommes astronomiques pour les traitements. D’autant plus que les aides accordées par le gouvernement sont très rares et ne couvrent pas la totalité des soins. Une implication plus soutenue des autorités est indispensable pour que les Camerounais ne soient pas concernés par les estimations dramatiques de l’OMS.

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