Luc Choquer présente ses « Portraits de Français »


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Luc Choquer
Luc Choquer

Le musée Montparnasse à Paris accueille jusqu’au 22 avril prochain l’exposition « Portraits de Français » du célèbre photo reporter Luc Choquer. Forte de 80 clichés et d’une série de témoignages filmés, l’installation retrace sept ans de travail à travers tout l’Hexagone. Elle s’inscrit comme une véritable ode à la différence et à la diversité. Interview de l’auteur accompagné de Bernard Pellosse, le réalisateur des entretiens vidéo.

« Venez-nous voir avant de voter ». L’accroche de la plaquette de l’exposition « Portraits de Français », au musée Montparnasse à Paris jusqu’au 22 avril prochain, donne directement le ton. En cette période pré électorale, le travail du célèbre photo reporter Luc Choquer remet à l’heure les pendules de la diversité. Montrant que la richesse de la France réside dans cette mosaïque de culture, de parcours et d’univers. Les portraits, réalisés dans l’intimité des chez-soi, révèlent une authenticité nue, belle et émouvante, de ceux et celles qu’il a rencontrés pendant ces 7 années de travail. À la photo s’ajoute subtilement la vidéo, entretiens filmés en gros plan fixe sur fond blanc et légèrement surexposés. Un style agréablement très épuré qui renforce l’esprit et les messages des photos.

Afrik.com : Quelle est la genèse de « Portraits de Français » ?

Luc Choquer : Tout a commencé en 1998 à l’issue d’une commande du Conseil général de la Seine Saint-Denis. Il souhaitait que je réalise un travail sur les collèges difficiles du département. Comme ma présence dans les salles de classe était de nature à dissiper l’attention des élèves, on ne m’avait accordé qu’une heure en cours, pour le reste je devais travailler dans la cour ou à la sortie de l’école. Je me suis demandé quel était le meilleur moyen de parler de tous ces jeunes qui fréquentaient ces établissements. Je trouvais que la meilleure façon était de rentrer dans l’intimité de leur maison. Comme je venais de la part de l’institution (le proviseur, ndlr) j’ai dû casser cette barrière en sympathisant avec certains jeunes qui m’ont accueilli sans problème. J’y suis resté 9 mois.

Afrik.com : Votre exposition mixe photo et vidéo. Pourquoi avoir choisi ce parti pris ?

Luc Choquer : Chaque fois que je sortais d’une prise de vue, la photo me paraissait presque anecdotique parce que lorsque j’arrivais chez eux, les jeunes et leurs parents nous donnaient tout. C’était de vraies rencontres humaines. Mais je trouvais qu’il manquait une dimension à mon travail pour restituer toute l’essence de ces rencontres : la parole. Je me suis interrogé sur comment organiser la rencontre de la photo et de la parole. D’où l’idée de filmer au préalable les entretiens avec les personnes que j’allais photographier. C’est à mon ami Bernard Pelosse (psychologue de profession) que j’ai confié cette tache. Comme mes portraits saisissent les gens dans leur intimité, il me fallait une image très épurée et une parole simple.

Afrik.com : Comment avez-vous élaboré vos entretiens ?

Bernard Pelosse : J’ai élaboré un entretien de type proustien qui repose sur un questionnaire type de 54 questions. On attendait pour chaque question que la personne se l’approprie et d’une question banale en apparence, on arrivait à des choses plus intimes, des paroles qui sortent rarement.

Afrik.com : Le questionnaire intervenait-il toujours avant la séance photo ?

Luc Choquer : Le questionnaire était toujours administré avant la séance photo. Ça pouvait aller d’une heure à une demi-journée. J’apprenais ainsi à mieux connaître les gens ce qui guidait mieux mon travail derrière l’objectif. Ils me donnaient d’ailleurs beaucoup, ils se livraient complètement, une fois qu’ils nous avaient ouvert les portes de leur monde devant la caméra. Contrairement à ce que certaines personnes pourraient croire, il n’y a aucune mise en scène dans mes photos. Tout est sur le vif.

Afrik.com : Qu’avez-vous appris sur vous ou sur les autres à travers votre travail ?

Luc Choquer : Ça m’a délivré de l’idiotie, comme je le disais récemment à une journaliste. Ça m’a appris à réfléchir différemment, à voir les gens différemment, à comprendre la différence et la singularité de chaque personne.

Bernard Pelosse : Nous avions à chaque fois une représentation du monde dans lequel les gens que nous rencontrions se situaient. Et nous avons appris à découvrir l’autre tel qu’il se situait lui-même dans le monde. Nous sommes rentrés dans leurs univers, dans leur réalité.

Afrik.com : Quel est le but finalement de votre œuvre ?

Luc Choquer : Nous avons voulu montrer toute la diversité ethnique de la France. Diversité qui ne se retrouve pas qu’à Paris. J’ai parcouru la France à l’occasion de mes différentes commandes (comme celle de la Commission pour la célébration de l’an 2000 du ministère de la Culture où je suis allé de Dunkerque à Perpignan), et c’est le même constat.

Afrik.com : Le fait que l’exposition et le livre sortent quelques jours avant le premier tour des élections française est-il fortuit ou volontaire ?

Luc Choquer : C’est un livre et une exposition éminemment politique. Je pense que la France est multiraciale et c’est ce qui fait sa richesse.

Afrik.com : Quel est votre souvenir le plus marquant pendant votre travail sur cette exposition et cet ouvrage ?

Luc Choquer : Il y en a beaucoup. Je pense particulièrement à celle de ce brillant collégien handicapé avec qui j’ai d’ailleurs gardé contact. Ses parents avaient honte de lui et ont refusé que je le photographie chez eux. Il était en pleurs, humilié. Nous sommes retournés au collège pour trouver un lieu. Nous en avons trouvé un parfait, au niveau du symbolique et au niveau de l’harmonie des couleurs. Si bien que beaucoup croient qu’il s’agit d’un montage en voyant la dite photo.

Afrik.com : Il y a près de 80 photos dans l’expo, fruit de 7 ans de travail. Combien de clichés aviez-vous engrangé au total ?

Luc Choquer : J’avais plus de 300 photos, j’en ai gardé 110 pour le livre, un peu plus pour ma collection personnelle. Ça a été tout un travail de sélection. Comme pour les enregistrements vidéo où nous avions quelque 30 heures de rush. Je voulais passer de l’individu à l’universel. Parler de la France en évoquant le collectif par l’intimité. Parfois j’aimais une bonne photo mais pas l’entretien vidéo correspondant. Il m’a fallu faire des choix.

Afrik.com : Y a-t-il une phrase que vous retiendriez de tous les entretiens que vous avez effectués ?

Luc Choquer : Il y en a beaucoup. Celle qui me vient à l’esprit vient d’un cadre EDF qui m’a donné sa définition du bonheur : « Vivre heureux en étant le moins s… possible ».

Bernard Pelosse : (Qui se souvenait du nom de la personne). C’est étonnant de voir à quel point chacune des personnes que nous avons rencontrées a laissé sa trace.

Luc Choquer : J’ai également remarqué que les gens étaient très étonnés qu’on s’intéresse à eux, des anonymes. Ils en étaient fiers et contents.

Afrik.com : Avez-vous pensé à faire une adaptation télé de votre œuvre ?

Luc Choquer : Ce livre me tient trop à cœur, parce qu’il est lié à la disparition d’un proche, l’ouvrage lui est d’ailleurs dédié. Je n’ai pas envie de galvauder mon travail avec une adaptation télé. Quant à l’expo, qui fait partie intégrante de l’oeuvre, elle reste éphémère même si elle est prévue pour être itinérante.

Afrik.com : Quel a été le meilleur compliment que vous avez reçu par rapport à votre travail ?

Luc Choquer : A l’issue de mon travail en Seine Saint Denis, j’avais invité toute la cité à venir voir l’expo. Comme mes portraits ne sont pas toujours flatteurs, je m’attendais à me faire casser la gueule. Au lieu de ça, tous étaient venus avec leur famille, fiers et contents de leur montrer les photos où ils apparaissaient.

Afrik.com : Qu’est ce qui fait une bonne photo ?

Luc Choquer : Une bonne photo ? (Il marque une pose) Je ne sais pas, c’est très subjectif. Je sais seulement que l’on peut dire beaucoup de choses à travers une photo. C’est quelque chose que j’ai découvert à travers le travail de Diane Arbus et Robert Franck. Moi qui au départ n’était pas tout intéressé par la photo (il était psychologue, ndlr). Ça a été une véritable révélation et c’est ce qui a révélé ma vocation.

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