Leïla Ghandi : la tête dans les nuages, les pieds sur terre


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Leila Ghandi
Leila Ghandi

Photographe, journaliste, artiste, voyageuse… Leïla Ghandi, la Titouan Lamazou marocaine, comme on l’appelle dans son pays d’origine, a reçu lundi le Trophée de la réussite au féminin, au Sénat (France), des mains de la secrétaire d’Etat à la politique de la Ville, Fadela Amara.

Leïla Ghandi. Son seul nom est déjà toute une histoire. Leïla, cela signifie « nuit » en arabe. Mais Ghandi ? Est-ce le nom d’une grande famille de Rabat, Fès ou Casa, où elle est née il y a 27 ans ? Ou celui d’un voyageur indien débarqué sur les rives nord-africaines, pour y laisser sa descendance et son nom ? En fait, rien de tout cela. C’est plutôt la réputation de Mahatma, le chantre indien de la non-violence, qui a voyagé jusqu’aux oreilles d’un sage villageois marocain, lequel a décidé, lorsque l’autorité française au Maroc a mis à jour son état-civil, d’en prendre le patronyme.

Cet homme était le grand-père de Leïla. Une jeune fille marocaine, française voire « planétaire », comme la décrit son ancien professeur à Sciences Po Paris. « Planétaire », en raison de son attirance pour les voyages, héritée d’un père « chef scout qui a fait le tour du Maroc a pied à l’âge de 18 ans » et d’une mère qui, elle, a fait le tour du monde. « Planétaire » aussi, en raison de son ouverture vers l’autre, héritée du grand-père Ghandi et d’une grand-mère qui a été la « première sage-femme du Maroc ».

Le résultat : c’est une journaliste-photographe catégorie « tête dans les nuages ». Pas seulement une journaliste, d’ailleurs, puisqu’elle cumule les projets d’expositions artistiques, de reportages photo, un roman, qu’elle a terminé d’écrire, des documentaires TV, des conférences et sans doute d’autres choses encore. Ce lundi, c’est pour tout cela qu’elle a été récompensée du Trophée de la réussite au féminin, au Sénat français, des mains de la secrétaire d’Etat à la politique de la Ville, Fadela Amara.

La « révélation » du voyage

A bien y réfléchir, la première impression de « tête dans les nuages » non plus n’est pas appropriée. Car la jeune globe-trotteuse ne fait pas les choses au hasard. Certes, elle a quitté un emploi bien rémunéré, après des études à l’institut d’études de Sciences politiques et un double diplôme de l’Ecole supérieure de commerce et de l’université de Portsmouth… pour voyager. « Tout le monde a essayé de me convaincre de ne pas le faire. Mes amis me disaient que c’étaient “des rêves d’enfants” et à un moment, j’étais la seule à être convaincue. En revanche, mes parents n’ont jamais été un frein », se souvient-elle.

Sa passion, Leïla en parle avec des mots tirés du lexique religieux. « La révélation », d’abord, qui a lieu lors de son stage de fin d’études de BTS, à l’ambassade de France au Chili. Un parti pris déjà sérieux pour la découverte de l’étranger plutôt que des réseaux parisiens liées à son domaine professionnel. Là, elle en profite pour visiter le continent et part en Colombie, en Argentine, « un tee-shirt et une brosse à dents dans le sac », avant de traverser la cordillère des Andes « de Lima jusqu’à Ushuaïa ». Elle y découvre la liberté de voyager sans contrainte de temps, la spontanéité, apprécie et remet ça l’année suivante. L’année de « la confirmation ».

Cela se déroule sur l’Himalaya, lors d’un séjour de huit mois en Chine. Elle apprend le chinois après avoir compris dès le premier jour qu’elle ne s’en sortirait pas autrement et voyage jusqu’au Tibet, en train, à la rencontre de ceux qui font la puissance économique chinoise – on peut d’ailleurs les découvrir au plus prêt, au fil des Chroniques de Chine qu’elle a publiées fin 2007 aux éditions Bachari.

Témoigner ici et là-bas

Après la confirmation, c’est la professionnalisation, pourrait-on dire. Chez Leïla, qui jusque là réalise des photos personnelles, naît l’envie de témoigner de ses rencontres avec le public. Les mots « tolérance », « cultures du monde » résonnent dans sa bouche. « Souvent on parle de la misère, de la souffrance… C’est une réalité mais ça n’est pas la seule. Je voulais témoigner de ces gens heureux qui vivent simplement. »

Pour être certaine que ses photos ne sont pas uniquement appréciées par ses amis et sa famille, elle fait un test en décembre 2005 en exposant quelques spécimens autour de l’église Saint-germain, à Paris. Bingo. Les photos plaisent, se vendent et l’année suivante, Leïla ouvre son compte de droits d’auteurs. Suivent des expositions dans le monde entier et de nombreux reportages dans la presse marocaine. L’une de ses expériences préférées : une rubrique « Femmes du monde », composée d’un patchwork de portraits photo et écrits, qu’elle a créée pour le magazine Femmes du Maroc.

Femme du Maroc, de France, d’Angleterre (elle y a étudié) ou de Chine, à l’étranger, la « femme planétaire » est-elle ramenée à l’une de ses cultures ? « Je suis fière de représenter le Maroc, coupe-t-elle. J’ai mon tee-shirt aux couleurs rouge et vert que je porte pour chaque occasion symbolique. Souvent, les gens ne placent pas le pays sur une carte et lorsqu’ils le connaissent, ils sont étonnés de voir une jeune fille seule. J’essaye justement de véhiculer une image loin des préjugés. »

A feuilleter et commander : « Chroniques de Chine », de Leïla Ghandi, aux éditions Bachari.

A voir : « Instantanés de Croatie », au Club de la presse et au salon VIP du Salon du tourisme, à Paris, du 13 au 18 mars

Droits photo : Leïla Ghandi

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