Malouma fait bouger la société en chanson


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Malouma vient de sortir son troisième album: Nour (Marabi). Des mélodies et rythmes de Mauritanie mixés au rock et au blues: la star mauritanienne, qui est auteur-compositeur-interprète, dévoile toute sa sensibilité dans des chansons qui sont aussi des messages, dans la tradition des musiciens d’Afrique.

Interdite d’antenne pendant des années, à cause d’une chanson politique, Malouma a de nouveau retrouvé droit de cité dans son pays. Mieux: elle est désormais sénatrice. La politique, elle peut désormais la faire en mots, et pas seulement en chansons… Rencontre à Paris, à l’occasion de la parution de son album, Nour.

Afrik.com : est-ce difficile pour une femme de s’affirmer comme chanteuse en Mauritanie ?

Malouma : Non, ça n’est pas difficile: en Mauritanie, comme ailleurs en Afrique, il y a des familles de musiciens. Moi je viens d’une famille d’artistes: mon père et ma mère sont des musiciens. Mon père joue de la tidinit (guitare proche du guembri, ndlr), ma mère jouede l’ardin (petite harpe, ndlr). J’ai grandi dans une famille où tout le monde chantait !

Afrik.com : Vous êtes la première artiste à avoir apporté de la modernité dans la musique mauritanienne. Qu’est-ce qui vous a poussée à explorer cette voie ?

Malouma : J’ai débuté ma carrière très tôt. Et j’ai senti tout de suite que la musique mauritanienne était installée dans une certaine routine: c’est le propre de beaucoup de musiques « traditionnelles », qui sont un peu figées. J’écoutais beaucoup de musique occidentale, et j’ai eu envie d’apporter d’autres sons à la musique mauritanienne, tout en respectant sa couleur et sa tradition.

Afrik.com : Quels types de musique occidentale écoutiez-vous ?

Malouma : Mon père écoutait beaucoup de musique de tous les pays du monde, grâce à la radio. Il était branché sur la BBC, sur France Inter, sur des radios égyptiennes. J’ai été nourrie, musicalement, avec des artistes aussi différents que Oum Kalthoum, Abd el Halim Hafez, Manu Dibango, Miriam Makéba, ou Lambara Kamara. Et côté musique occidentale, on entendait à la radio Jacques Brel, Claude François, Mireille Mathieu,…

Afrik.com : Vous avez été interdite d’antenne pendant plusieurs années. Pouvez-nous nous raconter pourquoi ?

Malouma : J’ai été censurée à cause de mon point de vue sur la politique. En 1992, j’ai fait une chanson pour l’opposition, en hommage à l’un de ses leaders: « Habib echaâb » (l’ami du peuple, ndlr). Mais il y a des mots qui dérangent, et le gouvernement a décidé d’interdire cette chanson, et de m’interdire des ondes. Ca a duré jusqu’en 2003, date à laquelle une manifestation populaire a réuni 10.000 personnes qui demandaient que je revienne dans les médias.

Afrik.com : Vos chansons sont toujours chargées de messages: chanter, pour vous, c’est un engagement ?

Malouma : Oui toutes mes chansons ont un sens, et c’est sans doute pour cela qu’elles ont plu aux Mauritaniens: je parle des problèmes sociaux qui affectent le peuple. Avant, la chanson mauritanienne traditionnelle chantait la poésie classique: Antar, el Moutannabi, la Qasida, la louange du tribalisme… Ca ne parlait pas à la société. Dans mes chansons, j’aborde des questions comme l’émigration, les droits des femmes, la tolérance religieuse,…

Afrik.com : Quel en est l’impact sur la société ?

Malouma : Je crois que les artistes peuvent faire bouger les sociétés. Par exemple, au début, j’ai eu beaucoup de problèmes, parce que je chantais une chanson à la télévsion où je disais « habbeytou » (je l’ai aimé), et les gens étaient choqués parce que j’étais une jeune fille: dans la chanson arabe, une jeune fille ne chante pas l’amour de cette façon. Je chantais beaucoup de thèmes qui étaient tabous alors, et qui ne le sont plus.

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